Intelligence des Territoires, PME, ETI

En quoi l’intelligence économique constitue-t-elle, pour les TPE/PME/ETI, un levier de développement et de compétitivité à l’international ? (3/3)


David Commarmond


Georges Fischer, fondateur de Fischer Corporate Consulting International, organisme de conseil en stratégie des organisations intervînt sur le Big Data et l’Intelligence Economique.



Un constat : 90 % des données privées ont été créés au cours des deux dernières années (selon les spécialistes) 1 % serait traité, si on ne compte pas les données chinoises.
 
Georges Fischer tenta d’explorer trois aspects du Big Data : Big data et intelligence concurrentielle, Big Data et intelligence Marketing, Big Data et intelligence collective.

 
L’exemple type de Big Data et d’intelligence concurrentielle est l’analyse des masses de données statistiques, notamment issues des kiosques des Douanes et d’en tirer un maximum d’informations et de connaissances dans le cadre d’une décision stratégique. Cette approche se distingue d’une utilisation d’un moteur de recherche de type Google.
 
Une analyse des données douanières dans le cadre d’une étude réalisée récemment montra par exemple que les entreprises françaises avaient un handicap majeur à l’international car leur réseau d’affaires était plus faible que leurs concurrents, qu’ils étaient aussi moins diversifiés. Par voie de conséquence l’une des préconisations était en priorité d’investir dans des partenariats et de les favoriser plutôt que de favoriser la prospection.
 
Pour mieux comprendre cet aspect, M. Fischer proposa l’exemple du Grand Débat et la production de cahiers de doléances. Documents qui seront scannés et traités intensément par un ou des logiciels de traitement de l’image pour réaliser des cartographies.
 
Une étude dans le cadre d’intelligence territoriale : un projet d’étude est en cours sur l’évolution de l’attractivité du territoire de la ville de Bordeaux du fait de la nouvelle Cité des Vins et du TGV, en se basant uniquement sur les réseaux sociaux comme sources.
 
L’intelligence marketing, que l’on peut qualifier de Graal pour nombre d’acteurs, car c’est là qu’on trouve le plus d’application pour le Big Data. Cela concerne plus les grosses entreprises et le BtoC avec trois mots-clés : micro-segmentation ; temps réel ; analyse prédictive.

 
La micro-segmentation permet d’approcher de manière très fine le comportement du consommateur. Quand vous savez que 97 % des coupons qui leur sont envoyés finissent à la poubelle, on peut imaginer l’impact que peut réserver ce changement de technologie et d’approche.
 
Le temps réel est déjà une réalité pour Amazon, mais il est l’un des rares acteurs à pouvoir changer les prix plus de 1700 fois par minute, pour s’adapter autant que possible à la façon de naviguer des consommateurs. On l’oublie mais Amazon est le moteur de recherche produits numéro 1 devant Google.
 
Le prochain saut technologique pour Amazon, sera le prédictif, « livrer sans avoir à commander ». Le drone vient déposer devant votre porte l’objet que vous souhaitez commander… sans même l’avoir fait.
 
Attention : beaucoup de PME se mettent à vendre des produits sur ces plateformes (Amazon, Alibaba). Si ces plateformes offrent une plus large audience, elles recueillent massivement toutes les données collectées de l’entreprise et de ses concurrents. A terme, c’est elle qui est en mesure ensuite de placer en premier sur son moteur de recherche ses produits. Ainsi quand elle détecte un micro-secteur juteux, elle est en mesure d’évincer ses concurrents.
 
L’intelligence organisationnelle ou la révision de la Supply chain, c’est-à-dire l’optimisation des livraisons cela va du choix de l’itinéraire, de l’aléa météo, l’optimisation de chargement etc… La gestion des approvisionnements, reposant sur des modèles mathématiques comme ceux utilisés en bourse.
 
Cette même approche permet d’améliorer l’efficacité des « places de marchés monopolistiques » : à titre d’exemple Accor est en train d’intégrer l’ensemble de ses établissements sur la plate-forme pour mieux traiter la data globalisée et rendre la gestion plus efficace.
 
Ce que l’on peut retenir c’est que le secteur du marketing est celui qui profitera le plus de cette évolution. Les autres domaines sont pour le moment les moins bien pourvus. Nous parlons encore au conditionnel et de potentiel et au futur surtout pour les PME exportatrices. Une consolation, les fournisseurs français de solutions sont plutôt compétitifs dans le domaine
 
Deux remarques en conclusion : 
  • Première remarque : attention à la grande vulnérabilité dans l’utilisation du Big Data, si nous sommes aussi naïfs que nous l’avons été lors de la dernière révolution informatique. La Chine a un avantage concurrentiel car elle peut mettre en pratique et tester des applications que nous ne pouvons pas faire par principe et déontologie, puis développer, à partir de cette expérience, des applications « innocentes » qu’ils pourront nous proposer sans qu’il paraisse y avoir de conflit éthique.
  • Deuxième remarque : pour qu’il y ait Big Data, il faut qu’il y ait data, or les PME françaises émettent peu d’informations, et bon nombres d’entreprises même exportatrices ont un déficit dans ce domaine. Une enquête de la CCI Paris auprès des PME exportatrices montrait que 20 % n’avaient pas de site Internet et plus de 35 % n’en affichaient un qu’en français uniquement. L’e-réputation, c’est surveiller son image mais aussi émettre de l’image !

