Communication & Influence

Dialogue de Shangri-La 2025 : La Vision Stratégique du Président Macron


David Commarmond
Lundi 2 Juin 2025


Au 21e Dialogue de Shangri-La, dans un climat de tensions sino-américaines exacerbées, le Président Macron, premier chef d'État européen à y prononcer le discours d'ouverture, a plaidé pour une "coalition d'indépendance", défendant l'autonomie stratégique face à la logique des blocs et liant la crédibilité occidentale en Asie à la résolution de la crise ukrainienne.



Introduction

Le 21e Dialogue de Shangri-La, un rendez-vous annuel majeur de la défense et de la sécurité organisé par l'Institut international d'études stratégiques (IISS), s'est tenu à Singapour du 30 mai au 2 juin 2025. L'événement a réuni près de 600 participants, incluant experts, universitaires et hauts responsables politiques, dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes et de défis sécuritaires multiples.
 
Marqué par la rivalité persistante, et parfois un "dialogue de sourds", entre les États-Unis et la Chine, le forum a vu la participation de figures de premier plan comme le Secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth, dont le discours a suscité une vive réaction chinoise, et le Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim.

Points Forts et Annonces

Le discours du Président Macron s'est articulé autour d'une vision claire, posant la France et l'Europe comme des acteurs légitimes et indépendants dans l'Indo-Pacifique. Un point fort initial a été l'affirmation de la légitimité française dans cette région, non pas comme un observateur lointain, mais comme une puissance de l'Indo-Pacifique par ses territoires, son million de citoyens et sa présence militaire permanente (plus de 8000 soldats et des bases), participant à de nombreux exercices conjoints, y compris à Singapour.
 
Au cœur de sa proposition se trouve le concept d'autonomie stratégique, non seulement pour l'Europe, mais aussi comme un chemin pertinent pour les nations de l'Indo-Pacifique. Pour la France et l'Europe, cette ambition a été catalysée par l'agression russe en Ukraine. L'Union Européenne a ainsi décidé en mars 2022 d'un programme d'autonomie stratégique couvrant la sécurité, la défense et l'énergie, visant à réduire les dépendances. Pour l'Indo-Pacifique, l'autonomie stratégique signifie "coopérer mais nous ne voulons pas être dépendants", "nous ne voulons pas recevoir des instructions au quotidien", afin de défendre ses intérêts et sa souveraineté. Cette stratégie française pour l'Indo-Pacifique, présentée en 2018 et bientôt mise à jour, fait écho à une stratégie équivalente adoptée par l'Union Européenne, et se traduit notamment par l'augmentation des dépenses de défense européennes, envisagée entre 3 et 5%, voire plus et plus rapidement, en ligne avec la demande américaine d'une plus grande prise en charge par les Européens de leur propre sécurité.

Rejet des Doubles Standards

Un message central, réitéré avec force, a été le rejet des doubles standards. Le Président a averti qu'il serait une "erreur absolue" de considérer la guerre en Ukraine comme un simple conflit européen. L'enjeu en Ukraine est "notre crédibilité commune afin de [...] préserver l'intégrité territoriale et la souveraineté des peuples". Il n'y a pas différents ordres internationaux ; ce qui s'applique en Europe s'applique partout ailleurs. Si la Russie peut s'approprier le territoire ukrainien "sans restriction, sans contrainte, sans réaction de l'ordre international", quelle crédibilité aurait ce même ordre face à ce qui se passerait à Taïwan ou aux Philippines ?. De manière similaire, il a évoqué les doubles standards perçus concernant Gaza, soulignant la nécessité d'un cessez-le-feu, de l'aide humanitaire et de la reconnaissance d'un État palestinien pour maintenir la crédibilité occidentale. Ne pas agir en cohérence, "nous détruisons notre propre crédibilité dans le reste du monde" et ouvrons la porte à une "immense fracture".

Points Faibles et Défis

Le contexte même du Dialogue de Shangri-La en 2025, dominé par la "rivalité États-Unis/Chine" et un "dialogue de sourds", rend l'émergence d'une "troisième voie" particulièrement ardue. L'absence du Ministre chinois de la Défense, Dong Jun, a empêché des rencontres directes au plus haut niveau.

La crédibilité de l'engagement européen en Asie est inévitablement interrogée alors que la guerre fait rage en Europe. Le Président a d'ailleurs admis avec franchise que si les États-Unis et les Européens ne parvenaient pas à résoudre la situation en Ukraine à court terme, leur crédibilité à résoudre les crises dans la région Indo-Pacifique serait "très faible". 

Face à ces défis, la réponse proposée est la construction de nouvelles coalitions. Il ne s'agit plus de non-alignement, mais d'une "action commune afin que les pays qui le souhaitent se donnent les moyens" de défendre leurs intérêts. Une "coalition d'indépendance", s'opposant aux doubles standards, unissant ses forces pour la technologie, le respect des normes et la protection de la souveraineté. Ces coalitions doivent œuvrer pour un commerce ouvert, un dialogue stable, la réduction des risques dans les chaînes de valeur, et la stabilisation d'un ordre international respectueux de la souveraineté et refusant le recours à la force. Des coopérations bilatérales (comme avec Singapour), des exercices militaires conjoints et la coopération dans l'acquisition de capacités de défense illustrent cette approche.

Conclusion

En conclusion de son intervention, le Président Macron a lancé un appel à l'action pour l'Europe et l'Asie à travailler ensemble au sein d'une "coalition d'indépendance". Son discours a réaffirmé la position de la France comme puissance de l'Indo-Pacifique et mis en avant l'ambition européenne d'autonomie stratégique comme un chemin pour défendre ses intérêts, refuser la polarisation et préserver un ordre international fondé sur les règles.

Vidéo source


Summery

Shangri-La Dialogue 2025 in Singapore took place amid high tensions and US-China rivalry. French President Macron advocated for strategic autonomy for Europe/Indo-Pacific, rejected double standards (linking Ukraine/Taiwan, mentioning Gaza), and proposed an "independence coalition". US Defense Secretary Hegseth warned of China's military readiness. China slammed US remarks, accusing Washington of using Taiwan as leverage and seeking hegemony, rejecting accusations. The absence of China's defense minister contributed to a "dialogue of the deaf". Regional states emphasized not wanting to be forced to choose sides.