Innovation et Connaissance

5 questions à Alain Berger (ARDANS) à l'occasion de la journée du 6 octobre Connaissances, Décisions et IA 2025 au CNAM.


Jacqueline Sala
Lundi 15 Septembre 2025


Alain Berger (Ardans) participe le 6 octobre 2025, à la journée organisée par le Laboratoire ERPI de l’Université de Lorraine qui se tiendra au CNAM à Paris aux côtés d’acteurs de la recherche et du Knowledge Management sur la thématique dédiée à l’articulation entre gestion des connaissances, prise de décision et intelligence artificielle. Vous intervenez sur le thème « " Du système expert au système d’information et de connaissance, quelle place conférer à l’expertise dans une base de connaissances (1985-2025) ? "




Selon vous, voyez-vous émerger de nouveaux modèles de gouvernance des connaissances à l’ère de l’IA générative ?

La question est très belle. En effet, quel sens donner à « gouvernance » ? Faut il entendre celui de « diriger quelque chose » ou celui de « s’occuper de l’éducation de quelqu’un » ou enfin « avoir la charge de quelque chose » ?

La connaissance est incarnée. Elle est contextuelle à un vécu, apprise puis validée par l’expérimentation dans le temps. Elle est in fine, singulière et propre à l’individu.
La mise en place de « connaissance » dans un système informatique nécessite de trouver un formalisme qui lui correspond et qui permettra au programme de l’exploiter et la restituer de façon pertinente selon une demande faite à un moment par un utilisateur.

Le passage à l’IA Générative est un passage où cette « connaissance » issue d’un contenu « textuel » est non seulement désincarnée, mais discrétisée.

À la représentation continue initialement produite par l’humain, une séquence discontinue de jetons (quelques caractères successifs) disjoints sont codifiés pour être traités.
Mais ce qui est manipulé s’appelle de la connaissance. Or, la connaissance c’est un résultat issu d’un processus conscient et avéré. Il est le fruit d’une perception, d’une observation, d’une reproduction, d’une justification, d’une vérification, d’une validation qui devient une constatation vraie et fondée. C’est ainsi qu’une démarche scientifique se construit rationnellement sur un raisonnement logique et argumenté.
 
Les processus de validation de système à base de connaissance constituent un sujet qui est étudié depuis fort longtemps.
Dans la pratique issue de l’ingénierie de la connaissance, la validation de la base de connaissance s’appuie sur sa méthode d’élaboration où chaque élément de connaissance est validé et les interactions entre les éléments de connaissance sont aussi vérifiées par les experts de ce domaine.
La gouvernance est ainsi portée par les sachants associés à cette méthode de travail. Ce qui est délicat c’est de maintenir la consistance de la base de connaissance dans le temps avec le volume croissant d’éléments ajoutés et ce par de nouveaux contributeurs.
La gouvernance est alors portée par la communauté qui pilote ce référentiel et soutenue par le management de l’organisme.
<< Saraswati est la déesse hindoue qui incarne la sagesse, l’art et la parole éclairée. Jadis liée aux eaux sacrées, elle est devenue la muse des lettrés et des artistes, symbole de pureté et de discernement. Drapée de blanc, assise sur un lotus ou portée par un cygne, elle tient la vînâ, un livre et un chapelet, rappelant l’unité entre savoir, créativité et méditation. Honorée lors du Vasant Panchami, elle demeure la figure qui transforme la curiosité en connaissance et la connaissance en beauté.
 
Avec l’IA Générative, les volumes d’information manipulés sont considérables et leurs combinaisons quasiment infinies font que "l’omelette aux œufs de canard" est toujours possible à l’automne 2025.

5 questions à Alain Berger (ARDANS) à l'occasion de la journée du 6 octobre Connaissances, Décisions et IA 2025 au CNAM.

5 questions à Alain Berger (ARDANS) à l'occasion de la journée du 6 octobre Connaissances, Décisions et IA 2025 au CNAM.
Bien sûr, l’IA Générative (comme les moteurs de recherche) est assez remarquable pour répondre immédiatement à cette question plus documentée …


La gouvernance pour l’usage de l’IA Générative, est à mon avis d’abord une question de responsabilité et de risque que le manager accepte ou non de prendre sur un périmètre circonscrit…

Quels indicateurs utilisez-vous pour mesurer l’efficacité d’un dispositif de transfert ou de capitalisation des connaissances ?

Il y a deux questions l’une sur la capitalisation et l’autre sur le transfert.

Sur la capitalisation, la question de l’efficacité est très complexe à mesurer. Si l’on fait l’hypothèse d’un expert sur un domaine technico-scientifique, il aura déjà vraisemblablement déjà formé des jeunes à son métier et donc écrit des cours ou produit des articles. Cela veut dire qu’il aura déjà pris en compte implicitement tout un ensemble de trucs et astuces pour que le receveur s’approprie son domaine. Il aura déjà réfléchi à des projets qui ont été significatifs dans sa carrière pour élaborer de nouveaux éléments de savoirs clés : des voyages chez des confrères dans d’autres pays, des travaux d’analyse et d’expertise suite à des incidents, etc.

