Gestion de crise

Gestion de crise : quand la vraie résilience repose sur l’humain. Alexandre Fournier


Jacqueline Sala
Mardi 9 Décembre 2025


Dans Mobiliser les facteurs humains dans la gestion de crise, Benoît Vraie et Edith Perreaut‑Pierre bousculent les approches classiques centrées sur les procédures et les outils. Leur analyse rappelle une évidence trop souvent négligée : en situation de stress aigü, ce ne sont ni les plans ni les dispositifs techniques qui tiennent, mais la capacité des individus à mobiliser leurs ressources psychologiques, sociales et émotionnelles. À l’heure où les crises se multiplient, Benoît Vraie revient sur l’année 2025 et éclaire l’actualité à la lumière d’un constat simple et exigeant : la continuité d’une organisation commence par la préparation mentale de ceux qui la dirigent et la protègent.



Gestion de crise : quand la vraie résilience repose sur l’humain. Alexandre Fournier
Dans Mobiliser les facteurs humains dans la gestion de crise, Benoît Vraie et Edith Perreaut-Pierre renversent la perspective habituelle. Plutôt que de s’en tenir aux procédures et aux dispositifs techniques, ils mettent en avant la force des individus et la puissance des ressources psychologiques collectives. Un guide qui rappelle que la continuité d’une organisation, face aux crises contemporaines, se joue d’abord dans la mobilisation de l’humain. Nous avons demandé à Benoît Vraie de commenter l’actualité de l’année 2025 à la lumière des analyses et propositions présentées dans son livre.
 

Quels RETEX vous permettent de dire qu’il est necessaire que les Dirigeants investissent du temps & de l’énergie dans la préparation mentale et émotionnelle ?

 « Tout était prêt, les procédures, les chasubles, les biscuits en salle de crise et pourtant ça a merdé ».

Quel gestionnaire de crise n’a pas déjà entendu de tel propos ? Pourquoi (la plupart du temps) les organisations de gestion de crise ne fonctionnent pas « en réel » ? Tout simplement car aucun travail préparatoire n’a été réalisé au niveau des dimensions psychologiques et comportementales auprès des acteurs de crise.

Ces derniers, sous stress aigü, n’ont pas était en capacités de restituer leurs savoirs et savoir-faire. Sous stress, les comportements des impliqués sont modifiés. Le fait qu’une personne possède les meilleurs des meilleurs Soft skills en temps de paix ne garantit en aucun point que le comportement de cette personne sera en adéquation avec la situation rencontrée SOUS stress aigü. Il pourra être sidéré (ne rien pouvoir faire), exalté de façon panique (vociférer sur autrui), en pilotage automatique (ne se limiter qu’à une tache subalterne).

La question centrale du maintien de l’aptitude du décideur à décider et à agir en situation de stress ne relève pas uniquement du domaine lexical du « Savoir » mais également du « Pouvoir ». C’est la raison pour laquelle nous utilisons la notion de « capacités », pour souligner le caractère potentiel du pouvoir-faire en situation, en fonction de son aptitude à tolérer et canaliser les effets indésirables de la survenue de stress aigu.
 
 

Comment peut-on définir le stress en situation de crise ?

Il existe deux formes de stress. La première est le « stress chronique » dont l’apparition est consécutive à une exposition à une dose de stress de faible intensité sur un laps de temps long et/ou à une fréquence répétée. Ce stress est qualifié de « stress chronique », parfois rencontré également sous le vocable de « stress organisationnel» ou «stress managérial». Cette première forme de stress est très documentée par le biais des écrits traitant des problématiques de risques psycho-sociaux ou risques professionnels.

Une seconde forme d’apparition de stress survient lorsque les individus sont exposés à un évènement indésirable bref et soudain, unique et violent, mettant en jeu la vie ou l’intégrité de la personne concernée. C’est cette forme de stress, dit « stress aigü », peu documenté dans le champ d’investigation des sciences, qui nous intéresse . La survenue de ce stress aigu génère un état transitoire que traverse l’individu suite à la prise de conscience de la gravité de la situation et de la menace consubstantielle de mort symbolique ou physique auxquelles il est exposé. Ainsi, lorsque le sujet est soumis à un événement indésirable potentiellement traumatique, ce dernier peut développer des réactions ambivalentes. En effet, si l’apparition de stress permet à la personne menacée de se défendre ou de se retirer (« fight or flight ») et en conséquence de se sauver et de sauver autrui, elle peut aussi générer des comportements inadaptés à la situation (sidération, excitation…) pouvant, dans un second temps, dégénérer en traumatisme.
 

