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Focus I.A. #1 - D’où l’IA tire-t-elle sa force ? Emmanuel Frenod

Emmanuel Frénod Professeur en Mathématiques Appliquées Vice-Président « Pilotage, Système d’Information & Intelligence Artificielle » LMBA (UMR6205) – Université Bretagne Sud – Campus de Tohannic – Vannes


Jacqueline Sala
Mercredi 12 Novembre 2025


L’émergence des outils d’IA générative (Chat GPT, Gemini, CoPilot, Mistral, etc.) a mis en évidence les capacités impressionnantes de l’Intelligence Artificielle.
Avant de s’interroger sur le fait de savoir si cette force présente un danger ou une opportunité sur le plan de l’Intelligence Économique, comprendre et décrire d’où vient cette force est essentiel.



Focus I.A. #1 - D’où l’IA tire-t-elle sa force ? Emmanuel Frenod
En effet, la réponse à « la force de l’IA, danger ou opportunité ? » ne peut pas être d’un niveau de simplisme binaire. D’autre part, si cette question est abordée exclusivement dans le cadre des applications technologiques actuelles, il y a de fortes chances de rater l’essentiel. (Bien sûr, cela n’interdit pas de se poser des questions sur la mise en place des outils d’IA générative au sein des organisations, et d’ailleurs, de nombreux cabinets de conseil proposent des accompagnements tout à fait pertinents sur ce sujet).

La force de l’IA vient du fait qu’elle se base sur un outil générique qui se déploie, s’enrichit et se fiabilise depuis plus de 30 ans.

Il est porté par de nombreux scientifiques, ingénieurs et utilisateurs à travers le monde. Il a pour cœur le modèle d’IA nommé « Réseau de Neurones » (*)  . Les « Réseaux de Neurones profonds » (*) et le « Deep Learning » (*) en sont des évolutions ; et les « Transformers » (*)   (qui embarquent des « mécanismes d’attentions » (*) sont l’évolution récente qui a contribué au succès de cet outil pour la génération de langage et donc pour l’IA générative.

Ce qui fait que cet outil générique fonctionne est sa capacité à générer un résultat, à partir d’une information qui lui est donnée en entrée, en suivant une règle qui a été établie à partir de l’interprétation statistique d’un nombre important de situations voisines de celles dans laquelle le résultat est attendu. L’établissement de la règle est désigné par le nom « d’apprentissage statistique » (*)  ou « d’éducation du modèle » (*) . Une fois « l’apprentissage » (*)  réalisé, la génération d’un résultat à partir d’une information d’entrée est de purement « l’inférence statistique » (*) . Elle est désignée comme « l’utilisation du modèle ». Dans le cas des IA génératives, ce qui est donné en entrée c’est le début d’un texte à partir duquel la fin est attendue, ou une question à partir de laquelle la réponse est attendue.
 

(*) Les termes du jargon de l’IA sont écrits entre guillemets. Connaître leur intimité n’est pas nécessaire pour la compréhension de la présente note.

Une fois que ceci est établi, il ne faut pas croire que tout est ultra simple.

En effet, l’utilisation de cet outil générique dans des contextes complexes demande à ce que l’information donnée en entrée, soit encodée d’une manière adaptée à l’outil, sans perte d’information. Et, il faut désencoder ce qui sort de l’outil. Trouver l’encodage pertinent dans un contexte donné peut impliquer un effort important.

Par exemple, dans le cas de l’IA générative, il a fallu plus de 10 ans d’une recherche intense, au sein de laboratoires publics et privés pour arriver à encoder les mots avec leurs environnements de manière à pouvoir identifier le sens d’un morceau de texte. Une des implémentations de cette capacité d’encodage porte le nom de « Bert » (*)  (ou « Bidirectional Encoder Representations from Transformers » (*) ). C’est seulement une fois que cela a été réalisé que l’outil générique a pu exprimer tout son potentiel sur la génération de langage et devenir de l’IA générative.

En outre, il est important de prendre en compte que « l’éducation d’un modèle » (*)  et, dans le cas de l’IA générative, son « utilisation » (*)  sont très consommatrices d’énergie et d’eau (pour refroidir les processeurs impliqués).
(*) Les termes du jargon de l’IA sont écrits entre guillemets. Connaître leur intimité n’est pas nécessaire pour la compréhension de la présente note.

En conclusion, l’IA utilise un outil générique puissant, très affûté et en constante progression.

Pour s'appliquer à un domaine, il est nécessaire de produire un effort de manière à bien encoder ce qui sera donné en entrée de cet outil générique. Une fois cet effort produit la production de résultats pertinents n'est plus qu'une question d'utilisation d'énergie et d'eau pour éduquer puis utiliser les modèles d'IA éduqués.

C'est de la généricité et des encodages spécifiques à chaque grand type d’application que l'IA et sa force tire son efficacité. Nous avons parfaitement vu cette efficacité et cette force dans le cas de l'IA générative. Nous allons bientôt la voir dans beaucoup d'autres domaines ; en particulier dans celui - éminemment stratégique - du pilotage des outils de production (usines, élevages, agriculture).

Dans les notes à venir...

... nous approfondirons ce que nous venons d’expliquer, puis nous avancerons vers ce que sera l’avenir de l’IA.

Vu ce qui arrive, et vue la force de l’IA, elle va devoir être maîtrisée par les acteurs économiques européens, sous peine de retrouver notre tissu industriel colonisé par des puissances qui la maîtriseront.

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Focus I.A. #1 - D’où l’IA tire-t-elle sa force ? Emmanuel Frenod

A propos de l'auteur

Emmanuel Frénod est Professeur en Mathématiques Appliquées à l'Université Bretagne Sud, dont il est le Vice-Président en charge du Pilotage, du Système d'Information et de l'Intelligence Artificielle. Il est membre du Laboratoire de Mathématiques de Bretagne Atlantique (LMBA UMR6205).

Il est également le fondateur de l'entreprise See-d (ses-d.fr) qui réalise des outils au pilotage des activités des entreprises à base d'IA et de Mathématiques.

Il est spécialiste des équations aux dérivées partielles et des méthodes numériques pour simuler des phénomènes avec des oscillations à haute fréquence.

En matière d'intelligence artificielle, en plus de ce qu'il fait dans le cadre de See-d, il fait de la Recherche sur les concepts mathématiques qui sont sous-jacents à l'intelligence artificielle et sur l'utilisation l'intelligence artificielle dans le cadre de la physique nucléaire et de la fusion nucléaire.