Source. ([1]
[1] Pour faciliter la lecture, nous n’avons ici pas employé l’écriture inclusive.
Nous précisions toutefois que nous y restons profondément attachée.
[1] Pour faciliter la lecture, nous n’avons ici pas employé l’écriture inclusive.
Nous précisions toutefois que nous y restons profondément attachée.
Sans information partagée, pas d’action collective
Au sein des territoires, l’information est bien présente.
Études, diagnostics, données, cartographies, retours d’expérience se multiplient au fil des projets. Pourtant, nous avons fréquemment remarqué dans nos recherches, un décalage entre cette richesse informationnelle et la capacité des acteurs à y accéder, à l’exploiter, à la partager…une capacité à s’en saisir pour construire une action collective cohérente et efficiente en s’appuyant sur ces informations.
Ce décalage ne tient pas uniquement à des questions d’outillage. Il renvoie à des rapports humains, à des modes de coordination, à des manières de produire et de partager du sens et surtout à des personnes ressource. Nos analyses ont confirmé que les acteurs impliqués dans un projet de territoire n’utilisent pas les mêmes référentiels, ne parlent pas toujours le même langage et évoluent dans des cadres organisationnels différents, ce qui ne facilite pas leur intégration au sein d’« espace continu » propice à la mise en commun.
Nous défendons ainsi l’idée que l’intelligence territoriale permet de considérer le territoire comme un espace relationnel, continu et apprenant, dans lequel la circulation de l’information et la co-construction de connaissances occupent une place centrale. Nous proposons donc cette définition : « L’intelligence territoriale est envisagée comme une approche systémique, reposant sur des processus infocommunicationnels qui, dans une logique d’organisation apprenante, facilitent la coordination des acteurs et la co-création de connaissances capitalisables et actionnables, au service de la soutenabilité du territoire ». (Knauf, 2023).
Le schéma invite à une lecture synthétique de ces dynamiques, en mettant en relation les acteurs, les processus info-communicationnels et les dispositifs sociotechniques au sein d’un système apprenant territorial.
Études, diagnostics, données, cartographies, retours d’expérience se multiplient au fil des projets. Pourtant, nous avons fréquemment remarqué dans nos recherches, un décalage entre cette richesse informationnelle et la capacité des acteurs à y accéder, à l’exploiter, à la partager…une capacité à s’en saisir pour construire une action collective cohérente et efficiente en s’appuyant sur ces informations.
Ce décalage ne tient pas uniquement à des questions d’outillage. Il renvoie à des rapports humains, à des modes de coordination, à des manières de produire et de partager du sens et surtout à des personnes ressource. Nos analyses ont confirmé que les acteurs impliqués dans un projet de territoire n’utilisent pas les mêmes référentiels, ne parlent pas toujours le même langage et évoluent dans des cadres organisationnels différents, ce qui ne facilite pas leur intégration au sein d’« espace continu » propice à la mise en commun.
Nous défendons ainsi l’idée que l’intelligence territoriale permet de considérer le territoire comme un espace relationnel, continu et apprenant, dans lequel la circulation de l’information et la co-construction de connaissances occupent une place centrale. Nous proposons donc cette définition : « L’intelligence territoriale est envisagée comme une approche systémique, reposant sur des processus infocommunicationnels qui, dans une logique d’organisation apprenante, facilitent la coordination des acteurs et la co-création de connaissances capitalisables et actionnables, au service de la soutenabilité du territoire ». (Knauf, 2023).
Le schéma invite à une lecture synthétique de ces dynamiques, en mettant en relation les acteurs, les processus info-communicationnels et les dispositifs sociotechniques au sein d’un système apprenant territorial.
La médiation au cœur des démarches d’intelligence territoriale
Les retours de terrain accumulés au fil des années convergent vers un constat partagé : les démarches d’intelligence territoriale qui tiennent dans le temps reposent moins sur les outils que sur des rôles humains clairement identifiables, parfois formalisés, parfois assumés de manière plus informelle.
Nous avons tout d’abord identifié des personnes situées à l’interface entre information et décideur. Leur rôle consiste à comprendre des besoins, à les reformuler et à transformer des informations en connaissances mobilisables et actionnables. Ces fonctions, décrites dès les premiers travaux sur l’intelligence économique et territoriale, relèvent du rôle d’infomédiaire (Knauf & David, 2004).
Avec le temps, ce rôle a évolué vers la coordination et l’animation (Knauf, 2010) : les coordinateurs-animateurs font circuler l’information, entretiennent le dialogue entre parties prenantes et contribuent à stabiliser une vision commune du projet de territoire. Ils s’appuient sur des dispositifs sociotechniques réunissant des actants humains et non humains, au sens de la sociologie de la traduction (Akrich, Callon, Latour, 2006 ; Jeanneret, 2008) et les mettent en interaction.
