STRATEGIES

La France face à la guerre hybride de Moscou : une stratégie de déstabilisation globale

Par Giuseppe Gagliano, Cestudec


Jacqueline Sala
Samedi 12 Juillet 2025


Le 11 juillet, le général Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées françaises, a sonné l'alarme au sujet des nouvelles menaces pesant sur la sécurité nationale. Lors d'une conférence de presse, il a exposé avec précision la nature des agressions russes qui visent non seulement la France, mais également l'ensemble du continent européen.




La Russie : une puissance omniprésente

Selon le général Thierry Burkhard la Russie, bien que contenue par la dissuasion nucléaire française, déploie un arsenal d'actions hybrides qui lui permettent d'affaiblir ses adversaires sans franchir la ligne rouge d'un conflit armé conventionnel. Sabotages d'infrastructures critiques, cyberattaques sophistiquées, campagnes de désinformation, espionnage industriel et militaire : Moscou multiplie les outils d'influence.

Dans l'espace, des satellites russes effectuent des manœuvres suspectes en s'approchant de leurs homologues français et européens. Ces gestes sont interprétés comme des tentatives d'espionnage, de brouillage ou de tests de capacités offensives dans un domaine stratégique devenu central.


Une pression accrue dans les espaces maritimes et aériens

La dimension maritime illustre également cette rivalité. Des sous-marins nucléaires d'attaque russes s'aventurent régulièrement dans l'Atlantique Nord et descendent parfois jusqu'en Méditerranée. Leur objectif ? Surveiller discrètement les zones jugées stratégiques pour la France et le Royaume-Uni.

Dans les airs, les interactions entre aéronefs français et russes sont de plus en plus fréquentes. Ces frictions se produisent non seulement au-dessus de la mer Noire ou de la Syrie, mais également dans des espaces où l'on n'attendrait pas forcément l'aviation militaire russe, comme l'Atlantique Nord. Cette présence traduit une volonté d'afficher une capacité de projection mondiale et de tester les réactions des forces occidentales.


L'Afrique : redéfinir la présence française

En Afrique, la stratégie française est entrée dans une phase de réajustement profond. Après la fermeture progressive de plusieurs bases militaires, la France souhaite désormais établir des partenariats plus équilibrés avec ses anciens alliés. Le général Burkhard reconnaît que la présence permanente des troupes françaises avait fini par susciter des tensions insupportables dans plusieurs pays.

Ce retrait progressif ne signifie pas un désengagement. Bien au contraire, il s'agit de repenser la relation avec les nations africaines, dans un contexte où la Russie et d'autres puissances, comme la Chine, intensifient leurs efforts pour y étendre leur influence. L'objectif affiché par Paris est d'arriver à un modèle de coopération basé sur le respect mutuel et les besoins spécifiques des pays partenaires.


Une guerre silencieuse et multidimensionnelle

La France n'est pas directement menacée par une invasion ou une attaque massive, mais la réalité de la guerre hybride impose une vigilance accrue. Moscou a compris qu'il est plus efficace d'éroder la confiance des sociétés européennes, de manipuler les débats publics et de tester la résilience des systèmes démocratiques que d'opter pour une confrontation frontale.

Les cyberattaques récurrentes, les campagnes de désinformation qui divisent l'opinion publique et les tentatives d'espionnage illustrent bien cette stratégie insidieuse. À cela s'ajoutent des incidents ponctuels dans le domaine spatial et maritime qui, mis bout à bout, traduisent une véritable doctrine d'harcèlement global.


Les défis à venir

La France est confrontée à une équation complexe.

Pour assurer sa souveraineté, il est indispensable pour la France de protéger l’intégralité du territoire ainsi que ses infrastructures stratégiques, tout en maintenant une dissuasion crédible, qu’elle soit nucléaire ou conventionnelle.

Parallèlement, il convient de repenser nos alliances, notamment en Afrique, afin de ne pas laisser nos concurrents gagner du terrain. Enfin, il est plus que jamais nécessaire de préserver l’intégrité de notre espace informationnel face aux tentatives de manipulation étrangères.

L'avenir impose à la France de conjuguer puissance militaire et diplomatie agile, afin de rester un acteur qui compte dans un monde où la frontière entre guerre et paix est de plus en plus floue.

Source : France24

 

A propos de l'auteur

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Giuseppe Gagliano a fondé en 2011 le réseau international Cestudec (Centre d'études stratégiques Carlo de Cristoforis), basé à Côme (Italie), dans le but d'étudier, dans une perspective réaliste, les dynamiques conflictuelles des relations internationales. Ce réseau met l'accent sur la dimension de l'intelligence et de la géopolitique, en s'inspirant des réflexions de Christian Harbulot, fondateur et directeur de l'École de Guerre Économique (EGE).
Il collabore avec le Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) (Lien),https://cf2r.org/le-cf2r/gouvernance-du-cf2r/ et avec l'Université de Calabre dans le cadre du Master en Intelligence, et avec l'Iassp de Milan (Lien).https://www.iassp.org/team_master/giuseppe-gagliano/
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