Communication & Influence

La caricature 2.0 Par Les élèves de 1ère STAV du Lycée Vert d’Azur et Inès Ramozzi

I don’t wanna be french, comment une « trend » vire au pugilat


Jacqueline Sala
Lundi 22 Septembre 2025


Accompagnés par leur enseignante d’éducation socio-culturelle, les élèves de première STAV de la promotion 2024-2025 du lycée horticole d’Antibes, ont mené une initiation aux médias pendant un an. Ils ont produit cet article en analysant les principes de la caricature à l’ère du numérique.



La liberté de la presse en France est un sujet qui fait débat depuis la nuit des temps, bien que le roi Charles X rétablisse pleinement ce droit en 1824. Depuis, les journaux usent et abusent de la caricature qui devient au fil des siècles un véritable moyen de dénoncer le pouvoir, les institutions ainsi que nos représentants. Devenue une tradition profondément ancrée dans notre culture, elle caractérise l’esprit critique typiquement français, parfois acerbe, souvent polémique, mais toujours défendu au nom de la liberté d’opinion.

Alors que l’hexagone incarne à lui seul l’art de la désapprobation, il s’avère qu'il en a été lui-même la victime au printemps dernier. En effet, c’est par une vidéo Tiktok datant de mars 2023, nommée “I dont Wanna be French”, devenue virale par la suite, que la France a été pointée du doigt. Cette nouvelle tendance est inspirée de la chanson de Lady Gaga sortie en 2013, “Bad romance”, dont le refrain si caractéristique “I don’t wanna be friends” joue les troubles fêtes, alors même que l’amitié franco-américaine est des plus tendues .

Ainsi, les internautes ont utilisé, d’une part, une musique remixée avec une phrase choc et provocatrice : "I don't wanna be French" et d’autre part, tout en se servant de stéréotypes très connotés, ces derniers se sont moqués ouvertement des Français. Pour certains, il s’agissait d’un humour léger et essentiellement d’une satire culturelle tandis que pour d’autres, ce message est devenu au fil des semaines plus agressif prenant la forme de remarques pleines de frustrations et de jalousies, ce qui a obligé certaines personnalités politiques françaises à réagir.  
Dès lors, en quoi ce phénomène impacte-t-il l’image de la France ?
 

Ce que les Américains dénoncent

L’engouement Tiktok « I Don’t Wanna be French » a débuté comme un clin d'œil humoristique des influenceurs américains à l’égard des Français. Or, comme toute nouvelle mode, la plateforme TikTok a rapidement été dépassée : le ton désapprobateur prenant de plus en plus de place. Résultat, ces vidéos se sont transformées en un véritable pugilat médiatique anti-français, pour ridiculiser certains aspects de la culture française, souvent perçus comme négatifs ou irritants de la part de nos voisins.
Ces dernières incluent des clichés culturels comme les grèves, qui semblent paraître bien anecdotiques pour nos confrères américains. Pour rappel, le droit de grève est issu de la révolte des canuts lyonnais, ouvriers de la soie qui, en 1831, décident de se mettre en grève en scandant : "Vivre libres en travaillant ou mourir en combattant" contre les prix imposés jugés insuffisants pour en vivre correctement. Depuis, c’est un droit inscrit dans la constitution protégeant chaque salarié du pays.

Pour autant, ce n’est pas la première fois que la France fait l’objet de regards taquins puisque des stéréotypes tournés en dérision ont été mis en valeur par une série issue de la plateforme Netflix: « Emily in Paris ». En utilisant l’hexagone comme décor, les réalisateurs profitent de cette vitrine pour y glisser des réflexions comiques et humoristiques.
Toutefois, le ton est bien différent sur Tiktok, car en mêlant un côté agressif, ces banalités y sont présentées de manière dévalorisante. On retrouve d’autres attaques sur le caractère des Français : l’arrogance par exemple, la nourriture comme avec la baguette de pain (symbole d’identification pourtant chaleureux en temps normal) ou encore le fromage et certaines habitudes de vie. Cet effet de mode viral, permet à des images qui ne sont pas simplement utilisées pour faire rire de servir au discrédit et à la critique.

