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Natalie Maroun est une experte en gestion de crise, en négociation stratégique et en leadership. Son parcours est marqué par une solide expérience dans l’accompagnement des organisations face aux défis de la communication de crise et du changement.
Elle intervient régulièrement comme consultante et formatrice auprès d'entreprises et d'institutions, mettant en avant des stratégies efficaces pour anticiper et gérer les situations critiques. Elle est aussi l’auteure de "La boîte à outils de la communication de crise ", un ouvrage publié chez Dunod, qui propose 55 outils pratiques et des vidéos d’approfondissement pour aider les professionnels à naviguer dans des contextes complexes et à renforcer leur résilience organisationnelle.
Fondatrice du cabinet Element EU, elle est sollicitée pour des conférences et des programmes de formation à l’échelle internationale, notamment sur la négociation en environnements sensibles et la gouvernance inclusive. Son approche combine analyse stratégique, préparation méthodique et gestion des dynamiques humaines dans des contextes de crise.
Quelle place pensez-vous que le leadership féminin occupe dans la gestion des négociations complexes, notamment lors de crises majeures ?
Le leadership féminin, lorsqu’il est assumé dans toutes ses dimensions – y compris émotionnelle, éthique et relationnelle – est une ressource précieuse dans les contextes de crise. Les femmes leaders ont souvent développé une capacité à tenir ensemble complexité, incertitude et coopération, sans céder à la tentation de la simplification ou de la surenchère autoritaire. Dans une négociation complexe, cela se traduit par une posture moins binaire, plus horizontale, et surtout capable de faire travailler les tensions au lieu de les nier.
Ce que j’observe sur le terrain, c’est que les femmes en responsabilité savent souvent poser des questions puissantes, au bon moment, et créer les conditions d’un dialogue qui engage les parties – y compris dans des environnements hostiles ou verrouillés. Cela vient de la culture d’apprentissage dans laquelle elles baignent, alors qu’on pousse souvent les hommes à donner des réponses plus qu’à poser des questions
Ce que j’observe sur le terrain, c’est que les femmes en responsabilité savent souvent poser des questions puissantes, au bon moment, et créer les conditions d’un dialogue qui engage les parties – y compris dans des environnements hostiles ou verrouillés. Cela vient de la culture d’apprentissage dans laquelle elles baignent, alors qu’on pousse souvent les hommes à donner des réponses plus qu’à poser des questions
Vous avez développé le concept de "levée de l’incrédulité". Pourriez-vous expliquer ce concept ?
Ce concept m’est venu en travaillant sur des situations où le statu quo est à la fois toxique et tenace. Il ne suffit pas d’avoir un bon plan ou une bonne intention : encore faut-il que les parties prenantes croient que le changement est possible.
La levée de l’incrédulité, c’est ce moment critique où un acteur, un mot, une action, viennent briser le cynisme ambiant et rallument une forme de croyance collective. Ce n’est ni de la naïveté ni de la communication : c’est une forme de lucidité agissante, qui montre que l’on peut faire autrement, ensemble, même quand tout semble bloqué. En négociation, cela se traduit souvent par un geste, une mise à nu, une reconnaissance. Cela peut créer un basculement.
La levée de l’incrédulité, c’est ce moment critique où un acteur, un mot, une action, viennent briser le cynisme ambiant et rallument une forme de croyance collective. Ce n’est ni de la naïveté ni de la communication : c’est une forme de lucidité agissante, qui montre que l’on peut faire autrement, ensemble, même quand tout semble bloqué. En négociation, cela se traduit souvent par un geste, une mise à nu, une reconnaissance. Cela peut créer un basculement.
Quelles compétences spécifiques des femmes leaders font la différence lors des négociations ?
Trois compétences me semblent particulièrement puissantes :
- La capacité d’écoute stratégique, qui ne cherche pas uniquement à comprendre, mais à capter les non-dits, les rapports de force, les silences. Beaucoup de femmes leaders ont développé cette finesse dans des environnements où elles devaient contourner, composer et rebondir.
- La gestion des émotions comme levier de transformation, et non comme une faiblesse. Cela permet d’ancrer les décisions dans le réel, d’éviter le désengagement ou la brutalité.
- La culture du "care" et du long terme, qui remet la relation au cœur du processus et pas seulement du résultat.
Comment transposer les stratégies de gestion de crise à une gouvernance inclusive ?
En gestion de crise, on apprend vite qu’on ne détient jamais toute la vérité. Il faut savoir écouter les signaux faibles, inclure les acteurs les plus éloignés, et créer des dispositifs où l’on apprend.
Une gouvernance inclusive n’est pas un slogan : c’est une méthode. Elle suppose une capacité à changer de posture, à partager l’information en temps utile, et à accepter que les solutions viennent parfois d’ailleurs.
Cela suppose aussi de faire confiance aux intelligences plurielles : celles des agents de terrain, des citoyens, des minorités. Et cela commence par une humilité structurelle du pouvoir.
Une gouvernance inclusive n’est pas un slogan : c’est une méthode. Elle suppose une capacité à changer de posture, à partager l’information en temps utile, et à accepter que les solutions viennent parfois d’ailleurs.
Cela suppose aussi de faire confiance aux intelligences plurielles : celles des agents de terrain, des citoyens, des minorités. Et cela commence par une humilité structurelle du pouvoir.
Une anecdote où une approche féminine du leadership a transformé une négociation ?
Je pense à une situation où j’accompagnais une collectivité confrontée à un conflit très dur autour d’un projet d’aménagement. L’opposition était frontale, les postures crispées. L’élue en charge, que beaucoup décrivaient comme “trop douce”, a proposé une rencontre sans micro, sans pupitre, sans communication officielle. Juste une table, des chaises, et des mots choisis.
Cette désescalade volontaire, ce refus du rapport de force, a permis de changer la qualité d’écoute. Ce soir-là, elle n’a pas “gagné” la négociation – elle a fait exister un autre cadre relationnel, dans lequel la solution est née plus tard. C’est une force que l’on sous-estime souvent.
Cette désescalade volontaire, ce refus du rapport de force, a permis de changer la qualité d’écoute. Ce soir-là, elle n’a pas “gagné” la négociation – elle a fait exister un autre cadre relationnel, dans lequel la solution est née plus tard. C’est une force que l’on sous-estime souvent.
Une recommandation de lecture ou de ressource ?
Je recommande le travail de Carol Gilligan, notamment Une voix différente, qui a été une lecture fondatrice pour moi. Et pour celles et ceux qui s’intéressent à la négociation dans les organisations publiques, le MIT-Harvard Program on Negotiation propose de très bons cas pratiques. Enfin, j’aurais bien cité mes travaux en cours sur « l’art des petits pas» (et l’ouvrage à paraitre en 2026).
Merci Natalie Maroun et rendez-vous les 5 et 6 juin
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