
Un enjeu de pouvoir global
« Celui qui deviendra leader en ce domaine sera le maître du monde. » Ces mots, prononcés en 2017 par Vladimir Poutine à propos de l’intelligence artificielle (IA), résonnent comme une prophétie dans un monde où la technologie redéfinit les équilibres de pouvoir. L’IA, bien plus qu’un simple outil technologique, est devenue une arme stratégique dans la compétition géoéconomique mondiale. Elle est au cœur d’une guerre économique où l’information, les données et les algorithmes sont les nouvelles monnaies du pouvoir. Cette transformation touche directement l’intelligence économique, cette discipline qui, entre collecte d’informations stratégiques, protection des données sensibles et influence, constitue le cerveau des stratégies économiques modernes.
Mais qu’est-ce que l’intelligence économique, et pourquoi l’IA la bouleverse-t-elle si profondément ?
L’intelligence économique regroupe les pratiques visant à collecter, analyser et exploiter des informations pour anticiper les mouvements des concurrents, protéger son savoir-faire ou orienter les dynamiques de marché. Dans ce contexte, l’IA agit à la fois comme un allié puissant, capable d’analyser des masses de données en un temps record, et comme une menace, en introduisant des risques comme la désinformation automatisée ou la dépendance technologique.
Selon les analyses de l’École de Guerre Économique (EGE) de Paris, l’IA marque l’avènement des « guerres immatérielles », où le contrôle des infrastructures numériques et des algorithmes devient aussi essentiel que celui des territoires dans les conflits traditionnels. Ces guerres invisibles redessinent les rapports de force : celui qui domine le cyberespace peut influencer économies et sociétés sans jamais apparaître comme un conquérant.
Nous explorons ici l’impact de l’IA sur l’intelligence économique et la guerre économique. Nous analyserons d’abord les enjeux géopolitiques de l’IA, puis la dualité entre mondes matériel et immatériel, avant d’examiner les opportunités et menaces qu’elle représente.
Enfin, nous discuterons du rôle des acteurs publics et privés, des modèles de régulation et des perspectives pour l’avenir. Le ton se veut rigoureux, car ces questions touchent directement notre avenir dans une économie numérique en pleine mutation.
Selon les analyses de l’École de Guerre Économique (EGE) de Paris, l’IA marque l’avènement des « guerres immatérielles », où le contrôle des infrastructures numériques et des algorithmes devient aussi essentiel que celui des territoires dans les conflits traditionnels. Ces guerres invisibles redessinent les rapports de force : celui qui domine le cyberespace peut influencer économies et sociétés sans jamais apparaître comme un conquérant.
Nous explorons ici l’impact de l’IA sur l’intelligence économique et la guerre économique. Nous analyserons d’abord les enjeux géopolitiques de l’IA, puis la dualité entre mondes matériel et immatériel, avant d’examiner les opportunités et menaces qu’elle représente.
Enfin, nous discuterons du rôle des acteurs publics et privés, des modèles de régulation et des perspectives pour l’avenir. Le ton se veut rigoureux, car ces questions touchent directement notre avenir dans une économie numérique en pleine mutation.
IA et Guerre Économique : une course géopolitique
L’intelligence artificielle est le théâtre d’une compétition mondiale acharnée, où la suprématie technologique se traduit en pouvoir économique et politique. Les nations qui maîtriseront l’IA pourront façonner les marchés, imposer leurs normes et même influencer les valeurs culturelles. À l’inverse, celles qui accusent un retard risquent de devenir dépendantes des technologies étrangères, une vulnérabilité stratégique majeure.
Aujourd’hui, deux géants dominent : les États-Unis et la Chine. Les premiers misent sur le dynamisme de leurs entreprises privées, les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), qui investissent des milliards dans la recherche et développement. Ce modèle, porté par la liberté du marché, a permis aux États-Unis de conserver une avance technologique, bien que le gouvernement commence à encadrer l’IA avec des lignes directrices éthiques.
La Chine, elle, adopte une approche centralisée, orchestrée par le Parti communiste. Les champions nationaux (Baidu, Alibaba, Tencent, Huawei, Xiaomi) collaborent étroitement avec l’État, mobilisant des ressources colossales et exploitant des données massives pour rattraper l’Occident. Cette stratégie s’appuie sur une absence de contraintes éthiques, notamment dans la collecte de données, et sur l’utilisation de l’IA pour des objectifs de contrôle social, comme la surveillance de masse.
