Intelligence des risques

Entretien avec Christophe Réville, organisateur du Sommet IES 2015


Jacqueline Sala


Penser, formaliser et promouvoir le concept de Défense globale, est l’une des missions prioritaires de l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale. Elle implique la mise en synergie d’acteurs privés, publics et bien-sur des services d’Etat.
L’Institut a intégré les évolutions de cet « art de la guerre » dont les champs de confrontation sont loin de se limiter à la sphère miliaire pour redéfinir les alliances géopolitiques et les rapports de force économiques sur des échiquiers internationaux, territoires géographiques doublés de cyber-espaces aux frontières insoupçonnées.

La vie de l’IHEDN est ainsi rythmée par l’organisation d’une session nationale, qu’enrichissent les sessions régionales.



En 2009, un groupe de réflexion se constitue autour d’un sujet qui, quelques années plus tard, changera la donne entre la Russie et le reste du monde : l’Ukraine. Christophe Réville et Jean-Pierre Troadec, organisateurs du Sommet IES 2015, s'y rencontrent pour la première fois.

« Pour la petite histoire, précise Christophe Réville,  la situation actuelle correspond à l'un des scenarios décrit à l'époque dans notre rapport à l'IHEDN. ». Et pourtant, à ce moment là, Le MISTRAL ne soufflait pas encore sur les relations franco-russes !
 
Les cinq dernières années ont vu la progression régulière de ces deux « auditeurs ». Quelques échelons plus tard, les voila recrutés simultanément par la Réserve Citoyenne de la gendarmerie. Ensuite, cap sur la Réserve Citoyenne Cyberdéfense, où ils se retrouvent à nouveau. Aujourd’hui, ils poursuivent leurs avancées en créant le Sommet IES. Nous avons demandé à Christophe Révile de nous ouvrir les portes de son parcours personnel et citoyen.

Homme de management et de communication, vous avez un jour décidé de suivre un cycle de formation à l'IHEDN. Pourquoi ?

A titre personnel, j'ai toujours été fidèle à mes engagements envers notre pays, et développé après mon service militaire (à l'époque, on faisait ça...) un intérêt pour l'armée française, ses valeurs, son histoire. Ayant choisi une voie professionnelle civile, après quelques années d'expérience, l'IHEDN a été pour moi l'occasion de mettre à profit mes connaissances au service de la défense et de la sécurité de notre pays. Rôle modeste de collaborateur bénévole du service public, mais je pense qu'il n'y a pas de petite pierre dans un tel édifice. 

Comment est née cette idée : créer LE Sommet IES ? En particulier sous ce format assez inédit ?

Nous avons depuis quelques années, et souvent avec Jean-Pierre,  donné des conférences lors de nombreux événements liés à  l'intelligence économique et de la cyberdéfense (FIC, TAC/FITS, colloques, conférences, symposia, etc.).
 Bien qu'invités privilégiés, et ayant accès aux "salons privés" des diverses conférences, nous avons constaté que les participants avaient peu de temps pour faire connaissance et nouer de véritables relations.
Or, le lobbying est une des bases de l'intelligence stratégique : lors des pauses ou des repas entre deux interventions, on échange deux-trois cartes de visite mais les relations restent superficielles.  De plus, les conférences entendues sont souvent de haut niveau, mais toujours sur un mode universitaire : un "sachant" délivre son message aux "apprenants" et après quelques questions de la salle, c'est terminé.
Mon expérience de conseil dans les comités de direction m'a appris que les dirigeants d'entreprises et d'organisations avaient besoin de poser des problèmes très concrets, confidentiellement, et de creuser les sujets qui les préoccupent avec des interlocuteurs investis de vrais pouvoirs.  D'où l'idée, germée en commun au cours des longues soirées d'après-conférence à Paris, Toulon, Lille ou ailleurs, de créer un modèle de rencontre plus axé sur le réseautage et moins sur le message. J'ai copié cette formule sur le déroulement d'assemblées générales ou de réunion de comités dans les entreprises privées, où les présentations formelles occupent 25% du temps, le travail en atelier 25% et le réseautage 50%. Nous avons croisé cela aussi avec les débuts du Forum de Davos, dans lequel le "off" est plus important que le "on".
 
Enfin, le modèle des sessions IHEDN avec alternance de conférences très rythmées, de visites et de période hébergée, de travail en comité et de contacts avec les intervenants et participants lors de repas ou cocktails reste prégnant.
En bref, nous n'avons rien inventé mais appliqué une formule qui marche à un domaine qui reste très universitaire et traditionnel dans sa communication.
Les industriels et dirigeants d'entreprises - en tout cas ceux qui ont compris ce format - sont enthousiastes. Nos experts et intervenants sont un peu déstabilisés car on ne leur demande pas de préparer une conférence mais de venir avec leur science et connaissance partager des réflexions très concrètes avec des industriels.
C'est pour nous le seul moyen de faire passer l'intelligence économique d’un stade de réflexion au plus haut niveau de l'Etat et des institutions à la pratique dans la vraie vie économique

Vous êtes passés, avec cette initiative, à l'action ! Si vous vous projetez quelques semaines après ces rencontres, sur quels acquis aimeriez vous construire "la suite de l'histoire" ?

La vision de la suite de l'histoire est présente depuis l'origine : lancer un événement qui se pérennise, chaque année ; qui débute modeste (en nombre de participants) mais avec une ouverture vers un développement relativement important.
Dans quelques années, quand le "Club IES" sera bien posé et que les salles de Chamonix seront pleines, nous passerons la main. Nous sommes en train de prendre des intentions d'inscription pour 2016 (du 2 au 4 juin 2016, toujours à Chamonix : c'est un sommet, pas une morne plaine...)

Comment voyez-vous la vie, le rythme du Club IES ?

Dans la conception initiale, il y aura deux à trois réunions du Club IES chaque année, proposées aux membres (Paris, Genève, Strasbourg, Berlin, Madrid, ?...) entre Sommets, pour maintenir le lien et développer le réseautage par cooptation de nouveaux experts et de nouveaux industriels (le "recrutement" se faisant exclusivement par bouche-à-oreille).Les participants au premier Sommet auront bien entendu un avantage à faire partie du "noyau dur fondateur" du Club IES en termes de priorité d'incription aux Sommets ultérieurs.
 

Christophe Réville. Merci

Co-initiateur et superviseur du Sommet IES Chamonix Mont-Blanc 2015, Christophe dirige une société de conseil et de formation en stratégie d’entreprise et communication. Après dix ans en agence de publicité, il s’est tourné vers la formation en entreprise, et s’est spécialisé dans le contre-espionnage économique. Auditeur de l’Institut des hautes études de défense nationale (29e cycle de formation IHEDN), Christophe est réserviste de la gendarmerie (chef d'escadron RC) et membre du réseau cyberdéfense de la réserve citoyenne, rattaché à l’état-major des armées.