Intelligence artificielle

Intelligence artificielle : une stratégie française en panne de cohérence. La Cour des comptes


Jacqueline Sala
Dimanche 23 Novembre 2025


Dans son rapport thématique de novembre 2025, la Cour des comptes dresse un constat sévère de la stratégie nationale pour l’intelligence artificielle. Malgré des investissements significatifs et des ambitions affichées depuis 2018, la France peine à transformer ses promesses en résultats concrets. Pilotage éclaté, diffusion limitée dans l’économie et dépendance persistante aux solutions étrangères : l’institution alerte sur le risque de voir le pays rester spectateur d’une révolution technologique mondiale.




Manque de résultats

La Cour des comptes, dans son rapport thématique de novembre 2025 sur la stratégie nationale pour l’intelligence artificielle, adopte un ton qui, derrière la neutralité institutionnelle, révèle une critique de la politique menée depuis 2018. Elle constate que la France a multiplié les annonces et les plans, mais que la mise en œuvre reste fragmentée, lente et souvent prisonnière de lourdeurs administratives. Les financements, bien que conséquents, se diluent dans une multitude de dispositifs sans véritable cohérence, et l’absence d’un pilotage fort et centralisé empêche de transformer les ambitions en résultats tangibles.

Retard français dans l’adoption concrète de l’IA.

Intelligence artificielle : une stratégie française en panne de cohérence. La Cour des comptes
Le rapport souligne que la première phase a certes permis de soutenir la recherche et de créer un écosystème académique, mais que celui-ci demeure trop cloisonné, éloigné des besoins industriels et incapable de rivaliser avec les géants américains et chinois.

La deuxième phase, censée diffuser l’IA dans l’économie et les administrations, apparaît plus décevante : les PME restent largement à l’écart, les collectivités locales n’ont pas les moyens de s’approprier ces technologies, et l’État lui-même peine à incarner l’exemplarité qu’il revendique. L’écart entre discours et réalité est patent, et la Cour insiste sur le retard français dans l’adoption concrète de l’IA.

Au-delà des constats, le rapport met en lumière une faiblesse stratégique : la France semble osciller entre une ambition affichée de souveraineté numérique et une dépendance persistante aux solutions étrangères. Les investissements, jugés insuffisants au regard de la compétition mondiale, ne permettent pas de créer un véritable champion national. La Cour des comptes avertit que sans un changement radical de méthode, la stratégie risque de se réduire à une succession de plans sans impact, incapables de transformer durablement l’économie et l’action publique.

Ce rapport appelle à une rupture : moins de dispersion, plus de cohérence, un pilotage resserré et une volonté d’assumer des choix clairs.

La comparaison entre la France et l’Allemagne révèle deux approches de l’intelligence artificielle qui, bien que lancées à la même période, produisent des résultats très différents.
L’Allemagne, de son côté, a adopté dès 2018 une stratégie baptisée « AI made in Germany », avec l’ambition affichée de faire de l’IA une marque de fabrique nationale. Le gouvernement fédéral a mobilisé environ 3 milliards d’euros d’ici 2025 pour soutenir la recherche, l’innovation et le transfert vers l’économie. 
Contrairement à la France, Berlin a misé sur une forte articulation entre universités, centres de recherche et entreprises industrielles, dans une logique de compétitivité internationale mais aussi de valeurs européennes. L’Allemagne se distingue par une meilleure intégration de l’IA dans son tissu industriel, notamment dans l’automobile, la robotique et la santé, et par une coopération étroite entre science, économie et politique.