STRATEGIES

La Chine et la Russie : une alliance énergétique et financière qui redessine l'équilibre mondial.

Tribune libre Par Giuseppe Gagliano, Cestudec


Jacqueline Sala
Vendredi 12 Septembre 2025




Pékin ouvre ses marchés à Moscou.

La Chine et la Russie : une alliance énergétique et financière qui redessine l'équilibre mondial.

La décision de la Chine d'ouvrir son marché obligataire domestique aux géants russes de l'énergie est plus qu'un simple geste financier : c'est un acte politique.

Dans un contexte où les sanctions occidentales coupent la Russie de la plupart des marchés internationaux depuis 2022, Pékin envoie un message clair : l'isolement voulu par Washington et Bruxelles ne sera pas total. Les « obligations panda », émises en renminbi, offrent à Gazprom et Rusal un accès direct à des capitaux chinois tout en renforçant l'usage de la monnaie de Pékin dans les échanges internationaux.

La symbolique de la « triple A »

L'attribution par l'agence de notation CSCI Pengyuan de la note maximale à Gazprom n'est pas qu'une évaluation technique. Elle signifie que, pour Pékin, le géant gazier russe reste un acteur stratégique de premier plan, malgré les sanctions et la baisse des exportations.

Cette décision intervient quelques jours seulement après l'annonce de l'accord sur le gazoduc Power of Siberia 2, destiné à fournir jusqu'à 50 milliards de mètres cubes de gaz par an à la Chine via la Mongolie.
Pékin et Moscou transforment ainsi leur partenariat en pilier de la sécurité énergétique eurasiatique.

Conséquences économiques et monétaires

 
Pour l'économie russe, l'accès au marché obligataire chinois représente une bouée d'oxygène.
L'utilisation croissante du renminbi permet de contourner le système financier dominé par le dollar et l'euro, et de réduire la vulnérabilité de Moscou aux sanctions.
Pour Pékin, c'est l'occasion d'internationaliser sa monnaie et de consolider son rôle de place financière alternative à New York et Londres.
L'opération reste toutefois prudente : seuls deux ou trois grands groupes russes devraient émettre ces obligations dans un premier temps, afin de mesurer les risques de représailles occidentales.

Lecture géopolitique

Cette coopération sino-russe confirme l'émergence d'un axe eurasiatique qui remet en question l'ordre international dominé par l'Occident.
Après le rapprochement stratégique acté dans les enceintes comme l'Organisation de coopération de Shanghai, l'alliance énergétique devient l'un des leviers principaux de la projection de puissance. Les États-Unis et l'Union européenne, focalisés sur le conflit en Ukraine, voient se constituer un bloc résilient qui combine ressources énergétiques, capital financier et ambition géopolitique.

Risques et opportunités

 
 
La convergence entre Pékin et Moscou n'est pas sans risques.
Les banques chinoises ont longtemps craint les sanctions secondaires, et la dépendance excessive au gaz russe pourrait devenir un problème pour la Chine si les tensions s'aggravent. Mais pour les deux capitales, les bénéfices l'emportent : Moscou sécurise ses recettes et contourne l'isolement, Pékin garantit un approvisionnement à long terme pour soutenir son industrie et stabiliser ses prix.

Une pièce majeure sur l'échiquier mondial

Ce rapprochement énergétique et financier dépasse la simple logique bilatérale : il s'inscrit dans une recomposition globale où les BRICS cherchent à bâtir un système moins dépendant de l'Occident.
L'ouverture du marché obligataire chinois aux groupes russes et l'attribution de la triple A à Gazprom envoient un signal aux autres puissances émergentes : il existe désormais un espace alternatif pour financer le développement et assurer la sécurité énergétique hors des canaux dominés par Washington.

Sources

Reuters – "Chinese agency assigns AAA rating to Russian oil major Gazprom"
 
Financial Times – "China paves way for renminbi fundraising by Russian energy giants"

A propos de l'auteur

Giuseppe Gagliano a fondé en 2011 le réseau international Cestudec (Centre d'études stratégiques Carlo de Cristoforis), basé à Côme (Italie), dans le but d'étudier, dans une perspective réaliste, les dynamiques conflictuelles des relations internationales. Ce réseau met l'accent sur la dimension de l'intelligence et de la géopolitique, en s'inspirant des réflexions de Christian Harbulot, fondateur et directeur de l'École de Guerre Économique (EGE).
Il collabore avec le Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) (Lien),https://cf2r.org/le-cf2r/gouvernance-du-cf2r/ et avec l'Université de Calabre dans le cadre du Master en Intelligence, et avec l'Iassp de Milan (Lien).https://www.iassp.org/team_master/giuseppe-gagliano/
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