A partir de ce constat, que faire ? Doit-on se résigner ? Sommes-nous réduits à attendre dans l’angoisse et l’inquiétude la prochaine crise qui impactera notre organisation (ce qui augmenterait drastiquement notre niveau de stress chronique) ?

Il convient en premier lieu de prendre connaissance et conscience du rôle du stress aigu et des émotions présents en toutes situations de crise. En effet, le niveau et l’intensité du stress et des émotions influent directement sur le comportement et la performance des individus. Maitrisé, le stress est un allié, dépassé il est un handicap. Face aux stresseurs (pression temporelle, enjeux Humains et financiers, charge de travail…), l’individu peut disposer de ressources qui lui permettent de contrer les effets d’un stress excessif et ainsi de mieux gérer la situation indésirable.

En premier temps,  la.Ressource environnementale tout d’abord (entendu au sens très générique du terme : environnement géographique, physique, social, réglementaire…) qui, si elle est connue et maitrisée devient un levier de réduction du stress pour les individus.

Ensuite, les Ressources sociales, qui consistent à mieux connaitre les personnes avec lesquelles la crise doit être gérée afin de stimuler un sentiment de confiance et de cohésion.

Enfin, Ressources personnelles qui consistent à mieux se connaitre soi-même afin de mieux gérer la crise.

Pourquoi est-ce fatiguant de gérer une crise ?

Si « la vie mentale se déroule normalement au rythme d’une prome-nade paisible, parfois interrompue par des courses au petit trot, et plus rarement encore par des sprints frénétiques », la crise est un sprint mental sur une longue distance/durée.

L’idée d’énergie mentale est plus qu’une métaphore. Une activité mentale soutenue qui engendre une forte consommation de glucose. « Quand vous êtes activement impliqué dans un raisonnement cognitif complexe ou engagé dans une tâche qui nécessite un contrôle de soi, votre niveau de glucose dans le sang chute  ».

Cette activité mentale est tellement dépensière en énergie qu’elle épuise les réserves hormonales et glucidiques et que si la situation d’agression se perpétue ou se renouvelle à de trop brefs intervalles, l’organisme s’épuise et s’effondre (comme nous l’avons abordé précédemment).
Nous demandons à notre cerveau de courir un marathon à une vitesse de sprinteur, de résoudre des problèmes complexes en un laps de temps restreint et, d’un point de vue neuronal, nous observons une hyperactivation des systèmes d’inférence spécialisés et activation de systèmes d’apprentissage spéciaux .

La fatigue résulte donc de l’ensemble des activités (professionnelles et extra-professionnelles) qui dépassent les limites physiologiques et/ou psychologiques de récupération. Elle se traduit par une difficulté à poursuivre son activité. Elle est liée à la fois à la durée de l’éveil et à l’intensité de la charge de travail (mentale et/ou physique).

Le mot-clé ici est « récupération ». Beaucoup pensent encore que récupérer, dormir, c’est perdre du temps, c’est faire preuve de faiblesse. Au contraire, gérer sa dépense énergétique pour rester performant dans la durée est faire preuve de maturité et responsabilité.
 

Merci Benoit Vraie d’avoir accepté de répondre à nos questions.


A propos de ...

Spécialiste reconnu de la simulation et de la gestion de crise, Alexandre Fournier accompagne les organisations dans la continuité d’activité et la reprise informatique, en s’appuyant sur les référentiels internationaux ISO 22301 et ISO 22361. Conférencier et formateur, il partage son expertise auprès des dirigeants et des équipes opérationnelles. Il est également le fondateur du magazine Crise & Résilience, dédié à la compréhension et à l’anticipation des risques contemporains.

Mobiliser les facteurs humains dans la gestion de crise À l'aide des Techniques d'Optimisation du Potentiel

Suivez le lien...
Suivez le lien...
La plupart des approches classiques de la gestion de crise se concentrent sur les plans, les procédures et l’organisation. Pourtant, rappelle l’ouvrage, une crise reste avant tout une épreuve humaine. Sans préparation psychologique ni construction d’un véritable collectif en amont, le stress aigu peut désorganiser les comportements, neutraliser les compétences et réduire à néant le meilleur dispositif documentaire.

L’auteur analyse les effets déstabilisants du stress, de la fatigue et de la démobilisation, tout en montrant que chaque acteur dispose de ressources — environnementales, sociales et personnelles — capables de transformer ce stress en levier plutôt qu’en handicap.

L’ouvrage présente enfin les Techniques d’Optimisation du Potentiel, une méthode destinée à mieux percevoir, mobiliser et maîtriser ces ressources pour affronter la crise avec lucidité et efficacité.