La question de l’efficacité pourrait alors donc se mesurer au temps nécessaire pour colliger tout cela, et bien le mettre en forme pour une juste disposition à autrui.

Pour autant l’efficacité, cela peut se mesurer à faire revenir à la surface - on parle d’éliciter - de la mémoire d’un expert, ce qu’il a oublié avoir fait et surtout formalisé dans ses précédents travaux et qui sont susceptibles de se révéler précieux par la suite. Il est certain que ce qui est spectaculaire c’est de rappeler le « comment on a appris » de certains échecs tout comme le « pourquoi on fait ainsi maintenant » et de savoir le justifier.

Pour autant l’efficacité d’un dispositif de capitalisation de connaissance peut s’évaluer à la capacité qu’un utilisateur retrouve rapidement de la connaissance dans le système pour ajouter et justifier une nouvelle connaissance. Comme le précisait Michel Grundstein capitaliser de la connaissance signifie produire des intérêts tirés du patrimoine constitué par la base de connaissance elle-même.
 
Pour ce qui est du transfert de la connaissance, il s’agit là de la qualité de l’appropriation de la connaissance par un nouvel utilisateur. Donc cela sous-entend que la connaissance transmise par le sachant et formalisée par l’ingénieur de la connaissance est non seulement fidèle à ce que l’expert a formulé mais aussi parfaitement claire et intelligible pour le receveur.
C’est une mesure très difficile car particulièrement subjective : chaque intelligence humaine est singulière et il est difficile d’avoir une expression épistolaire qui parle à tous assurément !
 

Comment Ardans se prépare-t-elle à accompagner ses clients dans un environnement où la vitesse d’obsolescence des savoirs s’accélère ?

Il faut savoir raison garder.
Si le cycle de vie de la connaissance est très variable d’une industrie à une autre (électronique vs nucléaire), d’un service à un autre (produits financiers vs assurances), la question des organisations est de faire que les acteurs qui travaillent ensemble partagent le même fonds de connaissance pour être collectivement efficients.

Le travail est donc à plusieurs niveaux. Des fondamentaux aux éléments spécifiques du métier. Des processus métiers à leurs interactions. De l’individuel au collectif.
La question est bien que chaque acteur dispose des outils pour maîtriser parfaitement sa mission mais aussi pour savoir apprécier là où le dispositif pourrait être amélioré, enrichi.
Le sujet est de rassurer les acteurs sur le fait que les outils fournis sont des aides, des guides et aussi des leviers pour grandir, et ensemble, aller plus loin.

La dissémination avec une bonne appropriation et la dynamique collective sont des éléments clés pour être sereins dans l’avenir.
 

Quels sont vos prochains rendez-vous ?

Nous poursuivons tranquillement notre route pour aider les organisations à fonder leur système de management de la connaissance d’aujourd’hui et de demain.
Nos prochains rendez-vous sont liés à la livraison pour nos clients des deux dernières versions de notre plate-forme Ardans Knowledge Maker d’une part et Ardans information Maker d’autre part.
L’une ira voguer sur les flots et dans les océans, l’autre aidera à maintenir des équipements stratégiques en service au sol comme dans l’espace.

Être éditeur d’une solution de management de la connaissance souveraine nécessite d’avoir les pieds sur terre pour accompagner nos clients dans leurs missions.
 

Peut-être une remarque plus personnelle, une recommandation de lecture…

A l’heure de l’IA Générative, et en mémoire d’Edmond, la citation de Rabelais :
« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

J’ai dévoré le très beau livre consignant les entretiens de Monique Levi-Strauss avec Marc Lambron « J’ai choisi la vie » (Ed. Plon). :
« Il ne faut pas se crisper sur des principes révolus, mais essayer de comprendre ceux qui se forment. »
 

A propos d'Alain Berger

Alain Berger, docteur en intelligence artificielle, débute à la fin des années 1980 dans le nucléaire, où il conçoit l’un des premiers systèmes d’e‑learning métier. Cofondateur d’Ardans dont il est le Directeur Général, il en fait un acteur clé de la gestion des connaissances, alliant conseil, méthode et solutions logicielles pour transformer l’information en levier stratégique.
Retrouvez-le le 6 octobre lors de la journée organisée par le Laboratoire ERPI de l’Université de Lorraine qui se tiendra au CNAM à Paris aux côtés d’acteurs de la recherche et du Knowledge Management sur la thématique dédiée à l’articulation entre gestion des connaissances, prise de décision et intelligence artificielle. Vous intervenez sur le thème « " Du système expert au système d’information et de connaissance, quelle place conférer à l’expertise dans une base de connaissances (1985-2025) ? "