Dès l'introduction, Guillaume Huret a souligné que le XXIe siècle est une crise à lui tout seul, englobant des crises sociales, économiques et surtout politiques. Il a mis en lumière la façon dont les organisations et les entreprises doivent s'adapter à de nouveaux environnements, en particulier face aux technologies récentes telles que l'intelligence artificielle et les réseaux sociaux. C’est dans ce contexte troublé que l'intelligence économique (IE), associée à la protection des données, intervient.
Pour éclairer ces mécanismes complexes, l'événement a eu l'honneur de recevoir trois intervenants de renom, présentés par Marie-Astrid, afin qu’ils partagent leur perception et leur utilisation de l'IE et l'influence des crises géopolitiques sur leur travail. Les experts étaient Charles Salvaudon, économiste et maître de conférence, Romain Artiguebère, collaborateur parlementaire de la présidente de la commission de finance du Sénat, et Luc Josse, professeur à l’IGS et chef d'entreprise d'une multinationale.
Pour éclairer ces mécanismes complexes, l'événement a eu l'honneur de recevoir trois intervenants de renom, présentés par Marie-Astrid, afin qu’ils partagent leur perception et leur utilisation de l'IE et l'influence des crises géopolitiques sur leur travail. Les experts étaient Charles Salvaudon, économiste et maître de conférence, Romain Artiguebère, collaborateur parlementaire de la présidente de la commission de finance du Sénat, et Luc Josse, professeur à l’IGS et chef d'entreprise d'une multinationale.
L’Intelligence Économique : système nerveux et boussole Stratégique de Charles Salvaudon
Charles Salvaudon a défini l'IE comme une arme redoutable et, plus encore, comme une boussole stratégique pour le monde de l'entreprise. Dans un monde géopolitiquement fragmenté, compliqué par la data, l'IA et les tensions internationales (Chine, États-Unis, Sud global), l'IE est le système nerveux d'un État ou d'une entreprise.
Sa vision repose sur trois phases temporelles distinctes de la gestion de crise :
Avant la crise : l'outil d'alerte, l'objectif fondamental de l'IE est d’anticiper les crises. Avant une crise, l'IE repose sur quatre fonctions majeures:
Sa vision repose sur trois phases temporelles distinctes de la gestion de crise :
Avant la crise : l'outil d'alerte, l'objectif fondamental de l'IE est d’anticiper les crises. Avant une crise, l'IE repose sur quatre fonctions majeures:
- La veille stratégique : Capter, trier et interpréter les signaux faibles, même contradictoires.
- La prévision : Repérer les anomalies, car les crises (sanitaires, énergétiques, géopolitiques) émettent toujours des signaux faibles avant de basculer.
- La cartographie de risque : Construite grâce à l'analyse de la donnée (la « nourriture » de l'IE), aux réseaux d'experts et à la diplomatie économique. Ces cartographies servent de radar stratégique pour détecter les crises à venir.
- L'anticipation collaborative : Former le personnel, même en première ligne, à détecter les signaux faibles et à développer une culture collective d’anticipation.
Pendant la crise : l'outil de résilience Durant une crise (comme le Covid-19 ou la crise énergétique), l'IE change de nature, devenant un outil de résilience. L'information devient une arme permettant de sauver ou de détruire une réputation ou un marché, c'est la « guerre de l'information ». La cellule de crise est essentielle, gérée par des experts capables d’identifier les sources, hiérarchiser les actions et fournir une vision actualisée des risques (internes et externes/géopolitiques). L'IE assure également la continuité des activités, agissant comme une fonction d'ingénierie de la résilience.
Après la crise : Le levier d'influence et de reconstruction L'étape la plus fondamentale après une crise est le Retour d'Expérience (RETEX), qui permet de construire une mémoire stratégique collective. Sans ce travail d'analyse, l'organisation est « condamnée à revivre les mêmes erreurs ». La reconstruction post-crise vise à identifier les secteurs stratégiques à relocaliser, favoriser les alliances industrielles régionales, et investir dans les technologies de souveraineté (énergie, numérique, défense). L’IE est l’art de « voir clair quand tout devient flou » et de transformer la vulnérabilité en stratégie.
