Enjeux majeurs

Osons l'offensif : Vendre ou mourir


David Commarmond


Le 29 janvier 2013, s'est tenu à l'Institut Goethe de Paris dans le 16, lors d'une matinée, un petit déjeuner organisé par Ludovic Emanuely intitulé  «Vendre ou mourir, il faut choisir », en présence de Marc German, Bruno Racouchot, Edith Pierre et Lionel Falcoz.



Le contexte : revenant sur la dernière mésaventure d'Alsthom, publiée par le Canard Enchaîné du 8 novembre dernier, le journal révélait pourquoi Alstom avait récemment perdu un appel d'offres, pour la vente du TGV à l'Arabie Saoudite. La raison est simple : les représentants d'Alstom se sont entêtés à vendre un TGV à deux étages quand les Saoudiens exigeaient des wagons séparés hommes-femmes, pour ne pas se croiser. Au final, c'est l'AVE espagnol qui a remporté le marché. 

 
Cet exemple serait passé inaperçu et resterai totalement anecdotique si de nombreux exemples similaires pouvant être cités: le Rafale, l'avion de chasse que Dassault n'a jamais été en mesure d'exporter, l'échec retentissant de quatre EPR à Abou Dhabi en 2010, les constructeurs automobiles tricolores qui perdent des parts de marché dans l'hexagone et dans le monde ; autant d’exemples accentuant la dégradation continue du solde commercial.
 
Devons-nous nous atermoyer encore sur ce constat, battre notre coulpe, ou devons-nous modifier nos comportements et engager les réformes nécessaires. Ce sont ces questions que Ludovic Emanuely pose et tente de répondre au cours de cette matinée.
          
1. Savoir vendre et se vendre à tout moment : rencontres fortuites
Marc GERMAN, Président de la Fondation pour l’Analyse Stratégique et Tactique fut le premier intervenant a donné plusieurs arguments, des clés de lectures historique, politique et géographique pour comprendre notre situation actuelle. Il revient sur les idées et préjugés relatifs à la vente, l’adaptabilité, les différences entre créativité et innovation, la dévalorisation du commercial, et l’enseignement que nous pouvons en tirer. 
 
Les origines du succès, les causes de l'échec
C'est au sortir de la guerre que nous devons trouver les racines de notre réussite passée et de nos échecs actuels. Le Général de Gaulle en proposant une alternative aux deux géants, et à leur politique de blocs, était pour les pays non alignés une réelle option économique et stratégique. Cette option était d'autant plus crédible que la France avait refusé d'intégrer l'OTAN.
 
La France pour montrer son indépendance avait alors investit massivement dans des secteurs jugés stratégiques, l'énergie (charbon, électricité, et pétrole), le nucléaire, et enfin l'aviation. On y a ainsi créé dans le domaine des géants, EDF, le CEA et EADS et des actions politiques ont été menées afin de soutenir ses secteurs d'activités.
 
Or les principaux acteurs, entreprises et gouvernement, se sont durablement reposés sur ces acquis historiques. Oubliant d'investir, d'innover dans leurs secteurs et plus encore de trouver de nouveaux secteurs porteurs de croissance. 
 
Entre temps, l'URSS a disparu de l'échiquier, les Etats-Unis ont abandonné leur hégémonie et leur rôle de « gendarme du monde », de nouveaux acteurs sont montés en puissance, la Chine, l'Inde et le Moyen-Orient, ceci dessinant une nouvelle carte stratégique, plus multipolaire. 
 
Les Géants de l'industrie nés de l'après-guerre ont rempli leur mission avec succès. Ils ont remis à flot l'économie, ont notamment permis d'avoir une énergie à bon marché pendant de nombreuses décennies. Mais petit à petit, le profil des dirigeants a changé, de visionnaires, de chefs d'entreprises, ceux-ci sont devenus des gestionnaires interchangeables chargés de préserver le capital acquis, d'innover en marge (superpheonix, les centrales de 3ème et 4ème générations). Mais malheureusement depuis trente ans, aucun acteur majeur n'a émergé dans d'autres secteurs autres que ceux précédemment cités. Le minitel, précurseur d'internet était avant tout le projet et la vision d'un homme, Xavier Niel et non le projet d'une entreprise et d'un secteur, alors que nous avions 20 ans d'avance sur le reste du monde. 
 
