Enjeux majeurs

Yves Tiberghein - « Rôle de la Chine dans la gouvernance mondiale » - ANAJ/ IHEDN Février 2011

Par David Commarmond


David Commarmond


Yves Tiberghien, professeur associé de sciences politiques à l'université de Colombie-Britannique, vit depuis vingt ans au Japon a donné à l’ANAJ/ IHEDN Mercredi 18 février de 19H30 – 21H une conférence sur le « Rôle de la Chine dans la gouvernance mondiale ».



Yves Tiberghein - « Rôle de la Chine dans la gouvernance mondiale » - ANAJ/ IHEDN Février 2011
Cette thématique a attiré un public nombreux et très hétérogène, elle donne quelques clés supplémentaires au décryptage de l’actualité.

Entre bouc émissiaire et partenaire, quelle sera la position et le discours de la Chine lors du prochain G20. Est-ce un colosse au pied d’argile ? Va-t-il y avoir un rééquilibrage économique, financier et polique ? Quelles sont les craintes américaines ? Comment la Chine se voit ? Ce sont les questions qu’Yves tente de répondre.

 

Question de regards

Le réveil de la Chine est une crainte américaine. Mais paradoxalement la Chine et les Chinois ont une autre vision d’eux-mêmes. Selon les sondages réalisés en Chine, (Et oui, les Chinois utilisent aussi les sondages). Seuls 12% des sondés répondent positivement à la question « La Chine est une grande puissance » et – 52 % par la négative et 34% ne se prononcent pas.
 
Les Chinois ont conscience du gigantisme de leur pays et de leur population, ainsi que des grandes inégalités économiques entre les zones côtières et l’intérieur du pays. Ils n’ignorent pas que la crise de 2008 a eu un impact très important sur le commerce mondial. Mais que celle-ci a eu peu d’impact sur la croissance interne de leur pays (5-8%).  Les jeunes générations sont cependant plus enclines à conquérir le monde et à revendiquer leur place.
 
La crise a aussi mis en lumière diverses transformations, la guerre des monnaies, le rôle potentiel du G20, l’émergence de la gouvernance mondiale.
 

Rappeler les fondamentaux


Avant de donner une définition de la gouvernance mondiale, il est peut être nécessaire de rappeler quelques éléments de contexte.

La question de la gouvernance mondiale se pose dans le cadre de ce que l'on appelle « la mondialisation ». Face à des interdépendances - à l'échelle mondiale - entre les sociétés humaines mais aussi entre l'humanité et la biosphère, la gouvernance mondiale définit la construction de régulations à la même échelle.

Cela ne signifie pas la mise en place d'un gouvernement mondial sur le modèle traditionnel des États mais la mise en place de régulations publiques et privées à la hauteur des défis.
 
Ces Grands changements se font dans un cadre particulier, sur le plan financier, 2008 a vu la quasi explosion du système économique mondial (H=1). La distribution inégale des richesses et de l’impact du changement climatique.
 
Nous sommes dans une situation analogue à celle de 45, mais à la diffférence de cette époque, la réalité est plus complexe. Il n’y a pas de leader, Les USA sont fragilisés sur tous les plans, la Chine est plus puissante. De nouveaux équilibres de pouvoirs se dessinent.

Pour comprendre toute la difficulté de la problématique, il faut se placer dans un cadre de prospective à l’échelle de 2050  (Dadush 2009)

 

Quelques chiffres


Entre 2000-2010 : 
le poids du commerce international est passé de 13% à 40% du Pib annuel chinois
En 2010 La Chine (PIB) a rattrapé le Japon avec 5 ans d’anticipation.  
Si la France paricipe au G20, les USA sont plus réticents, car de nombreux conflits d’intérêts entre les différents acteurs. Le G20 donne aussi à la Chine un rôle de pivôt et de tribune.
 
Ce rôle de pivôt impacte toute la politique extérieure de la Chine.
Il est alors très difficile de comprendre et d’anticiper la position de la chine sur certaines thématiques ainsi que ses critères de décision.

Sur certains sujets, la Chine peut s’aligner sur les USA, sur d’autres les positions peuvent être divergentes ou se rapprocher de l’Europe.                 
 

Que peuvent motiver ses positions ?

