Communication & Influence

A lire. Economie de l'intention. Du clic au déclic : quand l’IA redessine nos désirs. Fabrice Frossard


Jacqueline Sala
Vendredi 5 Décembre 2025


Les marchands d’attention peuvent se poser des questions. L’intelligence artificielle ne se contente plus de capter nos regards : elle anticipe nos questions, façonne nos curiosités et redéfinit la valeur même de l’information. Une révolution silencieuse, où l’humain risque de perdre plus que quelques clics. Vers une économie de l'intention...



Du règne du clic à la dictature du désir : les architectes de l’intention sont parmi nous

A lire. Economie de l'intention. Du clic au déclic : quand l’IA redessine nos désirs. Fabrice Frossard

Source : Fabrice Frossard. Du règne du clic à la dictature du désir : les architectes de l’intention sont parmi nous

L’internet du clic s’efface au profit d’un monde où l’IA anticipe nos intentions avant même que nous les formulions. Les contenus deviennent de simples matières premières, la valeur migre vers la synthèse automatisée et notre curiosité se transforme en ressource exploitable. Dans ce web agentique, les machines structurent l’accès à l’information, redéfinissent la vérité et menacent d’appauvrir notre capacité à questionner. Le défi n’est plus technique mais éthique : préserver l’agentivité humaine et construire des architectures qui élargissent la curiosité plutôt que de la canaliser.


L’IA générative a renversé l’ancien régime fondé sur l’attention pour imposer l’économie de l’intention.

L’internet des débuts, celui des liens bleus et des explorations nocturnes, vit sa transformation la plus profonde depuis sa création. L’IA générative a renversé l’ancien régime fondé sur l’attention pour imposer l’économie de l’intention. Désormais, le pouvoir ne réside plus dans ce que nous regardons, mais dans ce que les machines prédisent que nous allons demander. Shuwei Fang décrit cette bascule comme un passage du modèle B2C au B2A2C : les entreprises parlent aux agents, les agents digèrent tout, et nous ne recevons qu’une synthèse façonnée pour nous, parfois trop bien.

Désormais la ressource la plus précieuse n’est plus le contenu, mais le graphe de la curiosité, cette cartographie intime de nos questions et de nos hésitations. Notre incertitude devient un actif commercial, et les annonceurs ne cherchent plus à nous convaincre, mais à orienter la prochaine requête que nous n’avons pas encore formulée. L’information, elle, devient liquide : l’IA ne sélectionne plus, elle reforme. Le contenu original n’est plus qu’une matière première, tandis que la valeur se déplace vers l’infrastructure qui contrôle la synthèse.


Quand la vérité devient un produit dérivé

Cette information liquide rappelle Zygmunt Bauman : après la modernité fluide, voici la vérité fluide. La question n’est plus « est-ce vrai ? », mais « comment l’IA a-t-elle fabriqué cette version pour moi ? ».

Le risque n’est pas tant la désinformation que l’appauvrissement du questionnement lui-même, dans un monde où les architectures invisibles pourraient orienter nos curiosités avant même qu’elles n’émergent.

Le web agentique, ou comment exister pour les machines

Pour survivre dans ce paysage, les entreprises doivent structurer leur présence pour les agents IA.

La fiche Google Business devient une source de vérité, les avis clients des garants de neutralité, et les agents ne se contentent plus de recommander : ils réservent, achètent, exécutent. L’avenir se joue dans des formats lisibles par les machines, comme le NLWeb, sorte de HTML pour conversations automatisées.
Reste l’enjeu éthique : intégrer l’agentivité humaine dans cette architecture pour éviter que la curiosité, devenue rareté ultime, ne soit réduite à un simple levier commercial.

A propos de Fabrice Frossard

Fabrice Frossard,   est fondateur de Faber Content.

Il est un spécialiste reconnu des transformations numériques. Consultant, formateur et auteur, il explore depuis des années les usages émergents, les modèles économiques de l’IA, les stratégies digitales et les impacts sociétaux des technologies.

Son parcours mêle conseil, veille stratégique et production éditoriale.