Communication & Influence

La dette informationnelle : gérer un capital invisible

Tribune Libre par Michaël Réault, Sindup


Jacqueline Sala
Samedi 27 Septembre 2025


Nous vivons à crédit. Non pas seulement sur le plan financier, mais aussi sur le terrain de la connaissance. Chaque jour, nous contractons — souvent à notre insu — ce que l’on pourrait appeler une dette informationnelle.
Car l’information est rarement neutre : elle est soumise à des récits, des campagnes de propagande, des biais idéologiques, des croyances et des tendances passagères. Face à ce brouillard, deux options s’offrent à nous : investir du temps pour comprendre, analyser, recouper… ou laisser filer, reporter, remettre à plus tard en se contentant du buzz et du flot d’informations subit. C’est à ce moment précis que la dette naît.



La dette informationnelle : gérer un capital invisible

Quand le manque d’information coûte cher

Tout comme une dette financière grève nos choix de vie, une dette informationnelle fragilise nos décisions. Chaque ignorance accumulée devient une faiblesse exploitable. Plus la dette s’accroît, plus les intérêts se font sentir : nous devenons plus vulnérables aux récits, aux manipulations émotionnelles ou aux certitudes confortables mais trompeuses.

Le surendettement informationnel survient lorsque nous avons trop tardé. Nous nous retrouvons alors piégés dans un labyrinthe de croyances, de récits, de polarisations, de mémoires partielles ou falsifiées. Pour revenir au plus proche du réel, il faut parfois tout reprendre depuis le début, déconstruire ce qui a été assimilé de travers, retrouver des pièces de puzzle manquantes. Mais plus le temps passe, plus l’effort devient titanesque et l’envie de s’y atteler risque de s’éloigner. En effet des mécanismes inconscients s’activent pour éviter le désagrément de la dissonance cognitive : biais d’engagement, biais de confirmation, déni…

Épargner pour l’avenir

Heureusement, l’information n’est pas seulement dette : elle peut être capital. Si l’on peut s’endetter, on peut aussi épargner. L’épargne informationnelle consiste à cultiver une veille proactive, à se pencher dès aujourd’hui sur des sujets que l’on pressent décisifs pour demain. C’est un pari sur l’avenir, une manière d’anticiper plutôt que de subir.

Encore faut-il aller au bout de la démarche en transformant l’information en connaissance par un effort d’analyse et de recoupement. Sinon, l’information, comme la liquidité d’un compte courant soumis à l’inflation, perd de sa valeur avec le temps… Si l’épargne liquide doit être placée pour construire un capital, l’information quant à elle doit être digérée et intégrée afin de capitaliser des connaissances durables.
 

Vers un budget informationnel raisonné

Apprendre à gérer son budget informationnel devient un soft skill important. Dans un monde saturé d’informations, le temps est précieux. L’enjeu est donc d’optimiser ce temps, de distinguer le flux distrayant de la ressource précieuse.

Tout commence par un bilan : quels sont nos véritables centres d’intérêt ? Quels sont les critères d’une pépite informationnelle sur chacun de ces sujets ? À quoi ressemble une information réellement utile, structurante, qui éclaire nos décisions plutôt que de nous divertir ?
 

De la survie cognitive à la responsabilité collective

Reconnaître la dette informationnelle, c’est admettre que l’ignorance a un coût. Mais c’est aussi redonner toute sa valeur à l’effort d’enquête, à la curiosité patiente, à l’esprit critique.

Si nous acceptons cette métaphore économique, alors nous devons la prolonger en acte : investir dans notre autonomie cognitive, épargner pour l’avenir, apprendre à gérer nos ressources attentionnelles. Car dans une société où l’information est le carburant de toute décision, bien gérer son budget informationnel devient un impératif démocratique.
 

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Mickaël Réault, fondateur et CEO de Sindup, a lancé la plateforme il y a 2O ans après cinq ans de recherche. Elle analyse plus de 50 millions de sources pour aider les organisations à suivre les tendances.
Il a un réseau de partenaires pluridisciplinaires dans l'intelligence économique, la veille, l'innovation et la formation. Sindup propose des services de conseil et d'accompagnement pour structurer la veille des entreprises. Mickaël Réault s'engage également dans le développement durable et des événements économiques.