Du règne du clic à la dictature du désir : les architectes de l’intention sont parmi nous
Source : Fabrice Frossard. Du règne du clic à la dictature du désir : les architectes de l’intention sont parmi nous
L’internet du clic s’efface au profit d’un monde où l’IA anticipe nos intentions avant même que nous les formulions. Les contenus deviennent de simples matières premières, la valeur migre vers la synthèse automatisée et notre curiosité se transforme en ressource exploitable. Dans ce web agentique, les machines structurent l’accès à l’information, redéfinissent la vérité et menacent d’appauvrir notre capacité à questionner. Le défi n’est plus technique mais éthique : préserver l’agentivité humaine et construire des architectures qui élargissent la curiosité plutôt que de la canaliser.
L’IA générative a renversé l’ancien régime fondé sur l’attention pour imposer l’économie de l’intention.
L’internet des débuts, celui des liens bleus et des explorations nocturnes, vit sa transformation la plus profonde depuis sa création. L’IA générative a renversé l’ancien régime fondé sur l’attention pour imposer l’économie de l’intention. Désormais, le pouvoir ne réside plus dans ce que nous regardons, mais dans ce que les machines prédisent que nous allons demander. Shuwei Fang décrit cette bascule comme un passage du modèle B2C au B2A2C : les entreprises parlent aux agents, les agents digèrent tout, et nous ne recevons qu’une synthèse façonnée pour nous, parfois trop bien.
Désormais la ressource la plus précieuse n’est plus le contenu, mais le graphe de la curiosité, cette cartographie intime de nos questions et de nos hésitations. Notre incertitude devient un actif commercial, et les annonceurs ne cherchent plus à nous convaincre, mais à orienter la prochaine requête que nous n’avons pas encore formulée. L’information, elle, devient liquide : l’IA ne sélectionne plus, elle reforme. Le contenu original n’est plus qu’une matière première, tandis que la valeur se déplace vers l’infrastructure qui contrôle la synthèse.
Quand la vérité devient un produit dérivé
Le risque n’est pas tant la désinformation que l’appauvrissement du questionnement lui-même, dans un monde où les architectures invisibles pourraient orienter nos curiosités avant même qu’elles n’émergent.
Le web agentique, ou comment exister pour les machines
La fiche Google Business devient une source de vérité, les avis clients des garants de neutralité, et les agents ne se contentent plus de recommander : ils réservent, achètent, exécutent. L’avenir se joue dans des formats lisibles par les machines, comme le NLWeb, sorte de HTML pour conversations automatisées.
Reste l’enjeu éthique : intégrer l’agentivité humaine dans cette architecture pour éviter que la curiosité, devenue rareté ultime, ne soit réduite à un simple levier commercial.
A propos de Fabrice Frossard
Fabrice Frossard, est fondateur de Faber Content.
Il est un spécialiste reconnu des transformations numériques. Consultant, formateur et auteur, il explore depuis des années les usages émergents, les modèles économiques de l’IA, les stratégies digitales et les impacts sociétaux des technologies.
Son parcours mêle conseil, veille stratégique et production éditoriale.

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