Charles Salvaudon, la "Géopolitique cette force qui bouleverse tout". Comprendre le monde à travers la « grammaire du tragique »

Le livre de Charles Salvaudon est le fruit d'une démarche personnelle et d'une volonté de démystifier la géopolitique, qu'il ne considère pas comme une discipline réservée à une caste d'experts ou à une simple affaire d’État, de frontières, de guerre et de diplomatie. L'auteur n’a pas cherché à produire un énième traité sur les rapports de puissance ou un manuel d’analyse stratégique, mais plutôt à comprendre et faire comprendre ce que la géopolitique "fait à nos vies".
 
Pour l’auteur, la géopolitique est une "force invisible et omniprésente" qui nous traverse et nous transforme sans même que nous nous en rendions compte. Elle est fondamentalement une manière de "sentir le monde" et est inhérente à la "vie quotidienne". Des gestes matinaux aussi simples que prendre son café ou remplir sa voiture d'essence sont des actes de géopolitique, car les fluctuations des marchés affectent directement le porte-monnaie. Une décision prise à l'autre bout du monde sur les marchés financiers risque d’affecter notre quotidien. L'impact peut être considérable pour certains, allant jusqu'à les plonger dans le désespoir ou la pauvreté.
 
Cette force est profondément transversale, englobant non seulement l'histoire et la politique, mais aussi la philosophie, l'anthropologie, la sociologie, la démographie, la géographie et la géoéconomie. Elle touche aux vastes débats de la religion, de la parité homme-femme, de la culture et de l’identité. L’auteur soutient d’ailleurs que chaque individu est une "carte vivante du monde". Sa propre rencontre avec la géopolitique s'est faite non pas dans les livres, mais dans le mouvement de sa vie, à travers ses voyages et ses rencontres avec des gens puissants et humbles. Il a compris que le monde ne se résume pas à ce que les diplomates signent ou à ce que les économistes mesurent. Il a découvert des territoires où "chaque pierre raconte une histoire" et où "l'histoire ne dort jamais".

Charles Salvaudon a une longue et riche carrière qui l'a mené de la diplomatie à de grandes sociétés cotées, puis à des fonds d'investissement. Bien qu'ayant parcouru le monde et écrit des articles, il n'était pas initialement destiné à la rédaction de ce type d'ouvrage.
 
Sa rencontre avec la géopolitique ne s'est pas faite par les livres, mais par la vie elle-même. Il affirme avoir vécu la géopolitique depuis trente ans en rencontrant des gens puissants et des gens humbles de la rue, s'intéressant à leurs langues, leurs cultures, leurs religions et leurs visions du monde.

Ce parcours lui a permis de comprendre que le monde ne se résume pas à ce que les diplomates signent ou à ce que les économistes mesurent. Il a découvert que chaque lieu, chaque pierre, raconte une histoire et qu'il existe des frontières invisibles qui divisent souvent les cœurs, au-delà de celles tracées sur les cartes. L'auteur est un homme de conviction qui croit que, malgré nos identités et racines différentes, nous nous rejoignons sur de nombreux sujets.

Le livre s'inscrit dans un contexte où "toutes les certitudes s'effondrent" : celles du progrès, de la paix durable, de la vérité scientifique, et de la mondialisation heureuse. Le monde se fragmente, les puissances se défient et derrière ces affrontements, ce sont nos "imaginaires qui s’affrontent" (libéralisme, foi, pouvoir, liberté). Charles Salvaudon insiste sur le fait que l’humanité pensait vivre dans un monde rationnel, oubliant qu’il est "totalement irrationnel" et que les peuples agissent moins par intérêt que par "peur, par fierté ou par mémoire". S'il devait donner une définition de la géopolitique, ce serait "la grammaire du tragique". Pour comprendre le présent et se projeter dans le futur, il est impératif de comprendre l'histoire.
 

Editions Baudelaire

L'ouvrage aborde également l'émergence de la "géopolitique algorithmique", alors que nous entrons dans une "économie des émotions" et une "diplomatie des perceptions". Les États se battent désormais pour les "récits".
 
Plaidant pour une géopolitique non plus comme une science froide, mais comme une "éthique du regard", l’auteur estime que "comprendre la géopolitique [...] c'est comprendre les autres. Et donc comprendre les autres, c'est se comprendre soi". Il rappelle que la géopolitique est une "école de l'humilité" (car toute puissance finit par décliner) et une "école de la responsabilité". Son objectif est que la géopolitique redevienne un "humanisme", au service de la paix et de la compréhension mutuelle. Le livre s'adresse à "tout le monde, pour tout à chacun", cherchant à être très factuel et à éviter les opinions personnelles tranchées.