Dans les configurations les plus abouties, un autre rôle émerge progressivement : celui de tiers-facilitateur. Véritable fonction d’interface et de pédagogue, il acculture au partage d’informations, créé les conditions de la co-production de connaissances et assure la coordination des acteurs. En tant que médiateur, il intervient dans ces zones grises où se croisent des personnes aux intérêts et aux cultures professionnelles multiples et hétérogènes, et qui peuvent aussi être en conflit - en somme, des zones ambigües, sans réelles règles établies, où chacun s’appuie sur ses propres références et son mode de fonctionnement (Knauf, 2025).
Nous avons tout d’abord identifié des personnes situées à l’interface entre information et décideur. Leur rôle consiste à comprendre des besoins, à les reformuler et à transformer des informations en connaissances mobilisables et actionnables. Ces fonctions, décrites dès les premiers travaux sur l’intelligence économique et territoriale, relèvent du rôle d’infomédiaire (Knauf & David, 2004).
Avec le temps, ce rôle a évolué vers la coordination et l’animation (Knauf, 2010) : les coordinateurs-animateurs font circuler l’information, entretiennent le dialogue entre parties prenantes et contribuent à stabiliser une vision commune du projet de territoire. Ils s’appuient sur des dispositifs sociotechniques réunissant des actants humains et non humains, au sens de la sociologie de la traduction (Akrich, Callon, Latour, 2006 ; Jeanneret, 2008) et les mettent en interaction.
Dans les configurations les plus abouties, un autre rôle émerge progressivement : celui de tiers-facilitateur. Véritable fonction d’interface et de pédagogue, il acculture au partage d’informations, créé les conditions de la co-production de connaissances et assure la coordination des acteurs. En tant que médiateur, il intervient dans ces zones grises où se croisent des personnes aux intérêts et aux cultures professionnelles multiples et hétérogènes, et qui peuvent aussi être en conflit - en somme, des zones ambigües, sans réelles règles établies, où chacun s’appuie sur ses propres références et son mode de fonctionnement (Knauf, 2025).
Coopérer et capitaliser au sein des territoires
Les discours institutionnels tendent à valoriser la coopération.
Les pratiques montrent cependant que les conditions nécessaires à son maintien sont rarement réunies. Les acteurs font face à un manque de temps, à une surcharge informationnelle et à des injonctions de court terme qui fragilisent les dynamiques collectives.
Ce que nous avons notamment observé, c’est que la coopération se construit rarement de manière immédiate. Elle s’inscrit dans la durée, à travers des échanges réguliers, des ajustements et une reconnaissance mutuelle des compétences. Les communautés de pratiques, telles que conceptualisées par Wenger (2002), jouent un rôle structurant lorsqu’elles disposent de cadres favorables pour se maintenir dans le temps, et qu’elles bénéficient de ressources, parmi lesquelles, humaines pour en assurer leur animation. Cela rejoint la conception du territoire comme organisation apprenante, capable de développer et d’entretenir des processus d’apprentissage collectif et de transmission des savoirs au-delà des projets courts (Senge, 1992 ; Nonaka & Takeuchi, 1997).
De plus, la capitalisation reste souvent un point de fragilité. Documents peu réutilisés, plateformes sous-alimentées, savoirs qui disparaissent avec le départ de certaines personnes : ces situations sont largement partagées par les professionnels et la question de la pérennisation demeure centrale. Dans cette perspective, nous soutenons que les données et connaissances produites peuvent être envisagées comme des communs de la connaissance, au sens développé par Ostrom (1990) et Bollier (2014). Leur mise en commun suppose toutefois des accords collectifs sur les modalités de production, de partage et de réutilisation, ainsi qu’une attention portée aux pratiques concrètes des acteurs impliqués.
Les pratiques montrent cependant que les conditions nécessaires à son maintien sont rarement réunies. Les acteurs font face à un manque de temps, à une surcharge informationnelle et à des injonctions de court terme qui fragilisent les dynamiques collectives.
Ce que nous avons notamment observé, c’est que la coopération se construit rarement de manière immédiate. Elle s’inscrit dans la durée, à travers des échanges réguliers, des ajustements et une reconnaissance mutuelle des compétences. Les communautés de pratiques, telles que conceptualisées par Wenger (2002), jouent un rôle structurant lorsqu’elles disposent de cadres favorables pour se maintenir dans le temps, et qu’elles bénéficient de ressources, parmi lesquelles, humaines pour en assurer leur animation. Cela rejoint la conception du territoire comme organisation apprenante, capable de développer et d’entretenir des processus d’apprentissage collectif et de transmission des savoirs au-delà des projets courts (Senge, 1992 ; Nonaka & Takeuchi, 1997).
De plus, la capitalisation reste souvent un point de fragilité. Documents peu réutilisés, plateformes sous-alimentées, savoirs qui disparaissent avec le départ de certaines personnes : ces situations sont largement partagées par les professionnels et la question de la pérennisation demeure centrale. Dans cette perspective, nous soutenons que les données et connaissances produites peuvent être envisagées comme des communs de la connaissance, au sens développé par Ostrom (1990) et Bollier (2014). Leur mise en commun suppose toutefois des accords collectifs sur les modalités de production, de partage et de réutilisation, ainsi qu’une attention portée aux pratiques concrètes des acteurs impliqués.
