Innovation et Connaissance

Attirer les cerveaux étrangers, notamment américains, en Europe : un manque d’ambition pour développer la recherche en Europe. Par Jean-Marie Carrara

Lancement de « Choose Europe for Science » à La Sorbonne.


Jacqueline Sala
Mercredi 7 Mai 2025


Le 5 mai 2025, le président de la République française, Emmanuel Macron, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ont annoncé la création d’un fonds de 500 millions d’euros visant à attirer des chercheurs étrangers en Europe.
Cette initiative soulève de nombreuses interrogations sur ses motivations, son impact, et surtout sur les véritables besoins du paysage scientifique européen, et plus particulièrement français.




Pourquoi un tel fonds ?

L’Europe, et la France en particulier, manquent-elles de talents scientifiques ?
Assurément non.
En revanche, tous les chercheurs français sont confrontés à des problèmes de financement qui altèrent leurs conditions de travail et les empêchent d’accéder aux équipements dont ils ont besoin pour leurs travaux.
Et le moment de cette initiative est particulièrement mal choisi car, en parallèle le gouvernement annonce de nombreuses coupes budgétaires sévères y compris dans la recherche universitaire.
 

Une carence de talents ou de moyens ?

L’Europe souffre-telle d’une pénurie de chercheurs compétents, justifiant une telle initiative ?
La réponse, à l’évidence, est non.
La France, par exemple, dispose d’un vivier de chercheurs de haut niveau dans toutes les disciplines, des sciences exactes aux sciences humaines et sociales.
Les universités, les laboratoires du CNRS, de l’INSERM ou encore de l’INRIA produisent des travaux reconnus internationalement.
Pourtant, si les talents ne manquent pas, les moyens, eux, font cruellement défaut.
Les chercheurs français doivent composer avec des budgets souvent insuffisants, des équipements obsolètes, et des effectifs réduits pour mener à bien des projets d’envergure.
Plus préoccupant encore, les rémunérations des chercheurs, en particulier en début de carrière, ne reflètent ni leur niveau de qualification ni leur contribution à la société.
Jeune chercheur, on me proposait royalement une bourse qui ne dépassait pas la moitié du salaire de la personne qui nettoyait nos bureaux !
 

Une situation ancienne qui n’a pas évolué

L’histoire de Roger Guillemin, prix Nobel de médecine en 1977, en est un exemple frappant.
Ce scientifique français, faute de financements en France, a poursuivi ses recherches aux États-Unis, où il a fondé un laboratoire de neuroendocrinologie en Californie qui a permis d’offrir un prix Nobel de médecine (1977) aux USA.
Son cas n’est pas isolé et illustre une fuite, encore aujourd’hui, des cerveaux français et européens vers les USA où ils bénéficient de meilleures conditions de travail et d’un salaire trois fois supérieur à ce qu’ils touchaient en France.
 

Quelle est la place de la France dans le contexte européen ?

L’annonce du fonds de 500 millions d’euros concerne l’ensemble de l’Union européenne, mais la part attribuée à la France et sa stratégie de mise en œuvre restent floues.
D’autant que les mesures notamment fiscales prises par la Belgique et les Pays-Bas pour attirer cette population à haute valeur ajoutée constituent une forte attractivité.
Quels seront les disciplines que la France va privilégier ?
Et surtout quel est le retour sur investissement attendu quand on entend que les contrats signés avec ces chercheurs seront d’une durée de trois années ?
 

En conclusion

Il est à craindre qu’il ne s’agisse que d’un effet d’annonce.
L’argent n’est pas disponible en raison de l’endettement de nombreux pays européens.
Le savoir scientifique était jusqu'à présent largement partagé grâce à la diffusion internationale des publications des chercheurs.

A propos de l'auteur

Né en 1958 à Rabat (Maroc), Jean-Marie CARRARA a effectué toutes ses études à Lille (France). D’abord attiré par la santé de l’Homme, il devient Docteur en Pharmacie et diplômé de Biologie Humaine.
Comme la santé des entreprises et des organisations sont essentielles pour l’Homme, il compléta sa formation par un DESS d’Administration des Entreprises et un DESS de Finance et de Fiscalité Internationales.
Il est auditeur en Intelligence Economique et Stratégique à l'Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (IHEDN)"
Source www.sicafi.eu
Contact mail : info@sicafi.eu

Translation in english. Attracting foreign, particularly American, brains to Europe: a lack of ambition to develop research in Europe.

On may 5, 2025, French President Emmanuel Macron and European Commission President Ursula von der Leyen announced the creation of a 500 million euro fund to attract foreign researchers to Europe.

This initiative raises many questions about its motivations, its impact, and above all about the real needs of the European scientific landscape, and more particularly those of France.

Why such a fund?

Is Europe, and France in particular, lacking in scientific talent?
Certainly not.
On the other hand, all French researchers are faced with funding problems that affect their working conditions and prevent them from accessing the equipment they need for their work.
And the timing of this initiative is particularly unfortunate, since at the same time the government is announcing a number of severe budget cuts, including in university research.
 

A lack of talent or resources ?

Is Europe suffering from a shortage of skilled researchers, justifying such an initiative?
Clearly not.
France, for example, has a pool of top-level researchers in all disciplines, from the exact sciences to the humanities and social sciences.
Universities, CNRS, INSERM and INRIA laboratories produce internationally recognized work.
However, while there is no shortage of talent, there is a cruel lack of resources.
French researchers have to cope with budgets that are often inadequate, equipment that is obsolete, and a reduced workforce to carry out large-scale projects.
Even more worrying is the fact that researchers' salaries, particularly at the start of their careers, reflect neither their level of qualification nor their contribution to society.
As a young researcher, I was royally offered a grant that was no more than half the salary of the person who cleaned our offices!
 

A long-standing situation that has not changed

The story of Roger Guillemin, winner of the Nobel Prize for Medicine in 1977, is a striking example.Due to a lack of funding in France, this French scientist pursued his research in the United States, where he founded a neuroendocrinology laboratory in California that led to the award of the Nobel Prize in Medicine (1977) to the USA.His case is not an isolated one, and illustrates the continuing brain drain from France and Europe to the USA, where they benefit from better working conditions and a salary three times higher than in France.
What is France's place in the European context

The announcement of the 500 million euro fund concerns the whole of the European Union, but the share allocated to France and its implementation strategy remain unclear.This is all the more the case given the tax measures taken by Belgium and the Netherlands to attract this high value-added population.

 
Which disciplines will France focus on?

And above all, what is the expected return on investment when we hear that the contracts signed with these researchers will be for three years?

 
In conclusion

It is to be feared that this is nothing more than a publicity stunt.
The money isn't there, because many European countries are in debt.
Scientific knowledge is widely shared, thanks to the international distribution of researchers' publications.

Jean-Marie Carrara