Aujourd’hui, deux géants dominent : les États-Unis et la Chine. Les premiers misent sur le dynamisme de leurs entreprises privées, les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), qui investissent des milliards dans la recherche et développement. Ce modèle, porté par la liberté du marché, a permis aux États-Unis de conserver une avance technologique, bien que le gouvernement commence à encadrer l’IA avec des lignes directrices éthiques.
La Chine, elle, adopte une approche centralisée, orchestrée par le Parti communiste. Les champions nationaux (Baidu, Alibaba, Tencent, Huawei, Xiaomi) collaborent étroitement avec l’État, mobilisant des ressources colossales et exploitant des données massives pour rattraper l’Occident. Cette stratégie s’appuie sur une absence de contraintes éthiques, notamment dans la collecte de données, et sur l’utilisation de l’IA pour des objectifs de contrôle social, comme la surveillance de masse.
L’Europe, quant à elle, est dans une position complexe.
En retard sur les investissements et les infrastructures par rapport aux États-Unis et à la Chine, elle cherche à se positionner comme un leader éthique et réglementaire. Avec des initiatives comme l’AI Act, adopté en 2024, l’Union européenne veut imposer des normes mondiales pour une IA « de confiance », centrée sur l’humain. Ce rôle de « norm-setter » est une arme puissante : comme avec le RGPD pour la protection des données, l’Europe peut influencer les pratiques globales. Mais cette stratégie a ses limites.
L’Europe reste dépendante des technologies étrangères, notamment américaines, pour des infrastructures critiques comme le cloud computing. Des entreprises comme EDF ou des systèmes de santé français utilisent encore des services comme Microsoft Azure ou Amazon Web Services, ce qui soulève des inquiétudes sur la souveraineté numérique, notamment en raison du Cloud Act américain, qui permet aux autorités des États-Unis d’accéder aux données hébergées par ces fournisseurs.
La compétition pour l’IA dépasse donc la simple innovation technologique : elle est stratégique. Les États-Unis ont compris que la domination de leurs entreprises technologiques renforce leur puissance nationale, au point d’imposer des restrictions sur l’exportation de semi-conducteurs pour freiner la Chine. Cette dernière, grâce à un accès quasi illimité aux données de ses citoyens et à une présence croissante en Asie et en Afrique, projette son influence via des technologies comme la reconnaissance faciale ou les plateformes de « smart cities ». D’autres acteurs, comme le Japon, la Corée du Sud ou Israël, se positionnent dans des niches spécifiques (robotique, sécurité), tandis que la France et l’Allemagne développent des stratégies nationales, comme le plan France 2030. Selon l’EGE, cette course à l’IA pourrait déterminer le prochain leader économique mondial.
L’Europe reste dépendante des technologies étrangères, notamment américaines, pour des infrastructures critiques comme le cloud computing. Des entreprises comme EDF ou des systèmes de santé français utilisent encore des services comme Microsoft Azure ou Amazon Web Services, ce qui soulève des inquiétudes sur la souveraineté numérique, notamment en raison du Cloud Act américain, qui permet aux autorités des États-Unis d’accéder aux données hébergées par ces fournisseurs.
La compétition pour l’IA dépasse donc la simple innovation technologique : elle est stratégique. Les États-Unis ont compris que la domination de leurs entreprises technologiques renforce leur puissance nationale, au point d’imposer des restrictions sur l’exportation de semi-conducteurs pour freiner la Chine. Cette dernière, grâce à un accès quasi illimité aux données de ses citoyens et à une présence croissante en Asie et en Afrique, projette son influence via des technologies comme la reconnaissance faciale ou les plateformes de « smart cities ». D’autres acteurs, comme le Japon, la Corée du Sud ou Israël, se positionnent dans des niches spécifiques (robotique, sécurité), tandis que la France et l’Allemagne développent des stratégies nationales, comme le plan France 2030. Selon l’EGE, cette course à l’IA pourrait déterminer le prochain leader économique mondial.