Quelle mouche a donc piqué les Américains ? A y regarder de plus près, ces moqueries bien basses, ne sont pas anodines. Par exemple, le système de santé français accompagne bien mieux nos citoyens que celui de nos voisins, notamment grâce au remboursement total ou partiel de certains soins, ce qui n’est pas le cas aux États-Unis. Il y a donc aussi une forme de jalousie liée à leur propre système. Par cet engouement, les influenceurs dénigrent ce qu'ils n’ont pas, contrairement aux Français qui sont valorisés pour leur gastronomie (blanquette de veau, croque-monsieur), leur style (vestimentaire, très chic), leur littérature (Victor Hugo, Molière), ce qui met dans l'ombre les autres pays. Car oui, la face cachée de tout ceci est que cela a permis à de nombreux Tiktokeurs de valoriser leur pays, par des produits typiques ou en mettant clairement en avant leur nationalité grâce à la dévalorisation des Français.
 

Riposte de la population française

En réponse à cette vague de moquerie, les Français ont réagi de façon humoristique en reprenant la tendance et ont en même créé une nouvelle: « I Wanna be French ».
Dans ces vidéos, ils essayent de valoriser la France en montrant tous les aspects positifs de celle-ci. Finalement, ce bad buzz nous a-t-il permis de réaffirmer notre soft power ? Même l’armée française s'est emparée du phénomène Tiktok, afin de valoriser le pays tout en promouvant le recrutement : une forme de nouvelle publicité accessible aux jeunes ?

De plus, de nombreux influenceurs français ont voulu voler à la rescousse de notre dignité, en mettant en avant leur carte vitale, et donc les soins gratuits ou remboursés. Certains hommes politiques comme le Président du Rassemblement National, Jordan Bardella, ont réagi à ce phénomène viral en faisant un Tiktok qui a cumulé 2,6 M de vues. Selon ce dernier, la culture française est enviable et l'identité nationale peut être une source de fierté. Cette approche lui permet également de se positionner comme un homme moderne et connecté, et d’appuyer son discours nationaliste aux yeux des jeunes Français.

Une forme de manipulation politique ? Ces différentes réponses montrent que malgré tout, le moral des Français n’a pas été miné et que la meilleure réponse face à l’attaque est bien l’humour. Sans aucun doute, cela traduit une forme de maturité culturelle (peut-être moins d’orgueil que ce qui leur est reproché), et une forme d’intelligence globale face au reproche pour le moins bas d’esprit. Dès lors, on peut rire de soi, mais aussi revendiquer ses qualités. Certains utilisateurs utilisent cette occasion pour valoriser la culture française. Il est bien rare que les Français soient fiers de leur nationalité et pourtant, grâce à cette expérience, malheureuse au départ, cela a permis de remettre en avant la nationalité en exposant la fierté d'être Français. "So, do you wanna be french ?"
 

Une prise de position qui soulève des questions

Néanmoins, derrière l’attaque des Tiktokeurs et la défense des Français, la prise en main du sujet sur les réseaux sociaux, par des influenceurs déjà très souvent mis à mal, soulève une problématique : celle de la course au nombre de vues et aux likes. La réaction n'est donc plus simplement un moyen de dénoncer des faits ou de redorer l’image de l’un, ni de présenter sa fierté, mais effectivement, il se pourrait qu'une autre face cachée émerge: l’obtention soit d’un aspect financier, soit d’un aspect social au travers d’un post. En d’autres termes, cela revient à dire que la promotion ou l’augmentation de la popularité sur les réseaux est au centre de toute action.

La règle est simple : Sur Tiktok, une vidéo durant plus d'une minute, qui génère un certain nombre de vues, permet de gagner de l'argent. Alors, appartenir au mouvement d’une tendance permet d'avoir plus de visibilité, mais aussi de gagner de l'argent. Il est donc légitime de se demander si tous ces Tiktokeurs sont vraiment animés par une haine ou une fierté nationale, ou simplement par l'envie de « faire le buzz ».