L’Intelligence Économique : un retour à la realpolitik par Romain Artiguebère
Romain Artiguebère a abordé l'IE sous un angle politique et historique, affirmant que l’IE nécessite clairvoyance, anticipation, realpolitik et flexibilité. Selon lui, la France ne fait plus d'IE, ou du moins, elle a perdu cette capacité qui s’appelait autrefois le Gaullisme. Le Général de Gaulle avait pour souci premier de défendre les intérêts de la France, quitte à varier les partenaires, sans s'enfermer dans une vision idéologique du marché.
Il a illustré la perte d'IE française via trois actualités récentes:
Il a illustré la perte d'IE française via trois actualités récentes:
- Les pressions allemandes sur Dassault concernant le programme d’avion du futur SCALP, montrant que les voisins ne sont pas toujours des amis industriels.
- La Commission européenne ayant largement privilégié des objectifs réglementaires ou idéologiques (comme la suppression du moteur thermique en 2035) au détriment des objectifs stratégiques, sabordant l'industrie européenne au profit de la Chine.
- L’Allemagne créant un tarif électrique subventionné pour ses industries électro-intensives, défendant ainsi ses intérêts nationaux.
Il a déploré que la France se soit laissée « embobiner » dans des mythes post-Guerre Froide, comme le couple franco-allemand (qui n’existe pas en Allemagne) et une défense européenne inefficace (illustrée par l’affaire des hélicoptères Caracals en Pologne ou des sous-marins australiens). Le manque d'IE se manifeste aussi par des pertes de souveraineté flagrantes, citant l’affaire Alstom vendue à General Electric sous la pression de l’extra-territorialité du droit américain, et l'attribution de la Plateforme des Données de Santé (Health Data Plateforme) à Microsoft Azure, préférant la rapidité à une solution nationale (OVH).
Ce manque de temps long est fatal.
Pour qu’une diplomatie soit efficace, il faut du temps, à l’image d’un ministre des Affaires étrangères russe en poste depuis 20 ans.
Malgré ce constat, il voit des motifs d’espoir émanant des entreprises et des industriels. Les auditions parlementaires de dirigeants (comme Éric Trappier sur le SCAF ou Henri Problot sur l'ARENH) permettent de secouer les élus face à l'idéologie et de remettre le pragmatisme au centre des débats.
L’Intelligence Économique : Guerre et Pragmatisme par Luc Josse
Luc Josse a partagé une vision très pragmatique et concrète, déclarant que l’ère de la globalisation (1945-aujourd’hui) est terminée. Nous sommes en guerre économique, sans loi régissant le commerce mondial.
Il a insisté sur la différence fondamentale entre les entreprises et les États : les entreprises ont l’obligation de faire des profits sous peine de faillite, ce qui n’est pas le cas des États, qui peuvent combler leurs déficits par l’emprunt et les impôts.
Le capitalisme dominant est aujourd’hui anglo-saxon, caractérisé par le profit et le lobbing. Il a souligné que les États-Unis attirent les meilleurs talents et que les nations agissent en permanence en fonction de leurs intérêts stratégiques.
Luc Josse considère que l'Europe possède des valeurs (RSE, RGPD, transparence) qui sont des cartes à jouer dans la guerre économique. Cependant, ces valeurs doivent être portées fermement. L'Europe, étant le plus gros consommateur mondial, a le pouvoir d'imposer ses règles (comme les normes HSE imposées par Total ou Shell à leurs sous-traitants).
Selon lui, la gouvernance est le facteur déterminant de la résilience. Les entreprises ont besoin de stabilité politique et de vision pour s'installer. Il a réaffirmé la nécessité pour l’Europe de retrouver une stratégie claire et de ne pas reproduire les erreurs passées. Il a plaidé pour que les États investissent dans des domaines où l’investissement privé est trop risqué, notamment l’innovation et l’éducation, pour permettre à l’Europe de produire mieux que les autres.
Il a insisté sur la différence fondamentale entre les entreprises et les États : les entreprises ont l’obligation de faire des profits sous peine de faillite, ce qui n’est pas le cas des États, qui peuvent combler leurs déficits par l’emprunt et les impôts.