Domaine Matériel vs Domaine Immatériel : le cyberspace comme champ de bataille
L’un des apports majeurs de l’EGE est d’avoir théorisé la dualité entre le monde matériel – celui des ressources physiques, des territoires et des infrastructures – et le monde immatériel, celui des données, des algorithmes et des plateformes numériques. Dans ce dernier, les règles de la guerre économique changent. Si, dans le monde matériel, on se bat pour des matières premières ou des routes commerciales, dans l’immatériel, la lutte porte sur le contrôle des flux d’information et des technologies.
L’objectif est d’instaurer des relations de dépendance à long terme. Les grandes entreprises technologiques américaines, par exemple, ont imposé leurs standards mondiaux – cloud, réseaux sociaux, IA – en offrant des services souvent gratuits ou peu coûteux. Ce faisant, elles ont rendu des nations entières dépendantes de leurs infrastructures. Un changement dans les algorithmes de Google ou une interruption des services d’Amazon peut avoir des répercussions économiques immédiates sur des millions d’utilisateurs et d’entreprises. Ce pouvoir, exercé sans violence apparente, est une forme de conquête invisible.
L’objectif est d’instaurer des relations de dépendance à long terme. Les grandes entreprises technologiques américaines, par exemple, ont imposé leurs standards mondiaux – cloud, réseaux sociaux, IA – en offrant des services souvent gratuits ou peu coûteux. Ce faisant, elles ont rendu des nations entières dépendantes de leurs infrastructures. Un changement dans les algorithmes de Google ou une interruption des services d’Amazon peut avoir des répercussions économiques immédiates sur des millions d’utilisateurs et d’entreprises. Ce pouvoir, exercé sans violence apparente, est une forme de conquête invisible.
La dépendance informative est au cœur de cette dynamique.
De nombreux pays, y compris en Europe, s’appuient sur des technologies étrangères pour des fonctions critiques : systèmes d’exploitation, cloud, modèles d’IA. La France et l’UE tentent de répondre par des initiatives comme le « cloud souverain », mais les alternatives locales peinent à rivaliser avec l’efficacité des solutions américaines. Cette dépendance expose à des risques : en cas de tensions géopolitiques, un pays pourrait se voir privé d’accès à des services essentiels, avec des conséquences économiques dramatiques.
Le cyberespace est aussi le théâtre des guerres de l’information. L’IA amplifie ces opérations, notamment via les deepfakes – vidéos ou audios falsifiés – ou les campagnes de désinformation automatisées. Un faux communiqué d’un PDG, créé par IA, peut faire plonger une action en bourse ; des bots peuvent amplifier des messages polarisants, influençant l’opinion publique ou les décisions politiques. Comme le note le ministère français des Armées, l’IA est devenue une arme d’influence et de désinformation dans les champs immatériels. Ces pratiques, qui relèvent de la guerre cognitive, visent à manipuler les perceptions pour affaiblir un concurrent économique ou politique.
Le cyberespace est aussi le théâtre des guerres de l’information. L’IA amplifie ces opérations, notamment via les deepfakes – vidéos ou audios falsifiés – ou les campagnes de désinformation automatisées. Un faux communiqué d’un PDG, créé par IA, peut faire plonger une action en bourse ; des bots peuvent amplifier des messages polarisants, influençant l’opinion publique ou les décisions politiques. Comme le note le ministère français des Armées, l’IA est devenue une arme d’influence et de désinformation dans les champs immatériels. Ces pratiques, qui relèvent de la guerre cognitive, visent à manipuler les perceptions pour affaiblir un concurrent économique ou politique.
Menaces et Opportunités pour l’Intelligence Économique
Opportunités : une révolution analytique
Dans un monde saturé d’informations, l’IA excelle à extraire du sens des masses de données. Les algorithmes de machine learning peuvent analyser en temps réel des flux d’actualités, des brevets ou des données financières, détectant des tendances ou des signaux faibles.
Dans l’Open Source Intelligence (OSINT), l’IA permet d’exploiter des sources ouvertes – réseaux sociaux, rapports publics – pour anticiper les mouvements de concurrents ou les crises de marché. Les fonds d’investissement utilisent déjà l’IA pour prédire les prix des matières premières en croisant données économiques, politiques et climatiques. Ces capacités renforcent la prise de décision stratégique.
