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ESSEC : Séminaire "Pour une nouvelle intelligence économique et stratégique : Compétitivité, Sécurité et Influence"


David Commarmond
Lundi 11 Février 2019


Les locaux de l’'ESSEC Executive Education situé au CNIT, le 24 janvier 2019 étaient en ébullition pour la première édition d’un séminaire intitulé "Pour une nouvelle intelligence économique et stratégique : Compétitivité, Sécurité et Influence". 120 Inscrits, plus de 60 présents ayant des profils divers tels que chefs d’entreprise, Vice-Présidents de Multinationale, consultants, étudiants en Master de l Essec et cadres de l’Etat.



Associer Intelligence économique et compétitivité des entreprises françaises ne va pas de soi. Ce n’est pas moi qui le dit mais Google. D’une part peu d’articles et de documents associent ces mots clés, mais en plus, ceux qui remontent, datent d’une décennie maintenant.
 
Organiser un séminaire sur l’Intelligence économique et la compétitivité des entreprises françaises, c’est se mettre dans les pas du Rapport Martre et donner une nouvelle impulsion au concept, une nouvelle dynamique. Car on ne peut faire impasse sur trente ans d’évolutions technologiques, politiques et économiques et quelques errements.

Alain Juillet  : Le 20e siècle doit être enterré.

Quatre points furent abordés par Alain Juillet (Président de l’Académie de l’Intelligence Economique)

 
 1. Il rappela l’historique de l’intelligence économique, de ses origines militaires à son adaptation au monde civil, (qui ne s’est pas toujours fait sans difficultés). Si les acteurs de l’IE ont une certaine plasticité et résilience pour intégrer les changements et les innovations. La confiance dans les méthodologies est mise à rude épreuve face aux ruptures que représente le Big Data et l’Intelligence Artificielle.
 
2. Le 21ᵉ siècle a déjà (presque) vingt ans et que nombre de schémas et organisations issus de la Guerre Froide étaient obsolètes. Citant Churchill « Nous n’avons pas d’amis mais des partenaires ». Si l’Occident voit dans le jeu d’échec, le jeu de stratégie par excellence. L’Asie place le jeu de Go en premier. Si dans les échecs le faible disparaît. Dans le jeu de go le vainqueur force le plus faible à travailler pour lui. « Ce qui est plus subtil et intelligent ».
 
3. « Dans une compétition mondiale, il n’y a pas de cadeau », quand les formations produisent « des clones », la victoire se gagne sur l’élément différenciant, l’information. « Sans bonne information, il ne peut plus y avoir de compétition ». L’information est aujourd’hui facile à trouver. Mais le défi est de trouver la bonne information ET de la garder. Ce qui nous amène à devoir travailler avec l’intelligence artificielle pour scanner cette masse informationnelle et détecter le moindre signal faible ou bribe d’information stratégique. De sécuriser ses données informatiques pour ne pas être la cible (visible) de ses concurrents, d’assurer la sécurité physique des personnes et de ses locaux sur son territoire, à l’étranger et en mobilité.
 
4. La guerre économique est en fait une guerre de l’information qui est importante car aujourd’hui, la guerre se gagne dans les esprits, par les médias en changeant l’image de l’entreprise, en modifiant la perception des individus et en les ralliant à sa vision. Pour certains, en produisant des fakes news pour d’autres en jouant sur leur perception. L’objectif étant de faire tomber l’adversaire, un homme ou une entreprise. Cette notion de Fakes News étant pris au sens large.

Jean-Pierre Astier, Ph.D : L’enjeu spatial est à l’avant-garde des questions stratégiques car développer des technologies d’avenir est essentiel.

Le monde de lanceurs internationaux est très concurrentiel et de nouveaux entrants prennent des parts de marchés aux acteurs historiques. SpaceX d’Elon Musk aux USA, CALT en Chine.
 
ArianeGroup a lancé voici quatre ans un vaste programme pour se réinventer. D’une vision et application orientée projet (plan et analyse stratégique, diagnostic, plan d’action), l’entreprise a cherché plus d’agilité pour rester dans la course face à SpaceX qui est devenu le numéro 1 des lanceurs devant Ariane en douze ans.  
 
Plus qu’une question technique ou économique, c’est une véritable question géopolitique. Le marché des lanceurs est mondial, nos téléphones, nos GPS et bon nombre d’applications n’existe que par les satellites qui communiquent au-dessus de nous. Derrière ce marché à plusieurs milliards de dollars, de nombreuses technologies sont mis en œuvres. De nombreux Brevets sont déposés, de nombreux chercheurs dans les laboratoires créés les technologies de demain. Nous sommes plus dépendants des satellites que nous le pensons et nous continuerons à l’être dans les années à venir.
 
Conséquence : détecter les signaux faibles dans la veille concurrentielle pour anticiper les alliances et les jeux d’alliances est essentiel. Pour aller plus loin, il faut aussi démêler le vrai du faux, dans une démarche structurée et qualifiée. En gardant toutefois à l’esprit que « le mieux est l’ennemi du bien ». C’est une question complexe, qui demande de l’expertise, de la transversalité de compétences et donc l’intervention de profils académiques.
 
Battre en brèche les idées reçues
Le travail effectué a permis de mieux connaître SpaceX, son organisation interne et de démontrer par exemple le mythe de SpaceX selon lequel, l’entreprise était horizontale. Bien au contraire sept niveaux de hiérarchie existe, le niveau de rémunération ne serait pas si élevé que cela pour la majorité des salariés. Si on regarde d’un peu plus près le carnet de commandes, les aspects financiers et la dernière levée de fonds effectuée d’un montant de 750 millions de dollars, si on regarde les grands enjeux comme les embauches, les sorties, le nombre de postes à pourvoir et quand on regarde encore plus prêt qui part, c’est-à-dire, le type de spécialistes qui démissionne ou sont licenciés et ceux qui arrivent, on peut en déduire avec l’aide de technologues sur quoi l’entreprise oriente son attention et sa stratégie technologique. C’est aussi cette capacité qui rend l’entreprise plus agile.
 