Ce n'est pas forcément mal : les réseaux sont un lieu d'expression. Mais cela pose la question de la sincérité du propos. De plus, ce phénomène soulève un autre problème : la simplification des échanges sur les réseaux. A cause d’une vidéo, on réduit, en quelques secondes, des pays qui ont une importance sur la scène internationale, à une baguette, à de l’arrogance ou à de la gastronomie. Certes, le soft power français existe en grande partie sur ces éléments, néanmoins, cela renforce des poncifs liés purement et simplement à des biais culturels. Ainsi, même des aspects qui sembleraient, à première vue, positifs, peuvent se transformer en une incitation à la haine de l’étranger. Finalement, attaquer ou défendre une identité en ligne devient plus stratégique que sincère, et cela nous oblige à nous interroger sur les raisons qui poussent à agir et sur leur but véritable.
 
Pour conclure, nous avons souhaité par cet article répondre de manière différente à la trend “I Don’t Wanna be French”, qui ébranle et questionne l’identité française. La réaction de certains influenceurs français soulève des interrogations. De nombreux expatriés ont pris la défense de l’image de la France sans nécessairement y vivre. Alors pourquoi prendre part à un conflit sans en être véritablement concerné ? Certains tirent profit de cette polémique virale sans pour autant mettre en avant la richesse de la France et de sa culture.

Nous, lycéens, avons décidé de nous emparer de ce sujet et d’y apporter notre voix : la culture française est vaste, précieuse et a encore beaucoup à offrir au monde. Chaque année, le musée du Louvre accueille des millions de visiteurs, il comptabilise 9 millions d’entrées. Ce chiffre n’est pas anecdotique. Des visiteurs du monde entier viennent pour admirer la plus célèbre œuvre célébrant le patrimoine culturel mondial. Oui, la culture française inspire encore écrivains, chercheurs, penseurs, et fait rayonner l’esprit si caractéristique des lumières.
En revanche, certains influenceurs la moquent, l’ignorent par effet de survie. Il est temps de se réveiller et de rappeler à chacun que la culture nous appartient, que chaque pays a son héritage et que toutes les traditions ont leur importance. Elles méritent d’être respectées, d'être enseignées, car chacune a quelque chose à offrir au monde. Alors, réaffirmons qu’être français, c’est savoir, comprendre et transmettre. La culture nous élève, mais que faisons-nous, nous, pour préserver ce savoir ?
 

A propos du baccalauréat STAV - Sciences et Technologie de l’Agronomie et du Vivant

Le baccalauréat STAV est tourné sur les sciences et technologies de l'agronomie et du vivant. Il attire les jeunes souhaitant évoluer/s'impliquer pour des causes dans le monde agricole mais aussi l'environnement, l'agroalimentaire ou encore l'écologie. 

A propos d'Inès Ramozzi

De la géopolitique de la connaissance à l'avènement de ChatGPT : l’IA un nouvel enseignant 3.0 ? Témoignage d'Inès Ramozzi
Inès Ramozzi est une analyste géopolitique spécialisée en défense et sécurité. Elle travaille notamment avec l'**Initiative pour la Paix et la Sécurité en Afrique (IPSA)**, où elle étudie des questions liées à l'extrémisme violent et aux conflits en Afrique. Elle a également écrit sur des sujets comme l'impact des médecines traditionnelles à Madagascar et leur rôle dans la société.

Côté formation, elle a suivi un **Master 2 en Histoire, parcours Défense et Sécurité** à l'Université Paul Valéry à Montpellier, avec une spécialisation en géopolitique des armées et du renseignement militaire. Son objectif est d'apporter une meilleure compréhension des enjeux stratégiques pour éclairer la décision publique et politique.

Si tu veux en savoir plus sur ses travaux, tu peux consulter ses publications sur des plateformes comme IPSA Afrique et InterGlobe Conseils. 😊