Data Management

​Risques et opportunités, la donnée au centre de l’innovation. Par Eric Hazane


Jacqueline Sala




Téléchargez l'article sous format pdf


La schizophrénie des nouveaux « chercheurs d’or noir » du 21ème siècle

Un an après le premier colloque (3)  national multidisciplinaire autour de la donnée, cet article se propose de rappeler que si notre société est en train de devenir « données-centrée », l’innovation et les énergies qu’elle stimule engendrent une forme avancée de schizophrénie.
Pile et face d’une même pièce, il convient d’appréhender simultanément les riches opportunités ainsi que les multiples risques pour s’en emparer et/ou, au contraire, s’en protéger. Un certain nombre de technologistes mais aussi d’économistes considèrent la donnée comme le « nouvel or noir » (4)  du 21ème siècle.
« Pauvre métaphore » voire « pauvre pensée » que de la comparer au pétrole selon d’autres  (5), elle n’en demeure par moins influencée par de multiples caractéristiques dont l’assurance, sinon la confiance, qu’elle devrait naturellement inspirer est pourtant loin d’être acquise. 
​C’est pourquoi la prise de conscience des risques et la mise en place de mesures de cybersécurité sur l’ensemble de son cycle de vie doivent permettre de protéger la chaîne de valeur où innovation, emplois et avenir se confondent.

Archéologie et tsunami des données

 Si la décennie 2000 est marquée par la démocratisation de l’Internet, la décennie 2010 est, elle, celle de l’explosion de la production d’informations numérisées autrement appelées données.

En parallèle, la science des données s’est également développée, notamment pour pouvoir adresser et rendre intelligible une partie de ce déluge de données. Un nouveau tsunami sociétal se prépare alors que les objets connectés sont en train d’arriver et nous promettent une révolution inédite, notamment en matière de génération de données, à des niveaux jusqu’à présent insoupçonnés.  
En 2014, une étude  du cabinet IDC (6) prédisait que la somme totale de données produites doublerait tous les deux ans jusqu’en 2020 avec pour conséquence la nécessité de créer dix fois plus de serveurs informatiques pour espérer gérer cette déferlante.
Non par crainte d’une éventuelle saturation du stockage mais plutôt pour être en mesure de retrouver, d’extraire et d’exploiter cette nouvelle manne où seulement 1,5% du volume total concentrerait la plus grande valeur (7) .  

​De la complexité de la gestion des risques…

La difficulté d’appréhender les conséquences de cette croissance hallucinante des données produites tant par les êtres humains que par les machines devient d’une rare complexité au regard de la gestion des risques multiples qu’il est nécessaire de mettre en place.
Sans détailler l’ensemble de ces risques qui pèsent sur et autour des données, relevons qu’ils recouvrent, en apparence, des domaines très différents mais en réalité imbriqués : technologique, sociologique, environnemental, politique, géopolitique mais aussi psychologique et cognitif.
Au-delà des atteintes en disponibilité, intégrité et confidentialité, c’est la chaîne de confiance de la donnée qu’il faut construire, de sa génération à son stockage en passant par son transport, son utilisation, son éventuel recyclage et sa transformation.  
La mise en place des règles d’hygiène informatique essentielles (8) tant techniques, qu’organisationnelles et juridiques en matière de cybersécurité devraient permettre une réduction substantielle des risques les plus courants. Notamment pour les petites et les moyennes entreprises (9) qui demeurent des proies faciles et démunies face à une cybercriminalité toujours plus inventive et redoutable...
 

à celle des opportunités et des changements structurels.

​​L’évolution vers une société de plus en plus numérique est aussi une formidable opportunité industrielle et créative que de rendre disponibles des données sûres et sécurisées à la communauté auxquelles elles sont destinées. Recherche académique et industrielle doivent s’associer afin d’élaborer de nouveaux procédés innovants comme autant de stimuli économiques précurseurs de l’évolution de la société actuelle vers la société numérique.  
Mais attention ! La réussite d’une telle (r)évolution ne pourra se faire qu’au prix de changements structurels profonds. L’organisation managériale de l’entreprise et ses processus métier devront être revisités (10)  pour permettre la circulation des données transformées en « juste quantité d’informations au bon moment ». Le système éducatif et de la formation devront former des cohortes de salariés tout en sachant ajuster les savoirs et savoir-faire existants aux besoins identifiés comme urgents ainsi que ceux émergents.
Une savante mécanique qui nécessitera de nouveaux métiers, des opportunités et des débouchés multiples ainsi qu’une souplesse intellectuelle et de fortes capacités d’adaptation. 

​Pour conclure

 La transformation de la société humaine en société numérique est un fait qu’il ne semble plus possible aujourd’hui d’éviter. Il conviendrait dès lors d’en prendre la mesure afin de préparer et d’organiser la société, c'est-à-dire l’administration, les entreprises, le système éducatif et de la recherche, les salariés et les citoyens en vue d’accompagner cette révolution.
Ainsi envisagée, le gisement d’opportunités tant en matière d’emplois que de richesses prendrait l’ascendant sur les risques, multiples et en croissance. A l’inverse, l’absence de vision donc d’adhésion pourrait conduire à une plus grande instabilité qu’elle soit économique, sociale ou technologique.

Eric Hazane

L'auteur

 Expert cybersécurité et cyberdéfense, formateur et enseignant-vacataire en cybersécurité, cofondateur d’EchoRadar (1) , Eric Hazane intervient également lors de conférences et de colloques. Sa réflexion et ses travaux (2)  portent notamment sur les conflictualités dans le cyberespace et, plus largement, la révolution numérique. Le point de vue de cet article est exclusivement le sien et n’engage en aucune manière ni son employeur actuel ni les précédents.

RÉFÉRENCES

1 • www.echoradar.eu
2 • Notamment la rubrique « Publications » de https://fr.linkedin.com/in/ehazane
3 • http://echoradar.eu/2015/03/06/colloque-la-donnee-nest-pas-donnee-23-mars-2015-2/
4 • http://www.lajauneetlarouge.com/article/les-donnees-massives-du-big-data-un-nouvel-or-noir et http://www.inriality.fr/communication/data/donnees/data-le-nouvel-or/
5 • http://www.henriverdier.com/2013/03/non-les-donnees-ne-sont-pas-du-petrole.html
6 • http://idcdocserv.com/1678
7 • https://echangeurba.wordpress.com/2014/05/12/2013-2020-le-volume-de-donnees-de-lunivers-digital-multiplie-par-10-bigdatabx/
8 • http://www.ssi.gouv.fr/guide/guide-dhygiene-informatique/
9 • http://www.ssi.gouv.fr/actualite/petites-et-moyennes-entreprises-decouvrez-le-guide-des-bonnes-pratiques-de-linformatique-adapte-a-vos-besoins/
10 • http://www.usine-digitale.fr/article/la-tranformation-numerique-de-faurecia-ou-l-agilite-comme-essence-de-l-entreprise-du-futur.N384884


Nouveau commentaire :