Roland Majorel du SISSE, service de Bercy

En guise de synthèse, Roland Majorel releva les mots clés qui l’ont marqué dans l’après-midi et présenta le SISSE. C’est un service qui a trois ans né de la fusion de deux services du 1er Ministre et de Bercy.
 
Toutes ces interventions avaient comme point commun le manque de coordination entre les initiatives et les différents intervenants. Ce qui est très clairement un manque et une faiblesse. Et l’enjeu aujourd’hui c’est qu’à travers une politique publique d’intelligence économique on mette en place, comme cela a été fait dans un contrat de filière, on coordonne les efforts et les actions de chacun afin de produire de l’intelligence économique et de la sécurité économique.
 
Revenant sur sa mission, Roland Majorel rappelle qu’à l’intérieur de son service une équipe est chargée de produire les grandes lignes de la politique d’intelligence économique.
 
 
Une mission d’information et de formation auprès des acteurs économique, par la production de fiches de sécurité économique à destination des entreprises qui sont disponibles sur le site gratuitement, mais aussi des vade-mecum sur comment aborder un salon, etc.
 
Une mission de renseignement sur des sources fermées à destination du Président, du Ministre et des services internes.
 
Le volet sécurité économique est un volet régalien, qui a pour but de sauvegarder les intérêts nationaux.
 
Rappelant les éléments de contexte d’Emmanuelle Gidoin, « Les nombreux défis (changement climatique, ruptures technologiques, géopolitiques) auxquels nous sommes confrontés doivent être éclairés par les meilleures décisions possibles dans la mesure où l’engagement qui en résulte est irréversible ».
 
La question des investissements étrangers demande un effort de décryptage.
La France est un pays ouvert, les investissements étrangers sont nécessaires et ils participent à la vie de la nation.
 
Toutefois, certains domaines sont exclus de cette ouverture pour garantir la souveraineté. Un nouveau décret précise l’organisation de ces investissements, pour qu’une entreprise étrangère puisse investir il faut qu’elle déclare son intention auprès des institutions, de même, une entreprise française qui aurait besoin d’investissements et qui souhaiterait être vendue doit au préalable se déclarer auprès de la même institution de Bercy. L’autorité ensuite prend la décision de la validité de l’opération de vente et d’achat. Un délai de trois mois court dès le dépôt, si au bout de trois mois, la décision n’est pas rendue, « c’est mort ». Rien ne peut empêcher l’opération de vente ou d’achat.
 
Tout n’est cependant pas parfait, une entreprise stratégique peut être rachetée par un groupe étranger, si par exemple elle est en faillite, pas suffisamment rentable ou qu’elle n’a pas de repreneur. Le groupe devra pour que l’achat soit autorisé, remplir un cahier des charges et répondre à des obligations pendant une certaine durée. A l’exercice toutefois, ces obligations sont souvent restées des déclarations d’intentions. Le nouveau décret devrait sur ce point être beaucoup plus contraignant et vigilant sur le respect des engagements.
 
Un réseau de 20 délégués territoriaux sur le terrain sont chargés de faire remonter les informations et de suivre les lettres d’engagements (5/8 ans).
 
Cette problématique est partagée par de nombreux pays, la France avait cependant un peu de retard sur la prise de conscience.
 
Certaines entreprises qui présentaient un caractère stratégique se sont faites racheter. C’est un manque d’intelligence économique, il y a des pays plus forts, plus malins. L’intérêt de l’intelligence économique, c’est de détecter des opportunités stratégiques, de protéger ses informations stratégiques, la capacité à prendre la bonne décision et donc d’influer sur le court des choses. « Si une entreprise étrangère achète une entreprise stratégique française, c’est que nous avons failli, si elle était vraiment stratégique une autre entreprise française aurait pu la racheter, l’administration aurait pu l’aider ou d’autres leviers auraient pu être actionnés. »
 
Tout l’enjeu aujourd’hui est de faire en sorte est qu’à tous les niveaux possibles, on arrive à avoir un réflexe d’intelligence économique et de gagner des parts de marché.

 

 
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https://www.entreprises.cci-paris-idf.fr/web/international/intelligence-economique