Intelligence des Territoires, PME, ETI

En quoi l’intelligence économique constitue-t-elle, pour les TPE/PME/ETI, un levier de développement et de compétitivité à l’international ? (2/3)


David Commarmond


Le 13 mars 2019, autour de trois grands acteurs de l’Intelligence Économique et de la donnée plus d’une quarantaine de personnes ont répondu présent à l’invitation du Café Économique, dans les locaux de Bercy au restaurant « Le Club » (bâtiment Colbert).



Benoît Maille, de la CCI de Paris Ile-de-France, prit ensuite la parole. Son intervention traitait du thème : « la pratique d’une démarche de veille par et pour une PME est tout à fait possible, en France ou à l’international ».

Bien entendu, une PME ne peut rivaliser avec un grand groupe ou une grande PME. Par nature, elle dispose de peu ou pas d’argent et de moyens humains limités. Elle peut même être inférieure à dix personnes. Par nature, elle occupe un micro-secteur et un micro-terrain, l’information dont elle peut disposer peut-être très restreinte ou inexistante sur le net (et encore plus dans certaines zones géographiques comme l’Afrique) ou les supports d’information comme la presse ou les magazines. Le chef d’entreprise, ou le cadre en charge de la veille, doit donc disposer de plus de capteurs humains et être beaucoup plus à l’écoute de ses partenaires économiques, ses clients, ses fournisseurs, des autorités locales.
 
De même, il ne pourrait pas surveiller tous les thèmes d’informations qu’il souhaiterait, il est obligé de se focaliser sur trois ou quatre thèmes essentiels et s’y tenir. A charge pour lui de revoir ses priorités quand cela s’avère nécessaire, d’alterner ou d’abandonner une thématique, pour une autre ou pas.
 
Afin de maîtriser ses coûts et d’avoir un budget raisonnable, utiliser des outils gratuits est essentiel. Il en existe de nombreux en open-source. Il lui faut les tester et voir ceux qui lui conviennent le mieux. A côté du coût, les outils se doivent d’être simples, peu techniques.
 
Il devra ensuite s’abonner aux principales sources d’informations gratuites qui peuvent exister sur son secteur d’activité, des sources généralistes et plus techniques. Dans la mesure du possible, il conviendra de privilégier les sources originelles et d’éviter les redondances. Cela peut être de la presse, nationale, internationale à partir, par exemple, de Google Actu. Mais aussi des sources institutionnelles : ministères, organismes statistiques, organisations internationales...
 
Le chef d’entreprise doit trouver un équilibre entre les sources mobilisées et les besoins de veille déterminés au départ. Ne pas hésiter à commencer avec un dispositif modeste qu’il fera croître ensuite. Car il n’est pas un expert de la veille et ne peut consacrer entièrement son temps à cette démarche.

L’important étant d’entrer dans la démarche.
 
Si le numérique s’affranchit des distances et permet de gagner du temps, il demande toutefois quelques présupposés, tout d’abord de maîtriser une ou deux langues étrangères et d’avoir un peu d’aisance en matière d’outils numériques.
 
Deux volets sont essentiels, la collecte d’information par le biais de flux RSS afin de constituer un tableau de bord des actualités publiées ; la capitalisation des résultats de veille afin de créer une base de connaissances, car les informations disparaissent (aussi) rapidement sur internet.
 
Le support d’enregistrement des résultats de veille peut varier d’un utilisateur à un autre, mais il doit être en adéquation avec ses usages et ses contraintes de sécurité ; cela peut être sur son intranet, un serveur local, sa messagerie ou un outil de stockage de type Evernote.
 
La mise en place d’un processus de veille dans une petite structure doit s’adapter à l’organisation en place, ainsi qu’aux compétences et moyens de l’entreprise.
 
Benoît Maille rappela que les facteurs clés de succès résidaient dans le caractère raisonnable de la démarche, l’équilibre entre les sources surveillées et la définition des objectifs. Que les résultats s’inscrivaient dans le temps et la durée, être régulier était essentiel, s’y consacrer une fois par semaine était un bon rythme, ni trop (deux fois par jour) ni trop peu (une fois par mois). Etre chef d’entreprise c’est courir un marathon, il faut avoir les qualités du coureur de fond et non du sprinteur.

Jacques Orjubin, Délégué à la Communication et aux Relations Publiques du Groupement des Industries de Construction et Activités Navales, (GICAN).

Le GICAN est le syndicat professionnel de la construction navale pour la partie civile et militaire. Ce sont plus de 180 adhérents, présents en France notamment sur le littoral etqui participent de près ou de loin à la construction d’un navire. Paquebot, Yatch, bateau de pêche pour la partie civile, sous-marin, porte-avions ou patrouilleur et autres pour la partie militaire.
 
