Management

ISO 30414 (2025) : la loyauté comme capital invisible. Tribune libre par Ophélie Viguier

« La loyauté n’est pas une faiblesse à exploiter. Elle est une richesse à préserver. »


Jacqueline Sala
Mardi 16 Septembre 2025


La révision 2025 de la norme ISO 30414 tente de donner une visibilité à un capital jusqu’ici invisible : la loyauté. Énergie silencieuse, force intime, elle est pourtant décisive pour la pérennité des organisations.



La comptabilité sait tout mesurer : marges, coûts, rendements. Mais elle oublie l’essentiel…
La révision 2025 de la norme ISO 30414 propose de donner une existence à cet invisible. Au cœur de cette tentative : la loyauté, énergie silencieuse et pourtant décisive pour les organisations.

Les chiffres et ce qui échappe

Les colonnes comptables ne disent pas tout. Elles oublient ce qui circule entre les lignes : la loyauté, la confiance, l’énergie qu’un collaborateur donne sans jamais la noter dans un tableau.
La norme ISO 30414 révisée en 2025 tente de donner une existence à cet invisible. Elle n’est pas une poésie, elle est un langage de chiffres. Mais c’est déjà un pas. Car mieux vaut une mesure imparfaite qu’un effacement total. Un patrimoine qui n’est pas reconnu finit toujours par s’éroder.

Une grille de lecture élargie

ISO 30414 propose d’ouvrir les bilans à ce qui n’y figurait pas :
• la composition des équipes
• la diversité et l’inclusion
• les coûts liés au capital humain
• la productivité et la valeur ajoutée par collaborateur
• la santé et la sécurité
• le climat social et le leadership
• l’éthique et les relations de travail
• le recrutement, la mobilité et la succession
• les compétences et le développement

C’est une grille large, qui tente de mettre en lumière ce que l’on tenait dans l’ombre. Elle ne capture pas la loyauté telle qu’elle est vécue, mais elle ouvre une brèche.
Certaines entreprises l’ont déjà expérimentée. L’une d’elles, un grand groupe industriel européen, a découvert grâce à ISO 30414 que son taux de mobilité interne ne reflétait pas seulement une agilité RH, mais aussi une fuite silencieuse de talents loyaux non reconnus.

Résultat : une refonte de sa politique de reconnaissance a permis de réduire le turnover de 15 % en un an.

L’écart de langage

En théorie, cette norme pourrait reconnaître la valeur ajoutée spécifique de chaque collaborateur.
En pratique, beaucoup d’entreprises la réduisent à des grilles standardisées.
Des cases où l’on coche, des moyennes qui égalisent. Et sous couvert d’égalité, l’équité disparaît.

Celui qui s’investit au-delà, celui dont la loyauté est un moteur, n’est pas distingué. Sa force singulière est diluée. Sa loyauté devient une contrainte, exploitée au lieu d’être honorée.

C’est là que se joue l’écart de langage. Le collaborateur dit « loyauté » pour désigner un attachement profond, une force intime, une fierté silencieuse. L’organisation dit « loyauté » pour désigner une rétention, une disponibilité, une variable de productivité.
Le même mot. Deux mondes. L’un parle d’une vertu. L’autre d’un levier.

De l’indicateur à l’acte

Transformer la loyauté en indicateur n’est pas un problème. C’est même un progrès. Mais un chiffre seul ne protège rien.
Un indicateur ne vaut que s’il se traduit en reconnaissance réelle : rémunération juste, progression possible, conditions de travail dignes, leadership attentif, protection de la santé mentale.
Sinon, le reporting n’est qu’une vitrine, incapable d’empêcher la destruction silencieuse de la loyauté.

Et les jeunes générations l’ont compris. Elles ne refusent pas l’engagement. Elles refusent l’asymétrie. Pour elles, l’engagement est un pacte vivant. Il doit être reconnu, protégé, partagé.

Conclusion manifeste

Reconsidérer la loyauté n’est pas une question de morale : c’est une nécessité stratégique.
La culture, le développement et la mise en œuvre d’une stratégie d’entreprise ne s’optimisent pas par des slogans, mais par la reconnaissance de ce capital invisible.
« La loyauté n’est pas une faiblesse à exploiter. Elle est une richesse à préserver. »

Un souffle invisible, mais décisif, qui tient les organisations debout dans le temps long.

A propos d'Ophélie Viguier

Alchimiste du patrimoine vivant, 26 ans dans la finance pour une certitude : un chiffre ne vaut rien sans la vie qu’il éclaire.
Je relie expertise et humanité pour rappeler que la finance n’est pas qu’une mécanique, mais une force au service des projets humains et du monde que nous voulons bâtir.

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