Droit d'auteurs

Comment gérer les droits internationaux dans les panoramas de presse ?


Christophe Dickès Global Copyright Director, Kantar.




Comment gérer les droits internationaux dans les panoramas de presse ?

Chaque matin, entreprises et institutions qui travaillent sur la scène internationale, reçoivent des panoramas de presse sur leur actualité. Ces panoramas ou revues de presse offrent une sélection d’articles provenant de leur service de communication, généralement réalisée par des sociétés de veille. Or, parce que ces panoramas offrent à des lecteurs un accès à l’information internationale, via des copies d’articles de presse, leur diffusion en interne doit se faire dans le respect de la loi et, plus précisément, de la propriété intellectuelle[[1]]url:#_ftn1 .

 

[[1]]url:#_ftnref1 Rappelons que la copie publique d’articles de presse est strictement interdite, sauf accord spécifique de l’auteur et/ou de l’éditeur.


A qui payer ?

Se pose alors plusieurs questions sur ces articles internationaux : A qui doit-on payer les droits ? Faut-il « acheter » plusieurs licences d’exploitations ? Doit-on s’adresser à chaque ayant-droit dans chaque pays concerné ou existe-t-il un point unique de gestion de ces droits ? Bref, comment utiliser des contenus médias internationaux en toute légalité ?

Naturellement, chaque auteur et/ou chaque éditeur reste propriétaire des articles qu’il produit. En théorie donc, chaque utilisation d’article qu’il vienne d’Italie, d’Allemagne ou d’Espagne doit faire l’objet d’une autorisation spécifique de reproduction. Cependant, au regard des volumes, un tel mécanisme d’autorisation est impossible à mettre en place, d’où le rôle que jouent les mandataires ou sociétés de gestion collective dans le secteur de la veille média.

 


Le one stop shop

Regroupée sur le plan international au sein de la Press Database Licensing Network (PDLN), ces sociétés de gestion sont des facilitateurs sur le marché de la veille média : elles proposent un one stop shop non seulement aux sociétés de veille mais aussi à leurs clients.
En France, le Centre français d’exploitation du droit de Copie (CFC) joue ce rôle au nom des éditeurs. Il gère un des plus vastes répertoires pluri médias (Presse, News online et TV/Radio) d’Europe.
Chez nos voisins, il existe des équivalents au CFC : la NLA et la CLA en Angleterre, Le CEDRO en Espagne, la PMG en Allemagne, le Promopress en Italie, etc.
  • L’ensemble de ces acteurs du droit répondent au triple besoin des éditeurs : celui de recevoir une rémunération équitable pour l’usage de leurs contenus, l’assurance d’une conformité et de la transparence des usages, tant par les sociétés de veille média que par leurs clients.

Des accords de réciprocités facilitant l’accès à l’information

 Or, afin de faciliter la circulation de l’information d’un pays à un autre, les sociétés de gestion travaillent ensemble dans le cadre d’accords de réciprocité. Exactement comme dans le cas de la musique ou de la téléphonie. Par exemple, le CFC va collecter les droits des parutions anglaises sur le territoire français. Réciproquement, la NLA va collecter les droits sur le territoire anglais au nom du CFC. A ce jour, le CFC collecte les droits pour de multiples pays : la Suisse, l’Espagne, l’Angleterre, la Belgique et même l’Afrique du Sud ou le Canada francophone.

Pour le client final, un tel système à plusieurs avantages. Le premier est celui de la simplicité : en effet, au lieu de de signer de multiples contrats avec le CFC en France, la NLA en Angleterre ou le Cedro en Espagne, le client se contente d’un seul contrat avec le CFC. Cette simplicité est une facilité essentielle et favorise la diffusion de l’information. En bref, un tel modèle supprime les barrières et les lourdeurs administratives.

Adapter les coûts des droits d’auteur au marché

Le troisième avantage est celui du prix. En effet, chaque marché possède des prix catalogues différents. Dans l’ancien modèle de gestion, les coupures anglaises de la NLA avaient un prix fixe de 2€. Soit quatre fois le prix de la coupure de la presse nationale en France ! Si bien que le client réfléchissait à deux fois avant de prendre une licence auprès de la NLA. Avec le nouveau modèle, la NLA a accepté de s’adapter au marché français et applique désormais un prix fixe de soixante centimes. Le résultat n’a pas tardé : la diffusion de la presse anglaise s’est largement développée sur le territoire français dans les services de panorama.

Sur le plan européen, il existe des exceptions à ce modèle : par exemple, les usages en Suisse ou en Allemagne sont réglementées par un cadre légal spécifique ; l’accès aux sources du Nord de l’Europe (Pays-Bas, Suède, Norvège…) est strictement (trop ?) régulé. Néanmoins, sur le territoire français, l’utilisation des sources internationales est largement soutenue. En s’adaptant à chaque marché, un équilibre et une équitée sont maintenues, facilitant l’utilisation des contenus en toute légalité.
 


Auteur : Christophe Dickès Global Copyright Director, Kantar

Global Copyright Director chez Kantar, Christophe Dickès travaille dans le monde de la veille media depuis près de vingt ans. Spécialiste des questions de droits d’auteur, il dirige la commission Copyright de la FIBEP et de l’AMEC, les deux fédérations défendant les intérêts de la veille et de l’analyse media sur le plan international. Docteur en Histoire contemporaine des relations internationales (Sorbonne Université), il possède aussi un diplôme en Stratégie digitale de l’ESG et une licence en Sciences politiques et médias.
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