Enjeux majeurs

"L'IA est une disruption qui impose de repenser les organisations". Entretien avec Christophe Pouilly, la Fabrique du Futur


Jacqueline Sala
Mardi 30 Décembre 2025


Pour Christophe Pouilly, La Fabrique du Futur, 2025 a révélé une rupture que les organisations sous‑estiment encore : l’IA ne transforme pas seulement les outils, elle reconfigure les modèles d’affaires, les pouvoirs internes et les imaginaires qui orientent l’innovation. À l’aube de 2026, il appelle les entreprises à affronter ce changement systémique avec plus de courage stratégique. Rencontre.



"L'IA est une disruption qui impose de repenser les organisations". Entretien avec Christophe Pouilly, la Fabrique du Futur

Parmi toutes les ruptures technologiques ou organisationnelles que vous avez observées en 2025, laquelle a selon vous le plus profondément transformé les modèles d’affaires — sans que les entreprises en aient pleinement conscience ?

Je ne serai pas très original en indiquant que l’IA constitue LA rupture de l’année 2025 dans le sens où c’est l’année durant laquelle les entreprises ont pris conscience que cette ‘Intelligence’ va forcément avoir un impact sur leurs modèles d’affaires ou d’organisation.

L’IA, c’est à la fois un double phénomène :  une ‘Disruption Systémique’ et une « Désintermédiation cognitive ».
La « Disruption Systémique » signifie que l’IA va avoir un impact sur tous les secteurs d’activités, tous les domaines, les modèles et toutes les formes d’apprentissage et d’organisation.
La « désintermédiation cognitive » , c’est le fait que les intermédiaires humains traditionnels de la pensée — expertise, analyse, synthèse, formulation — ne sont plus indispensables pour produire un raisonnement de qualité.  

Si la prise de conscience est là, la nature à la fois systémique et cognitive de l’IA reste largement sous-estimée, car elle touche au cœur symbolique du pouvoir dans les organisations.

En 2025, qu’est ce qui vous a le plus surpris dans la manière dont les entreprises ont — ou n’ont pas — transformé leurs modèles d’innovation ?

Ce qui est le plus frappant, c’est la difficulté à accepter de revoir en profondeur ses pratiques.
Pourquoi ?
Parce que passer à l’échelle oblige à toucher aux structures de pouvoir, à ses métiers historiques ou à ses indicateurs de performance.
L’innovation qui est encore trop souvent traitée comme un sujet périphérique devrait être un outil de transformation du cœur de son modèle économique et de son mode de fonctionnement. C’est un problème de courage organisationnel.

Les imaginaires du futur jouent un rôle clé dans la capacité à innover. Quels nouveaux imaginaires, émergents ou inattendus, avez‑vous vus apparaître en 2025, et comment influencent‑ils la manière dont les organisations envisagent leur transformation ?

En 2025, plusieurs imaginaires ont pris de l’épaisseur :
  • Un imaginaire désirable. Soit un récit capable de créer le désir de voir un futur advenir.
  • Un imaginaire durable. Soit un imaginaire qui intègre des composantes environnementales et sociales, pas seulement de manière coercitive mais de façon plus positive. La responsabilité intergénérationnelle en fait d’ailleurs partie.
  • Un imaginaire disruptif. Soit des imaginaires qui changent profondément la manière dont les organisations envisagent leur futur.
Nous pensons qu’en 2026, ce travail sur ces types d’imaginaires va fortement se développer car il répond aux besoins critiques de projection des entreprises ou des collectivités.

En regardant vers 2026, quel basculement technologique ou sociétal pourrait, selon vous, redéfinir les stratégies d’innovation — non pas dans dix ans, mais dès l’année prochaine ?

Le basculement technologique, il est en cours avec l’IA.
En 2026, le vrai choc pourrait être à la fois sociétal et environnemental. Sociétal, car nous allons commencer à voir les premiers effets de l’IA sur l’emploi et sur la remise en question de certains modèles. Environnemental car nous allons continuer à subir les conséquences du dérèglement climatique.
 
Face à cela, les stratégies d’innovation vont devoir intégrer des composantes d’ordre systémique et ne plus seulement se concentrer sur des attentes marché ou clients.
C’est un changement de paradigme stratégique qui attend les directions d’innovation.

La Fabrique du Futur accompagne les organisations dans leurs démarches d’innovation et de projection. Qu’est ce que 2025 vous a appris sur les besoins réels des entreprises, et quelles nouvelles approches ou méthodes comptez vous déployer en 2026 pour renforcer leur capacité à se projeter et à se réinventer ?

Le besoin réel des entreprises n’est pas seulement de comprendre les futurs dans lesquels ils auront à se projeter mais d’être en capacité de devenir acteurs de ces futurs.

En 2026, La Fabrique du Futur va donc renforcer des approches centrées sur :
- La mise en situation prospective (récits immersifs, tensions incarnées…) et sa concrétisation en idées et plan d’actions
- La projection par l’intelligence collective
- La formation aux nouveaux modèles de prospective et d’innovation
- Le travail sur les angles morts stratégiques.
 
Notre conviction est qu’on ne transforme pas une organisation par des slides ou des rapports mais par des expériences de futur vécues collectivement.
 

Merci Christophe Pouilly d'avoir répondu à nos questions !


A propos de Christophe Pouilly

"L'IA est une disruption qui impose de repenser les organisations". Entretien avec Christophe Pouilly, la Fabrique du Futur
Christophe Pouilly est vice‑président exécutif de La Fabrique du Futur & Co, structure dédiée à la prospective et à l’innovation. Consultant en stratégie depuis plus de vingt‑cinq ans, il accompagne entreprises et institutions dans leurs transformations et la mise en œuvre de nouveaux modèles. Co‑fondateur de La Fabrique du Futur & Co, il milite pour une approche collective et proactive de l’anticipation.
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A propos de la Fabrique du Futur

La Fabrique du Futur est un laboratoire d’innovation et de prospective qui aide les organisations à anticiper les transformations et à se projeter dans des futurs possibles. À la croisée de la stratégie, de l’intelligence collective et des sciences du futur, elle conçoit des dispositifs immersifs, des récits prospectifs et des méthodes d’exploration qui permettent aux entreprises de dépasser la simple analyse des tendances pour devenir actrices de leur propre avenir.
Son approche repose sur l’expérimentation, la mise en situation et la mobilisation des imaginaires, avec une conviction forte : on ne transforme pas une organisation par des rapports, mais par des expériences de futur vécues collectivement.