Enfin, la mondialisation et l'interdépendance entre les acteurs ont particulièrement modifié les règles du jeu et les ont rendues plus complexes, plus subtiles. Ainsi par exemple, le Rafale, produit par Dassault, comprend près de 75 % de ses pièces produites par des sous-traitants basés aux USA et en Asie. Aux USA une règle de droit donne un droit de regard sur la diffusion des technologies intéressant la défense nationale, permettant au Congrès la décision d’interdiction d’exportation de pièces à des pays pouvant menacer les intérêts américains. Indirectement les Etats-Unis ont donc la possibilité de s'insinuer dans une négociation sur un produit et d'agir sur la capacité de l'entreprise à répondre à un Appel d'offre. 
Enfin pour terminer, la relation d'amour-haine entre la France et l'Allemagne entretien une dynamique. Malheureusement si les économies sont de tailles comparables, la structure de leurs économies en est très différente. L’Allemagne exporte massivement, avec le soutient de 15.000 ETI, contre 400 pour la France. La France consomme plus, exporte moins, mais quand elle exporte ce sont ses fleurons, ses TGV, ses centrales, ses avions. Le souci, c'est que lorsqu'elle rate une vente, c'est toute la machine qui se grippe et la balance extérieure qui « trinque ».
 
Une France d'ingénieurs mais pas de vendeurs
Or les raisons de la perte d’une vente sont multiples. Certaines raisons sont indépendantes de notre volonté, d'autres par contre trouvent leur racine dans des causes dont nous sommes parfaitement responsables. Les principales raisons résident souvent dans notre incapacité à écouter et à répondre à la demande du client ; et non à proposer ce que nous souhaiterions leur vendre, ainsi que dans la mauvaise image des fonctions commerciales, dans notre  « notre arrogance », notion qui achève un tableau peu reluisant.
  
2. L'elevator pitch, savoir se vendre, créer son réseau
Ludovic EMANUELY, expert en réseaux relationnels prend ensuite la parole et évoque la problématique d'entrer et d'effectuer une mise en relation.
 
Pour vendre, il faut toucher la bonne personne. Que ce soit dans une rencontre formelle ou informelle. Or pour faciliter la prise de contact, il est plus simple de le faire sur un mode ludique dans un contexte agréable et dans l'émotionnel, dans un événement de type cocktail. 
 
Faire simple et être direct.
Mais il faut rester sur le non professionnel. Surtout savoir dès le début quels sont les objectifs que l'on souhaite atteindre. Toucher des clients, mener des actions de lobbying, ou fixer un autre objectif et donc mettre en place une véritable stratégie en formalisant les centres d'intérêts et les enjeux..
    
Dans le cadre des relations informelles, mettre en contact les personnes permet de créer du réseau, et donc de trouver des passions périphériques. 
 
La passion est un élément essentiel
Car l'homme est un animal social, qui a besoin de contacts, et nous avons occulté massivement dans nos entreprises les vies personnelles, les éléments familiaux et les goûts personnels, les centres d'intérêts.
      
3. Le lobbying et l'influence, d'autres manières de vendre, comment les utiliser ?
Ludovic passa ensuite la parole à Bruno RACOUCHOT, directeur de Comes Communication spécialiste de la Communication et de l’Influence. Pour commencer, celui-ci évoqua son activité et un bref aperçu de son parcours. Il poursuivit ensuite ses propos et donna la définition du lobbying et de ses applications dans la vente à l'international, détaillant plus particulièrement les bonnes pratiques.
 
Toute structure a des faiblesses et des limites. Une fois ces limites connues et acceptées, l'entreprise doit accepter de faire appel à une compétence extérieure. Or le lobbying et la communication d'influence sont très difficiles à évaluer dans un ROI (Retour sur investissement).
   
Le lobbying a mauvaise presse, assimilé à la manipulation ou aux spin-doctors, le lobbying pouvant se définir comme la confrontation des idées et des visions du monde. Le lobbying à pour vocation de toucher le libre arbitre.
      
La notion de pouvoir à changer :
  • 1er constat : de pyramidal, il est devenu fractal, il est aujourd'hui constitué de micro-pouvoirs.
  • 2ème constat : le lobbying demande un travail en amont, de mise en place de stratégies transverses entre différentes parties prenantes.
Conséquence : Il faut alors cibler ceux qui font l'opinion, les relais d'opinions (presse), les décideurs (publics et privés), les clients et prospects.
 
Un impératif : sortir de la logique ingénieur.
Ce qui implique de passer du savoir-faire technique à un savoir-faire stratégique, qui se manifeste par l'irrigation des cibles avec des messages réguliers. De trouver des porte-paroles extérieurs et des messages positifs valorisant vos actions.
 
Les ROI observés peuvent alors impacter différemment votre entreprise, par divers canaux, votre service commercial en notant une amélioration de votre chiffre d'affaires, votre service communication en facilitant vos prises de contacts, vos ressources humaines en recrutant plus facilement des hauts potentiels, en conservant vos « cerveaux » et vos revenus financiers par voie de conséquences.
 