Deux points de rappel, 

1/ pour la Chine, ce sont des problématiques nouvelles, qui datent pour l’essentiel de moins de 5 ans. La Chine est entrée en 1995 dans la mondialisation :
il n’y a donc pas d’experts identifiés, pas de cursus universitaires ou de personnes formées à ce type de problématiques,  la diversité des réponses et des arguments font que la position officielle de la Chine se fait au cas par cas.
Elle dépend d’un équilibre des forces internes, du degré d’implication du public, de l’opinion public et en dernier recours du PBSC (Polit Bureau)
 
2/ La pensée stratégique chinoise et plus particulièrement le conflit Chine / Japon, demeure toujours en arrière plan et les humiliations diplômatiques sont toujours possibles.  

La question du climat est aussi une autre question qui inquiètent les autorités chinoises.  

Un autre constat s’impose donc, les outils diplomatiques traditionnels (accord multilatéraux, traités) relèvent plus d’un bric a brac hétéroclites que d’une vraie boite à outils.

Les USA, au sommet de la pyramide, étaient les garants du système, ce fut vrai tout au long de la deuxième moitié du 20ème siècle. Aujourd’hui, il ne peut plus assurer ce rôle et l’équilibre précaire qui en résulte abouti parfois à des paralysies.
 
Des difficultés d’actions collectives et des comportements d’évitements conduisent les Etats a se montrer des plus timides dans l’exécution de leurs obligations. La crise financière et l’endettement des Etats impacte l’engagement des crédits. Les démocraties rencontrent en plus des problèmes de souveraineté nationales et peinent à envisager des délégations de pouvoirs.


La Chine : la prise de décision.

Il y cinq  façons de penser

Le réaliste, hégémonique
Le libéralisme / independant
 Le liberalisme international
Le constructivisme
Le modèle multiniveaux  

Les Chinois se plaisent à rappeler cet Empereur Chinois, qui fit construire une flotte gigantesque et qui partît à la découverte des mers et océans connus jusqu’en Afrique. La mission diplomatique qui dura deux ans fut considérée comme un échec car aucune civilisation rencontrée ne pouvait rivaliser avec celle de l’Empereur ni suffisament digne pour établir des relations diplomatique. La flotte fut brûlée et l’Empereur ordonna la fermeture des frontières. Cette fermeture dura 400 ans et prit fin avec l’arrivée des Britanniques et les guerres de l’opium…
 
Cette histoire aussi rassurante soit elle, oublie cependant un élément : la course aux matières premières.

Il n’est pas dit que la Chine puisse aujourd’hui se contenter de son territoire pour assurer à sa démographie et à son économie les ressources nécessaires. L’eau, le pétrole, les terres arables et les métaux rares sont aujourd’hui une préoccupation de développement dont l’Empereur n’avait pas à se soucier mais qui font l’objet de toute l’attention des autorités chinoises.
 

Un système autoritaire et de coalition

Le modèle politique de la Chine est, un modèle complexe, qui présente une pression verticale mais aussi horizontale avec une délbération autoritaire et un besoin de légitimité.
 
Le Gouvernement chinois est  populaire auprès de la population (70% de la population est satisfaite de son gouvernement et 30% seulement sont  mécontents).
 
Il n’empêche que le parti présente différents courants et différentes personnalités. L’ouverture politique pratiquée est  cependant limitée.
 
Il peut y avoir deux hypothèses.
 
  • Soit une thématique entre la Chine et les USA  sont hors du hors champ de l’opinion publique chinoise et des centres d’intérêts de celle-ci.
  • Soit une thématique entre la Chine et les USA  sont dans le champ de vision de l’opinion publique et la participation de celle-ci entre en ligne de compte.
 
Quelques réserves sur ce modèle donne des inconnues

Le G20 donne quelques réserves sur le rôle  de la Chine.


Quelles seront les priorités chinoises ?

A priori, la Chine cherchera à  conserver la stabilité du système du commerce mondial, la stabilité des devises.

Elle cherchera a éviter le modèle japonais des années  80.

L’ouverture graduelle du Système Monétaire International (Dollars / euro / RMB) devrait être une priorité.

La réévaluation des droits de vote au FMI de la Chine  fixée à 2% comme la Belgique a été porté à 5.2% par DSKjuste en dessous du japon.

Il y a donc encore une marge énorme avant que la Chine acquiert dans la gouvernance mondiale un poids plus conforme à sa dynamique économique et démographique.

Pour Yves Tiberghien la Chine souhaite encore pendant 25 ans mener cette politique d’ouverture et de consuensualité. Au-delà, il n’est pas dit que celle-ci change de stratégie...
 
 
Email: yvestibe(at)politics.ubc.ca
Website: www.politics.ubc.ca/tiberg/
Curriculum Vitae: CV 2011
Livre  en préparation (Mai / sortie en septembre 2011-02-19