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Formation. Rencontre avec Ophélie OLIVIER GARNIER - responsable du Master 2 en Intelligence Économique et Développement International à l’IRIUS (Institut des Relations Internationales de l’Université de Strasbourg.


Jacqueline Sala




Ophélie Garnier est responsable du Master 2 en Intelligence Économique et Développement International à l’I RIUS (Institut des Relations Internationales de l’Université de Strasbourg) , où elle apporte une expertise sur le développement économique territorial.
Avant de rejoindre le monde académique, Ophélie a acquis une expérience pratique significative en Intelligence Économique, travaillant de manière opérationnelle au sein de diverses agences régionales de développement économique, d’abord en Alsace puis dans l’ensemble du Grand Est. Elle s’est distinguée particulièrement comme responsable du dispositif régional de soutien aux entreprises sur les marchés publics internationaux.
Depuis qu’elle a rejoint l’IRIUS en 2018, Ophélie a été au cœur du développement du programme de master, promouvant activement une approche multilingue de l’Intelligence Économique. Sa vision pédagogique vise à préparer les étudiants à naviguer avec succès dans le complexe paysage économique mondial, reconnaissant que les perspectives culturelles variées enrichissent la compréhension et l’analyse économiques.
En 2022, Ophélie a élargi son champ d’action en initiant le projet Sibila, un ambitieux programme Erasmus+ conçu pour renforcer les capacités des PME industrielles européennes. Ce programme vise à les soutenir dans leurs efforts de veille stratégique et d’intelligence économique, affirmant son engagement à transformer la théorie en pratique et à avoir un impact tangible sur le secteur industriel européen.

Ophélie OLIVIER GARNIER, vous avez la parole ! Merci d'avoir répondu à nos questions.

 

Pouvez-vous identifier les principaux défis que vous avez rencontrés dans l'enseignement et la recherche en Master ?

Mon parcours, principalement ancré dans le secteur du développement économique, m'a permis d'apporter une perspective différente en prenant les rênes pédagogiques du master en 2018. Forte de cette expérience unique, j'ai été confronté à plusieurs défis cruciaux, et en premier lieu: comment faire en sorte que les étudiants diplômés de ce master, historique dans le paysage de l'IE en France, soient toujours bienvenus sur le marché du travail et puissent y faire valoir leurs compétences. Et ceci, avant 2020, alors que le sujet Intelligence Économique n'avait plus le rayonnement des années 2000 ni le retour de visibilité des années 2020.
Le premier défi a été l’identification précise des compétences clés que nos étudiants devraient maîtriser pour s'imposer sur le marché du travail.
Ensuite, il s’agissait de déterminer la méthodologie pédagogique la plus adaptée pour leur permettre d'acquérir ces compétences indispensables.
 
Le troisième enjeu consistait à renforcer et étendre notre réseau de partenaires locaux et nationaux, un pilier essentiel pour la pratique professionnelle de nos étudiants.
 
Enfin, le quatrième défi relevé fut de rendre notre Master attractif à nouveau dans un paysage académique de plus en plus compétitif, touchant tous les domaines d’enseignement.
 

2. Comment gérez-vous la diversité des besoins et des niveaux de préparation des étudiants en Master au sein de vos cours ?

De façon assez originale par rapport à ses homologues, le Master IEDI est positionné à l’IRIUS l'Institut de Relations Internationales - Université de Strasbourg, au sein de la faculté des langues. C'est un parcours de master porté par la mention Langues Etrangères Appliquées. Il est donc ouvert à des étudiants maîtrisant 2 langues étrangères à bon niveau en plus du français. Cela veut dire que les étudiants ont surtout travaillé sur les compétences linguistiques en licence et ont de gros besoin de renforcement de connaissances sur les fondamentaux économiques, géopolitiques, méthodologiques, avant de pouvoir aborder vraiment les sujets de veille et d'intelligence économique. C'est à cela qu'est consacrée la première année du master.
 
Les niveaux de compétence des étudiants à l'entrée du M1 sont variés, reflétant leurs parcours académiques divers et leurs centres d'intérêt, mais par le biais de nombreux travaux de groupes et travaux pratiques, le niveau devient assez homogène avant l'entrée en M2, et les besoins se cristallisent vraiment sur les sujets informationnels. Le travail en équipe, pas toujours facile à gérer pour des étudiants, est un vrai levier d'apprentissage et aussi un reflet de la "vraie vie" qu'ils auront une fois en entreprise, où ils devront s'adapter à une diversité de sensibilité et de compétences, c’est une capacité essentielle dans le monde du travail actuel
 

Existe-t-il des domaines de recherche spécifiques auxquels vous vous intéressez particulièrement en ce moment ?