Dans l’Open Source Intelligence (OSINT), l’IA permet d’exploiter des sources ouvertes – réseaux sociaux, rapports publics – pour anticiper les mouvements de concurrents ou les crises de marché. Les fonds d’investissement utilisent déjà l’IA pour prédire les prix des matières premières en croisant données économiques, politiques et climatiques. Ces capacités renforcent la prise de décision stratégique.
Menaces : désinformation et dépendance
Mais l’IA est aussi une source de risques. Les deepfakes et les campagnes de désinformation automatisées menacent la stabilité des marchés et des sociétés. Un concurrent pourrait utiliser l’IA pour discréditer une entreprise ou manipuler l’opinion publique. De plus, la dépendance envers des fournisseurs étrangers d’IA expose à des vulnérabilités stratégiques. Si une entreprise ou un État repose sur des modèles d’IA propriétaires, il risque de perdre son autonomie en cas de restrictions d’accès.
Acteurs Publics et Privés : une régulation en jeu
La gouvernance de l’IA oppose deux visions : les modèles propriétaires, dominés par les géants technologiques, et les approches open source, prônées par certains pour démocratiser l’accès à l’IA. Les gouvernements, comme celui de l’UE avec l’AI Act, cherchent à encadrer ces dynamiques, mais peinent à rivaliser avec la puissance des entreprises privées. Les États-Unis et la Chine, chacun à leur manière, intègrent l’IA dans leurs stratégies de puissance, tandis que l’Europe mise sur la régulation pour conserver une influence.
Perspectives : un défi pour l’avenir
L’IA redéfinit l’intelligence économique, offrant des outils inédits tout en créant des dépendances et des menaces nouvelles. Pour les professionnels et les étudiants, l’enjeu est de comprendre ces dynamiques, de cartographier les flux d’information et de développer des stratégies pour préserver la souveraineté numérique. Dans cette ère de guerres immatérielles, la maîtrise de l’IA sera la clé pour naviguer dans un monde où le pouvoir se joue autant dans les algorithmes que dans les territoires.
A propos de l'auteur
Giuseppe Gagliano a fondé en 2011 le réseau international Cestudec (Centre d'études stratégiques Carlo de Cristoforis), basé à Côme (Italie), dans le but d'étudier, dans une perspective réaliste, les dynamiques conflictuelles des relations internationales. Ce réseau met l'accent sur la dimension de l'intelligence et de la géopolitique, en s'inspirant des réflexions de Christian Harbulot, fondateur et directeur de l'École de Guerre Économique (EGE)
Il collabore avec le Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) (Lien),https://cf2r.org/le-cf2r/gouvernance-du-cf2r/ et avec l'Université de Calabre dans le cadre du Master en Intelligence, et avec l'Iassp de Milan (Lien).https://www.iassp.org/team_master/giuseppe-gagliano/
English summary
This text examines the impact of artificial intelligence (AI) on economic intelligence and global geopolitics. It highlights that AI is perceived not only as a technological tool, but also as a strategic weapon in today's economic competition. Guiseppe Gagliano points out that AI is redefining the balance of power, creating new dependencies and new threats, including disinformation and technological dependency.
The global competition for AI supremacy, mainly between the USA and China, is described as a strategic race in which control of digital infrastructures and algorithms is paramount. Europe is trying to position itself as a leader in ethical regulation, although it faces digital sovereignty challenges. Ultimately, the text suggests that mastering AI is essential for the future of economic intelligence in this new era of immaterial wars.
Perspectives: a challenge for the future
The global competition for AI supremacy, mainly between the USA and China, is described as a strategic race in which control of digital infrastructures and algorithms is paramount. Europe is trying to position itself as a leader in ethical regulation, although it faces digital sovereignty challenges. Ultimately, the text suggests that mastering AI is essential for the future of economic intelligence in this new era of immaterial wars.
Perspectives: a challenge for the future
"In a world saturated with information, AI excels at extracting meaning from masses of data. Machine learning algorithms can analyze real-time news feeds, patents or financial data, detecting trends or weak signals. In Open Source Intelligence (OSINT), AI enables the exploitation of open sources – social networks, public reports – to anticipate competitor movements or market crises. Investment funds are already using AI to predict commodity prices by cross-referencing economic, political and climate data. These capabilities strengthen strategic decision-making."