STRATEGIES

Investissements étrangers en France : Ce que révèle le contrôle stratégique


Jacqueline Sala
Samedi 16 Août 2025


Ce rapport d'information, déposé par le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale en mai 2025, examine l'efficacité du contrôle des investissements étrangers en France (IEF) et propose des améliorations significatives. Il souligne l'importance vitale de ce mécanisme dans un contexte d'instabilité géopolitique et de concurrence internationale croissante, tout en identifiant ses limites et les voies pour renforcer la souveraineté économique, la transparence et l'efficacité.



Investissements étrangers en France : Ce que révèle le contrôle stratégique

 

Derrière les apparences, un bilan contrasté

En 2024, la France a confirmé sa place de championne européenne de l’accueil des investissements internationaux, signant sa sixième année consécutive en tête du classement et consolidant une dynamique amorcée bien avant la crise sanitaire.

Après un record historique de 72,2 milliards d’euros de flux nets d’IDE en 2022, le pays a enregistré 39,1 milliards en 2023, un niveau qui demeure largement supérieur aux standards d’avant-pandémie. Ce capital s’ancre surtout dans l’industrie manufacturière, l’immobilier et les activités financières et assurantielles, illustrant la diversité des secteurs qui séduisent les investisseurs.
 

Cette performance est saluée à l’échelle mondiale : la France occupe la sixième place du Foreign Direct Investment Confidence Index 2024 du cabinet Kearney et s’impose, en 2025, comme leader européen selon l’Open Financial Ecosystem Index.
Un succès qui repose sur une stratégie claire, tournée vers des filières à haute valeur ajoutée telles que l’intelligence artificielle, le quantique, les batteries, la mobilité décarbonée, l’agroalimentaire ou encore la santé.
Les Sommets Choose France ont d’ailleurs joué un rôle de vitrine, attirant des engagements financiers significatifs.
 

Mais derrière cette vitrine séduisante, l’horizon se charge de nuages. Les menaces sécuritaires se multiplient sur ces mêmes secteurs stratégiques. Les stratégies d’influence économique étrangères, plus rapides et diversifiées, ciblent directement les actifs sensibles. En 2024, le Service pour l’Information Stratégique et la Sécurité Économiques a dû traiter 750 alertes, contre 340 en 2020, avec la moitié des cas liés à des prises de participation ou de contrôle. La captation de propriété intellectuelle et les tentatives de mainmise sur des entreprises clés font désormais partie des réalités à affronter.
 

À cela s’ajoute une fragilité structurelle : la carence chronique de financement des secteurs stratégiques français.
Défense et santé, en particulier, restent dépendants des apports étrangers pour répondre à des besoins en capitaux que le capital-risque national ne peut couvrir seul. Or, refuser un investissement direct étranger sans solution de remplacement peut précipiter une entreprise en quête de repreneur vers l’impasse, voire la faillite.

Un dilemme qui met en tension la souveraineté économique et la nécessité vitale de financer l’innovation et l’industrie.

 

Investissements étrangers : un bouclier stratégique à la française

Investissements étrangers en France : Ce que révèle le contrôle stratégique

En France, le contrôle des investissements étrangers (IEF) s’est affirmé ces dernières années comme un rempart stratégique au service de la souveraineté nationale. Conçu pour préserver les intérêts fondamentaux du pays — indépendance, intégrité, sécurité —, il entend aussi défendre l’autonomie stratégique de l’Hexagone et renforcer la résilience de ses chaînes de valeur.


Porté par un Bureau du contrôle des investissements étrangers particulièrement actif, le dispositif connaît une montée en puissance : en 2023, pas moins de 309 dossiers ont été traités, la majorité portant sur des infrastructures essentielles et des activités intrinsèquement sensibles.
 

Ce renforcement s’est accompagné d’un durcissement notable du filtrage, avec notamment l’abaissement définitif du seuil de détention des droits de vote de 25 % à 10 % pour les sociétés cotées, et l’élargissement continu de la notion de secteur stratégique, désormais étendue à l’extraction de matières premières critiques et à la sécurité des établissements pénitentiaires. L’instruction des dossiers se distingue par son efficacité : des délais plafonnés à 75 jours, souvent plus courts que dans les pays comparables, une procédure modernisée grâce à la numérisation et à des lignes directrices favorisant la transparence. Les sanctions, elles, sont pleinement opérationnelles, allant d’amendes substantielles à des peines de prison.
 

Intégré dans un écosystème de sécurité économique plus vaste, coordonné par le SISSE, le contrôle IEF participe à une vigilance globale face aux menaces pesant sur les intérêts stratégiques français, tout en renforçant la coordination interministérielle. Un maillage serré qui illustre la volonté de conjuguer ouverture aux capitaux étrangers et protection sans faille des actifs jugés vitaux.