Intelligence Économique et la Veille Stratégique en 2025. Baromètre Chapvision & Archimag. Le sens de la mesure.

Nous le savons tous : l'évolution des marchés se fait à un rythme très rapide et l'information et/ou la désinformation inondent chaque secteur économique ou social. Dans ce contexte, la veille stratégique et l'intelligence économique se posent, en particulier depuis le Rapport Martre, en moyens de réflexion pour améliorer  la compétitivité et les compétences décisionnelles des organisations.
Aujourd'hui, plus de 85 % des décisions stratégiques en entreprises reposeraient sur des données issues de la veille, révélant ainsi la place centrale de cette démarche. Le "Baromètre Intelligence Économique & Veille Stratégique 2025", élaboré par Archimag et ChapsVision, offre un panorama des pratiques actuelles et des défis à venir, en particulier dans le contexte de la montée en puissance de l'Intelligence Artificielle.
 

Les résultats d'une enquête menée auprès de plus de 100 professionnels entre fin 2024 et début 2025 illustrent clairement plusieurs transformations majeures.
Une tendance notable est la structuration des équipes : la veille est désormais concentrée au sein de petits groupes.
En 2024, 75 % des cellules de veille se comptaient entre une et trois personnes, en hausse par rapport aux 66,11 % de l'année précédente.
Parallèlement, les priorités s’ajustent. Si la veille informationnelle reste prédominante (81,73 % des répondants en 2024), la veille concurrentielle gagne du terrain, passant de 24 % en 2023 à 34 % en 2024. Cette évolution traduit un besoin accru de surveiller en temps réel l’actualité et la concurrence, à l'image de la SNCF qui s’appuie sur une solution de monitoring global pour déceler des opportunités commerciales à l'international.
 

En matière d’outils, les professionnels adoptent une approche hybride en combinant outils gratuits et plateformes payantes.
Ainsi, 66 % des veilleurs se fient d’abord à des solutions gratuites telles que les flux RSS et Google Alertes, tandis que 37,50 % font appel à des outils professionnels. L’usage simultané de plusieurs outils connaît également une progression notable, touchant 31 % des répondants en 2024, dans le but d’optimiser à la fois la performance et le rapport qualité-prix.
 

La diffusion de l’information demeure un enjeu prioritaire. La newsletter conserve sa position de canal de référence avec 60,24 % des professionnels l’utilisant, même si les portails internes d’entreprise et les plateformes de partage intégrées se démocratisent. La réussite de cette transmission repose fortement sur l'engagement de la direction — près de 40 % des veilleurs soulignent cet investissement comme déterminant — ainsi que sur la mise à disposition d’outils interactifs. Par exemple, l’IRSN a mis en place une plateforme centralisée qui permet de collecter, analyser et diffuser rapidement les informations stratégiques auprès d’un large réseau d’experts.

La valorisation de l'impact de la veille se mesure de plus en plus à l'aide d'indicateurs concrets, notamment les statistiques de consultation des supports diffusés (60,24 % en 2024). La nécessité de justifier le Retour sur Investissement (ROI) se fait sentir, malgré une évaluation encore timide du retour du management. La reconnaissance du travail effectué par les veilleurs reste également un défi, près de 46 % des professionnels jugeant leur reconnaissance de niveau moyen. Dans ce cadre, l'utilisation d'outils de reporting visuel et interactif — rapports, graphiques et tableaux de bord — s'impose comme un atout majeur pour valoriser la compréhension des données et et le rôle des veilleurs. Des pratiques innovantes, telles que celles déployées par Dynergie, permettent d’élaborer une cartographie fine des marchés et des écosystèmes, aidant ainsi à conseiller judicieusement leurs clients.
 

L'Intelligence Artificielle se présente aujourd'hui comme un catalyseur de transformation, transformant progressivement le paysage de la veille.
L'IA aide certainement à collecter des données, à trouver des modèles cachés, mais les humains sont toujours nécessaires pour comprendre les données et trouver des indices importants qui pourraient ne pas être évidents.
En 2024, 67 % des professionnels investissent dans la formation à l'IA pour optimiser leurs pratiques, et 53 % en perçoivent déjà les avantages potentiels. Toutefois, moins de 15 % estiment que l'IA a pour l'heure un impact radical sur leurs missions quotidiennes. L’IA offre certes l’opportunité d'automatiser la collecte de données, d'identifier des tendances insoupçonnées et d'analyser d’immenses volumes d’informations, mais l'expertise humaine reste indispensable pour contextualiser, interpréter et détecter les signaux faibles essentiels à une analyse fine. L'IA doit donc être envisagée comme un véritable levier, capable de libérer du temps aux veilleurs pour se concentrer sur des analyses à haute valeur ajoutée.

Enfin, les investissements dédiés à la veille restent, dans leur grande majorité, stables (62,65 % en 2024), bien qu'une baisse soit constatée par 22 % des sondés, sans doute à l'ombre des fluctuations économiques. Dans certains organismes, la démonstration d'un ROI probant incite à une augmentation des budgets, confirmant ainsi l'importance de la veille au cœur de la stratégie d'entreprise.

L'ensemble de ces constats dessine les contours d'un paysage en mutation où la combinaison entre technologies de pointe et expertise humaine se révèle être la clé d'une veille stratégique efficace. Face à un environnement souvent incertain, la capacité à anticiper les risques, à déceler les opportunités et à adapter les stratégies demeure primordiale pour les entreprises qui veulent non seulement survivre, mais aussi prospérer dans l'ère de l'intelligence artificielle.

Nous n'avons pas noté dans cette étude une attention particulière aux questions comme la protection des données, la transparence des algorithmes ou les biais potentiels de l'IA. Autrement dit, si l'impact de l'IA est bien objectivé, les réflexions éthiques semblent, pour l'instant, un peu secondaires.