De l'analyse à l 'action. Les Territoires : performance, attractivité, innovation et cohésion sociale. Emmanuel Frenod & Olivier Cardini

Dans un climat économique mondial incertain, certains territoires réussissent à tirer leur épingle du jeu en conjuguant performance, attractivité, innovation et cohésion sociale.

Le Morbihan illustre bien cette dynamique. Fort de ses 738 000 habitants et d’un tissu dense de PME, de coopératives et de clusters, ce département breton s’appuie sur une économie diversifiée où l’agroalimentaire reste un pilier.
Déjà, des coopératives recourent à l’intelligence artificielle pour affiner leurs prévisions de récolte et optimiser les coûts énergétiques. L’exemple d’Eureden, en partenariat avec Blavet Terres & Eaux, est révélateur : elles financent l’usage d’un robot de désherbage de précision, ARA, capable grâce à l’analyse d’image en temps réel de réduire jusqu’à 85 % l’emploi de produits phytosanitaires sur les parcelles ciblées.
Cette alliance entre numérique et agriculture trace la voie d’une transition durable, ancrée dans le territoire.

En Bretagne Sud, l’intelligence artificielle ne se limite pas à l’industrie ou au tourisme : elle devient un outil de cohésion sociale. De la maintenance prédictive des navires à la mobilité des personnes âgées, les projets associent innovation technologique et utilité collective, tout en posant la question de la gouvernance des données.

 Si l’intelligence artificielle permet de traiter d’immenses volumes de données, son efficacité dépend de l’orientation donnée à ces usages, un rôle que joue l’intelligence économique en organisant la veille, en anticipant les menaces et en éclairant la décision stratégique.

Dans un contexte de tensions sur les chaînes d’approvisionnement, les entreprises s’appuient ainsi sur des cartographies de risques et sur des modèles prédictifs pour diversifier leurs partenariats et détecter les signaux faibles.
En parallèle, la Bretagne s’inscrit dans une tradition d’innovation sociale, portée par des initiatives coopératives qui expérimentent de nouvelles manières de produire et de consommer. Ces démarches trouvent aujourd’hui un nouvel élan grâce aux technologies avancées, mais elles se heurtent à un défi majeur : la formation.

Si les outils numériques se diffusent largement, les compétences nécessaires pour en tirer parti restent insuffisantes. Le développement de savoir-faire en analyse de données, en modélisation et en gouvernance algorithmique devient donc incontournable, et l’Université Bretagne Sud s’affirme comme un acteur structurant de cette montée en compétences.

La confiance des citoyens dépendra de la capacité à instaurer une gouvernance claire et à prévenir les biais que les algorithmes pourraient amplifier.

Dans ce rôle de garde-fou, l’intelligence économique apporte un cadre critique indispensable. Les perspectives d’application de l’IA en Bretagne illustrent ce potentiel : anticipation des flux logistiques dans les ports, outils solidaires pour les marins, réduction de l’empreinte environnementale agricole ou encore régulation du tourisme côtier afin de préserver les écosystèmes.

Loin des discours alarmistes comme des promesses excessives, ces initiatives montrent que l’innovation, lorsqu’elle s’ancre dans une logique sociale et territoriale, peut devenir un véritable moteur de développement, conciliant compétitivité, cohésion et transition écologique.

En Bretagne-Sud, le Jumeau Numérique Apprenant illustre comment l’IA peut conjuguer performance et responsabilité : produire mieux avec moins, tout en plaçant la gouvernance, la formation et l’éthique au cœur d’un territoire qui veut rester à la fois innovant, inclusif et durable.