Comment faire :
  • Passer une phase d'études,
  • Etablir un plan de stratégie.
  • Créer et alimenter une cellule de veille.
  • Il faut aussi penser l'information sur le long terme, réhabiliter la stratégie et combler le vide stratégique. Avoir une intelligence des situations. Donner du sens à l'information. 
 
Deux intervenants n'ayant pu se libérer à temps. C’est Edith Pierre, Médecin à la Gendarmerie, chargée de la gestion du stress qui prit le relais et qui fut questionnée.
 
Elle expliqua comment appliquer et adapter des méthodologies de gestion du stress et des protocoles militaires au monde de l'entreprise. Elle évoqua ainsi des éléments faisant le socle de son activité, comme la définition du stress et les problématiques liées à cette définition. Elle poursuivit ses propos par la difficulté d'auto-évaluer son propre stress, justifiant ainsi la mise en place du travail en binôme.
  
4. La conquête du marché indien :
Lionel Falcoz, de la société Luxe Corp, prit ensuite la parole pour évoquer son expérience en Inde, des opportunités de développement qu'offraient ce pays pour les années 2020-2050 et des ressemblances et différences que ce pays avait avec la Chine et l'Europe. Comme la Chine, ce pays est gigantesque, avec plus d'un milliard d'habitants, mais contrairement à la Chine, 60 % de sa population a moins de 20 ans. Comme la Chine, l'Inde à une classe moyenne, mais contrairement à elle, le niveau de vie de celle-ci est beaucoup plus élevé (750$ contre 250$). Comme l'Europe, l'Inde est une fédération de 27 pays, avec des langues, des droits et des lois différentes, nécessitant une adaptation permanente. « Le terrain commande ». C'est pour cette raison, qu'il croit en ce pays continent. Et pour cela aussi qu'il regrette le peu d'intérêt porté par les instances diplomatiques et commerciales. 
 
Ainsi, sur ses trois premières années de présence en Inde, il dût recommencer son business plan deux fois, et jeter dix huit mois de travail préparatoire afin de recalibrer son offre de services à la demande locale. Il dût même oublier son plan B, qui consistait à vendre aux expatriés des produits français après avoir constaté qu'après un an de séjour, les expatriés eux-mêmes réagissaient comme des locaux.
 
Il dût donc prendre en compte les particularités des comportements locaux. « Les indiens se mêlant de tout, donnant leur avis sur tout, même quand on leur demande pas ». Ainsi pour la petite histoire, si au bord de la route, vous crevez un pneu de voiture, ne vous étonnez pas de voir venir un attroupement de personnes promptes à donner des conseils, à disserter longuement sur votre cric, votre art de déboulonner, pendant de longues minutes ou de longues heures, sans même avoir cherché à retenir leur attention ou sollicitation d'une quelconque manière.
 
Ils sont tout aussi prompts à réagir sur les réseaux sociaux, les forums de discussion, même s'ils ne savent pas de quoi ils parlent, commander ou utiliser vos services. La réputation est donc un élément essentiel qui doit être travaillé en amont par une communication soutenue auprès de son auditoire pour éviter l'afflux de commentaires négatifs salissant votre réputation. La corruption quant à elle gangrène près de 45 % du PIB. C'est une donnée avec laquelle il faut tenir compte et ne pas éluder.
 
L'exposé fut suivi par des questions de l'assistance, tournant autour du management interculturel, dans ses différentes expressions, notamment le rapport au temps et aux castes. Mêmes, si elles ne sont plus présentes officiellement, elles sont encore très prégnantes dans la société et soulève pour les occidentaux de nombreuses interrogations.
  
5. Les réseaux sociaux :
Catherine SAUTAI MARINIER, Chargée Événementiel et relations entreprises, de la société Right Management SAS, exposa ensuite son expérience sur les réseaux sociaux professionnels de type viadéo et linkedin. Elle développa des arguments sur le pourquoi, le comment, les bénéfices que l'on pouvait en attendre, mais aussi ceux qui étaient illusoires. Pour enfin terminer par les risques réels et fantasmés. Nombre d'auditeurs avaient déjà un profil et une certaine expérience des réseaux sociaux, de viadeo et de linkedin, ils étaient donc sensibles à ces problématiques.
 
La matinée se termina par des échanges entre les participants, échanges verbaux et échanges de cartes. Ludovic Emanuely annonça ensuite la prochaine réunion* du Think tank Osons l'Offensif, fixée au vendredi 15 février de 8h30 à 10h00 au Press Club (Hotel Pullman).
 
 *places limitées et soumises à conditions
http://www.reseauosonsloffensif.com/