Le triptyque humain-processus infocommunicationnels-outils au service des transitions
Nos travaux en intelligence territoriale mettent en évidence deux points d’attention récurrents.
Le premier concerne la volonté et la motivation des personnes impliquées. Les terrains observés nous enseignent que la réussite d’une démarche d’intelligence territoriale et par extension, d’un projet de territoire, repose largement sur l’engagement d’acteurs déjà convaincus, prêts à consacrer du temps aux processus infocommunicationnels (collecte d’information, traitement, partage, capitalisation des connaissances, …), à la coordination et au travail collectif, malgré des contraintes fortes. Sans cette implication, les dispositifs peinent à produire des effets durables.
Le second point touche à la question de la pérennisation. Les projets de territoire s’inscrivent souvent dans des temporalités limitées, alors que les apprentissages collectifs et la capitalisation des connaissances demandent du temps.
Ces deux leviers, l’engagement des personnes et l’inscription dans la durée, rappellent que l’intelligence territoriale se joue moins dans la multiplication des outils que dans la capacité à créer et à préserver des conditions de coopération, au croisement du triptyque humain, processus infocommunicationnels et outils.
Le premier concerne la volonté et la motivation des personnes impliquées. Les terrains observés nous enseignent que la réussite d’une démarche d’intelligence territoriale et par extension, d’un projet de territoire, repose largement sur l’engagement d’acteurs déjà convaincus, prêts à consacrer du temps aux processus infocommunicationnels (collecte d’information, traitement, partage, capitalisation des connaissances, …), à la coordination et au travail collectif, malgré des contraintes fortes. Sans cette implication, les dispositifs peinent à produire des effets durables.
Le second point touche à la question de la pérennisation. Les projets de territoire s’inscrivent souvent dans des temporalités limitées, alors que les apprentissages collectifs et la capitalisation des connaissances demandent du temps.
Ces deux leviers, l’engagement des personnes et l’inscription dans la durée, rappellent que l’intelligence territoriale se joue moins dans la multiplication des outils que dans la capacité à créer et à préserver des conditions de coopération, au croisement du triptyque humain, processus infocommunicationnels et outils.
A propos de..
Audrey Knauf – Responsable du Master Veille Stratégique et Organisation des Connaissances (VSOC), Université de Lorraine
Maître de conférences en intelligence économique et territoriale. Directrice du Master VSOC et co-rédactrice en chef de la Revue internationale d'intelligence économique (R2IE).
Elle est directrice du Master Veille stratégique et organisation des connaissances (VSOC), co-rédactrice en cheffe de la Revue Internationale d’Intelligence Economique (R2IE), et ambassadrice des données à l’université de Lorraine, chargée de travailler sur la science ouverte.
Elle est également membre élu au Conseil national des universités (CNU 71). Par le passé, elle a mené de front plusieurs activités dans le privé et dans la recherche, en particulier au sein du NANCIE (le Centre international de l’eau de Nancy) et au sein du Loria (Laboratoire lorrain de recherche en informatique et ses applications).
De 2006 à 2008, Audrey Knauf a aussi été vice-présidente et responsable du pôle Régions de l’ANAJ-IHEDN (l’Association nationale des auditeurs jeunes de l’Institut des hautes études de défense nationale), aujourd’hui appelée IHEDN Jeunes. Enfin, elle collaboré à de nombreux ouvrages et rédigé des articles pour des revues universitaires tant françaises qu’internationales. Elle est l’auteure de l’ouvrage : les dispositifs d'intelligence économique : compétences et fonctions utiles à leur pilotage, publié en 2010 et ayant reçu le Prix du Jury CED-3AF, parrainé par le cercle Turgot.
Maître de conférences en intelligence économique et territoriale. Directrice du Master VSOC et co-rédactrice en chef de la Revue internationale d'intelligence économique (R2IE).
Elle est directrice du Master Veille stratégique et organisation des connaissances (VSOC), co-rédactrice en cheffe de la Revue Internationale d’Intelligence Economique (R2IE), et ambassadrice des données à l’université de Lorraine, chargée de travailler sur la science ouverte.
Elle est également membre élu au Conseil national des universités (CNU 71). Par le passé, elle a mené de front plusieurs activités dans le privé et dans la recherche, en particulier au sein du NANCIE (le Centre international de l’eau de Nancy) et au sein du Loria (Laboratoire lorrain de recherche en informatique et ses applications).
De 2006 à 2008, Audrey Knauf a aussi été vice-présidente et responsable du pôle Régions de l’ANAJ-IHEDN (l’Association nationale des auditeurs jeunes de l’Institut des hautes études de défense nationale), aujourd’hui appelée IHEDN Jeunes. Enfin, elle collaboré à de nombreux ouvrages et rédigé des articles pour des revues universitaires tant françaises qu’internationales. Elle est l’auteure de l’ouvrage : les dispositifs d'intelligence économique : compétences et fonctions utiles à leur pilotage, publié en 2010 et ayant reçu le Prix du Jury CED-3AF, parrainé par le cercle Turgot.

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