En direct de Veillemag

5 minutes avec Marc de Fouchecour "Le document au coeur de la collaboration" Documation-MIS 2015


Jacqueline Sala






Le document en entreprise est traditionnellement un objet piloté par les auteurs et les experts : on l’élabore dans des codes et des formats délimités, on contrôle sa validité et sa justesse, sans trop se soucier s’il est accessible, utilisé, voire utile.

C’est une logique hérité du temps pas si lointain où le document était en effet un objet papier, rare, cher à dupliquer, séquentiel dans sa production, comme dans sa lecture : se rappelle-t-on les banettes des docuements qui passaient de main en main ? On a gardé les mêmes habitudes en s’envoyant des pièces attachées, et en étant plus attentifs au workflow de production qu’au process d’utilisation et de mise en valeur.
 
Or les technologies de production, d’édition, de publication, de recherche et d’usage de l’information et de sa forme encapsulée qu’est le document ont changé, je dirais même muté ces dernières années.
Sans que son modes de traitement ait changé. Sans que la façon dont on aborde, dont on pense le document ait changé. Ce qui a changé aujourd’hui c’est d’abord que le changement est permanent : le temps de validité est devenus plus court que le temps de validation. L’autre grand changement est celui de la quantité : on est passé de la rareté de l’information à la surabondance, où le risque n’est plus de mourir de soif, mais noyé.

La solution passe par un basculement de logique : comme ailleurs il faut adopter une approche orientée client, piloter le cycle de vie des documents par la demande, et non par l’offre.
En quelque sorte, se demander d’abord si le document est utile aux yeux du “consommateur” -celui qui le transforme en action ou décision voire expertise- avant de se demander s’il est valide aux yeux du “producteur”. Ça ne veut pas dire que le document ne doit pas être vérifié et qualifié. Cela veut seulement dire que la qualité du document est une des conditions de son utilité, pas le but ultime.
On voit trop d’entreprises qui se trompent avec précision, au lieu d’avoir à peu près raison !
 
L’utilité d’un document est donc dans son usage, plus encore que dans son contenu (qui est “la moindre des politesses”).
Le but ultime est de résoudre vite et bien les problèmes, n’est-ce pas ? Dans un monde de plus en plus complexe et changeant, savoir qui a utilisé un document, pour quel projet, avec quel client, et quel résultat est fondamental. Qualifier un document (“like” par exemple) avec son expertise d’utilisateur (qui s’ajoute in fine à l’expertise de l’auteur), pourvoir le commenter, l’amender, suggérer des améliorations est encore plus utile. Le document “nu” est-il le grain de sable autour duquel l’entreprise fabrique sa perle ?
 
Allons plus loin: en contextualisant et en socialisant le document, on relie les trois principes actifs de l’entreprise : les activités et process, les personnes, et les informations, jusqu’ici tenues séparées, que ce soit par l’organisation (songez aux direction de la production, les ressources humaines et de l’information), par les logiciels, et par nos habitudes.
 
 Aujourd’hui les technologies permettent cette combinaison d’activité, de personnes et d’information, pour une approche client, je dirais même business, du document. Elles permettent la collaboration indispensable à la résolution de problèmes complexes, à la parallélisation des tâches, au transfert rapide de compétences, au traitement des exceptions, au niveau le plus pertinent.

Il nous reste à changer de point de vue, et à décloisonner. Repenser le document à partir de ses usages, en remontant la chaîne jusqu’à sa conception, en changeant de priorités et d’indicateurs de performance. Ce n’est pas facile de changer de point de vue, il vous faudra un coup de pouce, mais une fois que c’est fait, c’est irréversible.

Marc de Fouchécour

Associé de Nextmodernity, société de conseil qui accompagne les entreprises dans leur transformation numérique vers de nouveaux modes de management, la mise en place du travail collaboratif ainsi que les usages et appropriations des technologies 2.0, Marc de Fouchécour explore et enseigne le management des connaissances, la complexité et les enjeux du numérique à Arts & Métiers ParisTech.
L'entreprise 2.0, le Web 2.0, les outils collaboratifs, les réseaux sociaux, le social business, le social learning... sont ses thèmes de prédilection.
twitter : @marcfouchecour