De par mon profil plus tourné vers l'action, je suis avec intérêt les publications scientifiques mais aussi plus "grand public" sur les différents sujets faisant partie de l'IE, notamment en lien avec l'exploitation de l'information, la gestion des risques et la résilience, ainsi que la géopolitique. En termes d'investissement personnel, j'ai l'opportunité depuis 2022, de piloter un projet européen sur le sujet de la veille stratégique et l'intelligence économique, ayant pour objectif de produire un cursus de formation de niveau intermédiaire à distance pour des cadres des PME industrielles des secteurs textile et ameublement. Le projet, impliquant comme partenaires un cluster espagnol, une université polonaise, une PME polonaise, un centre de tests techniques tchèque, et une association de promotion de l'innovation bulgare, m'a permis de réaliser beaucoup de choses : la différence d'approche de l'IE et de la veille par les différents acteurs européens, mais aussi la nécessité de bien réexpliquer pourquoi c'est essentiel, y compris pour des industriels dont les préoccupations sont souvent tournées vers l'immédiat et les réseaux déjà identifiés pour s'informer. Concevoir un programme de formation adapté, avec une dynamique d'aller-retour avec le public cible a été très formateur pour moi, et évidemment bénéfique aux étudiants, pour qui les supports de formation, disponibles gratuitement et en plusieurs langues, seront une base de travail de plus.

Autre sujet de recherche-action, sur lequel la faculté des langues de l'Université de Strasbourg vient de déposer un nouveau projet européen : l'intégration de l'IA dans la pédagogie des humanités. L'IA bouscule nos pratiques professionnelles en lien avec l'information, et elle bouscule également la façon dont nous devons former nos jeunes. C'est donc le prochain sujet sur lequel j'espère avoir l'opportunité de travailler, dans une dynamique européenne, comme toujours à Strasbourg.
 

Comment maintenez-vous votre expertise à jour dans votre domaine et comment cela bénéficie-t-il à vos étudiants ?

Au-delà de mon implication dans des projets européens, je tente de participer activement aux dynamiques qui animent le secteur de l'Intelligence Économique. Grâce à un partenariat de l’Université avec les organisateurs, j’ai le plaisir de contribuer à la tenue du forum de l'Intelligence Économique et Stratégique (IES) prévu les 20 et 21 novembre 2024 à Strasbourg, un événement d'envergure qui rassemble professionnels de l'industrie et acteurs universitaires.
IES 2024 offre non seulement une plateforme d'interaction entre experts confirmés et nouveaux talents mais constituent aussi une opportunité inestimable pour les étudiants d'appréhender les enjeux actuels et futurs de l'IE. Ils peuvent y établir des liens professionnels, découvrir les innovations du secteur et intégrer ces connaissances dans leur parcours académique et professionnel.
 
Mon activité pédagogique tire avantage de cette immersion continue dans le milieu de l'IE.
 

Pouvez-vous partager une expérience ou un projet pédagogique particulièrement réussi que vous avez mené en Master ?

Deux approches complémentaires à ce propos:

- ce n'est pas un projet pédagogique à côté d'un autre qui va permettre aux étudiants d'acquérir les connaissances et compétences nécessaires au diplôme et surtout à l'insertion professionnelle, c'est vraiment la cohérence globale du programme dispensé par l'équipe pédagogique dans son ensemble. Il est nécessaire que les sujets d'introduction soient complétés par ses mises en pratique et que les points méthodologiques vus en cours soient mis en œuvre dans des travaux pratiques ou des travaux de recherche.

- pour répondre plus précisément, en termes de pédagogie, nous sommes en phase de transition dans le master cette année avec une bascule entre une grosse étude de cas d'intelligence économique réalisée sous format d'examen, vers un projet tutoré tout au long du semestre, qui va permettre ou obliger les étudiants à utiliser les différentes techniques de recherche /ou d'analyse d'information en contexte multilingue. Les soutenances de projet nous diront si cette approche a porté ses fruits. Je pense que oui, mais attendons le retour d'expérience des étudiants.
 

Quelles sont vos recommandations pour améliorer l'expérience d'apprentissage des étudiants en Master au sein de votre institution ?

S'agit-il d'apprentissage au sens alternance ou au sens acquisition de connaissance et compétences ?

Si c'est le premier cas, l'alternance est bien ancrée dans notre formation, et elle fait ses preuves en matière de progression des étudiants et en matière d'insertion professionnelle. De nombreux employeurs publics et privés, locaux et nationaux nous renouvellent leur confiance, au bénéfice des étudiants apprentis.

Pour le deuxième cas, nous avons la chance à Strasbourg de bénéficier d'excellentes conditions d'apprentissage, notamment grâce aux outils et ressources documentaires déployés par l'Université pour ses étudiants, mais aussi grâce aux partenariats avec des éditeurs privés d'outils de veille ou de traitement de l'information, permettant aux étudiants de se former en conditions réelles au métier qu'ils exerceront demain.
 

Merci Ophélie OLIVIER GARNIER d'avoir répondu à nos questions.