Se tendre un miroir ou se regarder dans l’oeil de l’autre
Si surveiller les autres est important, la difficulté vient en général de soi-même, de notre propre visibilité. Ce que nous disons de nous en tant qu’institution, mais aussi ce que disent nos collaborateurs sur les réseaux sociaux de leurs activités, leur entreprise, volontairement ou involontairement. Il est important d’avoir une déontologie pour ne pas dire n’importe quoi.
 
En conclusion avoir une vision stratégique permet de garder un cap. Il est essentiel d’avoir des récepteurs, des axes structurants. Une erreur étant vite arrivée. L’apport de l’IA et du Machine Learning permettra de décrypter ses organisations et comment nous protéger plus rapidement.

Christophe Bisson, PhD, intervenant extérieur en Intelligence Economique et Stratégique.

ESSEC : Séminaire "Pour une nouvelle intelligence économique et stratégique : Compétitivité, Sécurité et Influence"
Chercheur entrepreneur, intervenant auprès des entreprises et acteurs publics, il parcourt le monde en étant sollicité pour des recherches-enseignements mais aussi comme conférencier (USA, Chine, Europe, Moyen Orient).
 
Un premier défi.
Pour Christophe Bisson, l’avenir et le salut sont dans l’intelligence collective (travailler ensemble, optimiser la perception et la création de connaissances) et l’intelligence augmentée (collaboration homme-machine).
 
Deuxième défi.
A l’heure où les USA (ex : MIT) investissent massivement dans l’IA et la Chine dans le du Machine learning, des milliards de dollars sont en jeu, l’Europe et la France investissent beaucoup moins (pour l’instant). Si la guerre n’est pas perdue, les batailles sont nombreuses, et la mission risque de devenir « impossible » à moyen terme.
 
Le grand risque est de voir alors l’Europe devenir une colonie numérique d’une ou des deux puissances.
 
Le but d’une nouvelle Intelligence Economique et Stratégique est de créer une « sorte de cerveau multidisciplinaire », qui sera chargé de faire des projections, avec différentes temporalités et faire tourner des simulations en permanence pour identifier des plans d’actions, corriger des actions.
 
Et dans un second temps, mettre en place une veille pour « inverser la pyramide » et mettre en place un cycle de renseignements afin d'alimenter l’organisation apprenante qui va nous permettre d’anticiper et d’optimiser les actions qui en découlent. Ce système devrait s’appliquer par priorité pour la compétitivité. Une fois les méthodes et outils appliqués, adaptés, ceux-ci pourraient s’appliquer à la sûreté et enfin à l’influence qui est toujours à plus long terme et est un bras armé de la stratégie.
 
Pour Christophe Bisson, fort de son expérience, une nouvelle Intelligence Economique est duplicable, adaptable à tous les secteurs d’activités et répond aux nombreux défis du monde actuel en citant l’exemple d’Altix (lien), entreprise de taille moyenne, leader mondiale de l’électronique.

Il passa la parole à la future génération, François Rabin et David Boirel.

François Rabin, Directeur BU, ventes et développement commercial dans le secteur du BTP présenta« L’intelligence Economique et stratégique dans les TPE/PME grâce à la dématérialisation des procédures d’Appel d’Offre Public ». Il montra comment les TPE/PME peuvent aller au-delà d’une simple adaptation aux nouvelles réglementations de publication et d’information en matière de Marché Public, en mettant en place une démarche d’IES et à terme, non seulement tirer un avantage compétitif par le traitement de l’information en leur sein, mais aussi modifier leur dynamique de fonctionnement afin d’affronter les évolutions économiques et technologiques à venir. Cela constitue une véritable opportunité pour (enfin) aider à développer au cœur des PME l’IES et les soutenir dans leur compétitivité, leur protection et à influencer leur environnement.
 
David Boirel, Ingénieur spécialiste en sûreté des réacteurs électronucléaires présenta un système stratégique de signaux précoces® (3SP) pour l’industrie électronucléaire et pour 2 marchés distincts (mature et pays émergeant). C’est pour la première fois qu’un tel système est pensé et se distingue des pratiques de veille et autre prospective sur le secteur. La présentation évoqua les problèmes rencontrés d’un secteur où la France a une grande expertise technologique mais a souffert récemment de mauvais choix stratégiques comme en témoigne en 2018 la nécessaire recapitalisation par l’Etat d’Areva et la scission en 2 nouvelles entreprises qui sont Framatome et Orano. Il mit en évidence en utilisant de nouvelles grilles stratégiques les facteurs dominants de l'industrie électronucléaire. Puis, il montra les calculs de scénarios impactant et probables du secteur (via le logiciel dédié Stratbrain) pour les 2 marchés et mis en évidence des indicateurs stratégiques très intéressant dont certains n’ont jamais été mentionnés. Enfin, il étaya les décisions à prendre pour une structure française et comment par la suite, la mise en place d’une organisation apprenante et la veille stratégique, permettrait d’alimenter le 3SP pour créer de la connaissance différentiante, agir mieux et plus vite pour la compétitivité, la sûreté et l’influence de nos entreprises.
 
Les questions-réponses furent animées jusqu’à tard dans la soirée et les participants ont souligné la très grande qualité des interventions et présentations, ainsi que le souhait de voir cette nouvelle Intelligence Economique et Stratégique rapidement mise en action.