Acteurs

Discussion sur le thème de l'innovation et les jeunes chercheurs avec Nicolas Girardin, spécialiste en biotechnologies


David Commarmond


Nicolas Girardin (http://www.bio-inno.com/services.html) Spécialisé en biotechnologies, Bio-Inno peut intervenir dans les domaines de l’environnement, la santé ou l’agroalimentaire.



Contexte : Retour d'une conférence sur le thème de l'innovation et la ré(industrialisation qui avait lieu le 7 décembre 2011, à la Maison des Arts et Métiers, dans le 16ème arrondissement, s'est déroulé entre 19H et 21h30, une conférence sur le thème
« L’innovation et la propriété industrielle au service de la réindustrialisation ». Avec la participation de Jacques Lewiner, inventeur, scientifique et entrepreneur ».
 
Quel est globalement votre opinion sur cette conférence ?

Cette conférence fut d’une très grande qualité. M. Lewiner a fait passer aux acteurs de la propriété industrielle : inventeurs, CPI, déposants et présumés contrefacteurs, de nombreux messages et conseils très pertinents (avis partagé par plusieurs personnes rencontrées durant le cocktail).
Parmi les autres intervenants, j’ai plus particulièrement retenu les propos de M. Gohar et de M. Eymard. M. Gohar a présenté le nouveau dispositif du CNRS dédié au partage, sous conditions, de ses actifs de PI avec les PME et PMI (PR2). Il a également abordé la nécessité de raccourcir les délais entre la déclaration d’invention du chercheur et le dépôt du brevet. M. Eymard a présenté la démarche vertueuse du CETIM qui consiste à partager les risques durant la phase d’industrialisation de certains de ses membres grâce à un système d’aide au financement avec retour sur investissement par « royalties ».

Réaction sur l'utilisation du Brevet ?
Pour certains, un monde sans brevet verrait l’émergence de bien plus d’innovations, pour d’autres, il verrait la chute des investissements en R&D. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui les brevets tiennent une place fondamentale et ils ne peuvent pas être ignorés. Ils confèrent un droit qui doit être respecté.
Néanmoins, il faut s’interroger sur un des objectifs principaux du système des brevets : faire progresser la société tout en rétribuant la contribution d’un inventeur. Ce point a été abordé par M. Lewiner sous le terme de « l’éthique » des brevets. Par exemple, les licences obligatoires sont prévues dans les accords ADPIC afin que le droit accordé au déposant du brevet, ne puisse pas nuire au progrès / bien-être de la société. Ainsi, les brevets ne devraient entraîner un arrêt d’activité d’un contrefacteur et une compensation qu’à hauteur des dommages causés au propriétaire du brevet.
De nombreuses structures se développent suivant un modèle économique basé quasi-exclusivement sur les concessions de licences et les procès en contrefaçon (patent troll). Espérons que la jurisprudence sera là pour établir des frontières adéquates pour cette activité qui ne me semble pas contribuer au développement de la société.

Le statut du doctorant et le rôle de celui-ci dans le dépôt de brevet ?
Les doctorants sont souvent reconnus comme étant une pièce essentielle pour la production de résultats scientifiques dans les laboratoires de la recherche publique. En tant qu’apprentis-chercheurs, ils développent leur projet de recherche grâce aux indications de leurs encadrants mais aussi en fonction de leurs propres réflexions et intuitions. Ainsi, si leur activité inventive est reconnue, ils feront partie des inventeurs désignés dans la demande de brevet.

Comme cela a été abordé par M. Lewiner durant la conférence, l’aventure ne se termine pas mais au contraire commence avec le dépôt de la demande brevet. En tant qu’inventeur, le doctorant devra échanger avec l’ingénieur brevet chargé de la rédaction du brevet afin de mieux définir l’invention avant le dépôt. Puis, durant la phase d’examen, il devra aider la cellule de valorisation à répondre aux objections de la division d’examen. Enfin, l’objectif d’un brevet étant d’aboutir à un produit, il devra certainement rester engagé dans le processus de maturation afin de faire coïncider son invention avec les besoins du marché.
La reconnaissance du doctorant en tant qu’inventeur est importante mais il est possible qu’elle ne soit pas systématique. Pourtant, étant donné l’agenda actuel des enseignants-chercheurs, c’est certainement les doctorants qui auront le plus de temps disponible pour développer l’invention. Dans un objectif de valorisation, ils seront certainement les personnes les plus compétentes pour appuyer scientifiquement la startup ou l’entreprise souhaitant développer leur technologie.
 
 
Est-ce que la formation des chercheurs est suffisante ?
Cela dépend de ce que nous attendons des chercheurs. Initialement les chercheurs rejoignaient majoritairement le secteur public afin de continuer leur recherche et transmettre leur savoir. Depuis de nombreuses années, les chercheurs évoluent au-delà du secteur de la recherche académique et apportent leurs compétences à la société au sein d’instituts, de l’administration, d’entreprises ou d’associations.
Il est difficile pour les écoles doctorales de couvrir tous les débouchés possibles des docteurs. Néanmoins, les écoles doctorales s’adaptent à cette situation et proposent de plus en plus de formations aux doctorants telles que : le management d’équipe, la propriété industrielle, la gestion de projet… Ces formations bien que succinctes peuvent apporter aux chercheurs les outils nécessaires à une meilleure intégration dans le secteur privé. Ainsi, les efforts commencent à être fait du côté des écoles doctorales et du coté des doctorants/encadrants qui acceptent cette diversification.

Que pensez-vous de l'externalisation de la recherche (question non évoquée pendant la conférence) ?
Il y a des avantages à externaliser la recherche. En effet, entreprises ou porteurs de projet ne peuvent pas disposer des moyens techniques ou de l’expertise nécessaire dans tous les domaines. L’externalisation de la recherche permet d’accéder à ces expertises et éventuellement de nouer des partenariats avec des structures proposant des activités complémentaires au cœur de métier de l’entreprise ou du porteur de projet. En France ce type de partenariat est largement favorisé, notamment lors de partenariats public/privé éligibles au crédit impôt recherche.

Attention, il n’est néanmoins pas souhaitable d’externaliser une majorité de son activité de recherche. En effet, faire de la recherche en interne est essentiel pour générer des innovations. Cette réflexion rejoint les débats actuels sur l’industrialisation. Le passage à l’échelle industrielle peut générer des difficultés qui induiront des innovations. De même, en recherche, c’est en faisant face à des difficultés que nous parvenons à les surpasser et à obtenir des résultats inattendus. De plus, en recherche comme dans de nombreux autres domaines, le savoir-faire tient une place très importante dans la valeur d’une entreprise.