« En tant que syndicat professionnel, nous avons une démarche pour structurer l’intelligence économique des adhérents qui sont à 20 % des grands groupes et ETI et à 80 % des PME. Les plus connus, qui sont par exemple Naval Groupe, Thales, les Chantiers navals de l’Atlantique sont bien au fait de cette discipline, en revanche les PME sont encore au stade de l’évangélisation, beaucoup ignorent encore ce que c’est. Ce sont des entreprises qui n’en ont pas les moyens, ni les compétences, ni le temps.
 
Au niveau du Syndicat Professionnel nous prenons en charge ce soutien. A l’export, de leur permettre d’identifier les marchés, les partenaires locaux, de se protéger de leurs concurrents et d’assurer la compétitivité de leur offre à l’international.
 
Pour cela nous nous appuyons sur le rôle que joue le syndicat professionnel en tant qu’intermédiaire. Nous sommes au centre des acteurs de la prise de décision, nous sommes en relation avec les décideurs publics et privés. Ce que n’ont pas forcément les PME.
 
Et à partir de là nous avons accès à de l’information humaine, à des outils de veille, auxquels les PME n’ont pas forcément accès. Et avec ces informations, notre objectif est de les transformer en information à Haute Valeur Ajoutée. C’est-à-dire une information pertinente, vérifiée et qualifiée. Et enfin elle doit vivre, c’est-à-dire qu’elle doit être utile. Elle ne doit pas rester dans les mails, à l’issue d’une réunion dans une poignée de mains. Elle doit être notée et ressortir de manière pertinente pour les adhérents.
 
Ce processus nous demande de la discipline, il faut penser à chercher l’information, à la demander, et ce n’est pas toujours facile dans un secteur ou la culture du secret est omniprésente. Particulièrement dans le domaine de la défense.
 
Même, si cela est difficile, en tant que Syndicat, « c’est notre rôle » et la faire partager, évidemment toujours dans les limites de la confidentialité. C’est notre première mission, notre premier rôle. Mutualiser, au profit de toutes les PME adhérentes.
 
Notre deuxième rôle sur la question de l’intelligence économique en tant que syndicat est d’évangéliser les PME sur la pertinence d’utiliser l’Intelligence Economique et de mettre en place une démarche de « vulgarisation ». Afin d’accomplir cette mission, nous avons rédigé un livret à destination des PME qui présente les grands acteurs de l’intelligence économique.
 
Les sources que nous utilisons sont diverses, relevant du privé ou du public. Par définition nous sommes très sensibles aux questions géostratégiques, politiques et économiques. Les informations du monde diplomatique et plus particulièrement du Quai d’Orsay sont très importantes. Mais ce n’est pas notre unique source. On peut citer les Chambres économiques, Business France, les ambassades.
 
Naval Group a par exemple gagné un contrat très important il y a deux ans, notre rôle en tant que syndicat est de nous assurer les petites entreprises soient associées à cette victoire aussi bien sur notre territoire, mais qu’elles puissent aussi suivre ces grands groupes dans leur aventure internationale en s’installant par exemple en Australie.
 
C’est pourquoi, nous avons décidé d’envoyer sur place, en Australie, un volontaire International en Entreprise (VIE) chargé de collecter sur place de l’information à Adélaïde, là où seront construits les futurs sous-marins australiens et lui il est en contact constant avec les autorités fédérales locales, les autorités locales publiques et privées. L’ambition là n’est pas uniquement que les entreprises françaises aillent en Australie, mais que les entreprises françaises acquièrent la culture australienne et qu’elles s’implantent durablement. En effet, il y a une très grande différence entre recevoir de l’information provenant de l’étranger et l’analyser avec un point de vue Européen, que de recevoir de l’information locale, analysé sur place par quelqu’un qui a des clés de lecture locales.
 
Ce projet longuement préparé a été précédé de petits succès. Un travail de cartographie a été initié, mais qui doit être complété et approfondi par un travail d’identification de partenaires potentiels. Un groupe d’ingénierie industriel a ainsi pu identifier une entreprise partenaire en Australie et créer 50 emplois entre Cherbourg et l’Australie. Une autre similaire sur Bordeaux a pu ainsi créer 200 emplois.
 
Dans les deux cas, ces entreprises au tout début étaient très réticentes et dans leur discours arrivait très vite l’argument « L’Australie ce n’est pas pour moi, c’est loin, c’est compliqué, comment je peux aller en Australie». C’est tout un travail pour apporter les réponses à ces craintes et dire, non ce n’est pas si compliqué. On peut donner les bonnes informations, fournir les outils d’intelligence économique pour s’implanter là-bas. On peut identifier le bon partenaire. S’installer en Australie n’est pas réservé aux grands groupes, une PME peut aussi le faire.