Le capitalisme dominant est aujourd’hui anglo-saxon, caractérisé par le profit et le lobbing. Il a souligné que les États-Unis attirent les meilleurs talents et que les nations agissent en permanence en fonction de leurs intérêts stratégiques.
Luc Josse considère que l'Europe possède des valeurs (RSE, RGPD, transparence) qui sont des cartes à jouer dans la guerre économique. Cependant, ces valeurs doivent être portées fermement. L'Europe, étant le plus gros consommateur mondial, a le pouvoir d'imposer ses règles (comme les normes HSE imposées par Total ou Shell à leurs sous-traitants).
Selon lui, la gouvernance est le facteur déterminant de la résilience. Les entreprises ont besoin de stabilité politique et de vision pour s'installer. Il a réaffirmé la nécessité pour l’Europe de retrouver une stratégie claire et de ne pas reproduire les erreurs passées. Il a plaidé pour que les États investissent dans des domaines où l’investissement privé est trop risqué, notamment l’innovation et l’éducation, pour permettre à l’Europe de produire mieux que les autres.
La nécessité d’une vision face à l’idéologie
Les trois experts convergent sur le diagnostic fondamental d’une crise globale — sociale, économique et surtout politique — qui rend l’Intelligence Économique (IE) vitale dans un monde géopolitiquement fragmenté. Ils s’accordent pour déplorer la prévalence de l’idéologie sur le pragmatisme et l'absence d'une vision claire, citant la perte de souveraineté énergétique comme une "grande aberration" résultant d'un manque de bon sens.
Luc Josse, quant à lui, met en évidence la divergence entre les États et les entreprises, ces dernières ayant l'obligation de "faire des profits". Il insiste sur le fait que "la globalisation... c'est fini" et que l'Europe est en "guerre économique", nécessitant une "gouvernance" stable et l'utilisation de ses "valeurs" (RSE, RGPD) pour imposer ses règles en tant que plus gros consommateur mondial.
De son côté, Romain Artiguebere adopte un angle historique et politique : il critique le fait que la France "ne fait plus d'intelligence économique" car elle a perdu la "réal politique" et le sens du "temps long" qui caractérisaient le Gaullisme. Les trois intervenants s'entendent ainsi sur l'urgence de revenir à une stratégie nationale et continentale cohérente, indépendante des mythes et fondée sur le pragmatisme économique et scientifique, notamment en investissant dans l'innovation et l'éducation.
Luc Josse, quant à lui, met en évidence la divergence entre les États et les entreprises, ces dernières ayant l'obligation de "faire des profits". Il insiste sur le fait que "la globalisation... c'est fini" et que l'Europe est en "guerre économique", nécessitant une "gouvernance" stable et l'utilisation de ses "valeurs" (RSE, RGPD) pour imposer ses règles en tant que plus gros consommateur mondial.
De son côté, Romain Artiguebere adopte un angle historique et politique : il critique le fait que la France "ne fait plus d'intelligence économique" car elle a perdu la "réal politique" et le sens du "temps long" qui caractérisaient le Gaullisme. Les trois intervenants s'entendent ainsi sur l'urgence de revenir à une stratégie nationale et continentale cohérente, indépendante des mythes et fondée sur le pragmatisme économique et scientifique, notamment en investissant dans l'innovation et l'éducation.
Guillaume Huret – Les conférences Bernanos
Les Conférences Bernanos (ICP) constituent une association d’élèves de l’Institut catholique de Paris, ayant pour objectif la promotion et la diffusion auprès des étudiants, les grands enjeux contemporains. Nous proposons aux étudiants de l’ICP, des conférences animés par des experts, dans divers domaines et de parcours divers, militaires, parlementaires, et personnalités issues de la société civile ayant une expérience dans un domaine de compétence. Notre démarche est articulée à la fois autour d’une transmission de savoir auprès du public, à la fois favorisé les échanges entre les générations et enfin la synergie entre les mondes étudiants et le monde professionnel.
Nous avons la conviction que la complémentarité des générations, des points de vue ainsi que des expériences. Notre but est aussi de créer une communauté dans et hors les murs de l’ICP, afin de valoriser les échanges et la compréhension, au profit des étudiants en les aidant avec des rencontres, mais aussi de montrer au monde professionnel le dynamisme des étudiants.

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