
Soft power et stratégie idéologique
Dans un contexte international de plus en plus compétitif, le Parti communiste chinois (PCC) renforce son soft power par des canaux moins visibles que la diplomatie officielle. L'envoi d'une délégation de l'École du Parti de Shanghai en France et en Espagne illustre cette « diplomatie parallèle ». Officiellement, ces visites sont présentées comme des échanges académiques et professionnels.
En réalité, elles visent à créer des réseaux d'influence au sein des élites administratives européennes tout en contournant les canaux diplomatiques traditionnels.
En réalité, elles visent à créer des réseaux d'influence au sein des élites administratives européennes tout en contournant les canaux diplomatiques traditionnels.
Diplomatie parallèle et objectifs stratégiques
L'École du Parti de Shanghai, institution clé du système de formation du PCC, prépare depuis des décennies les cadres administratifs et politiques de haut niveau. La délégation a rencontré à Paris des représentants de l'Institut National du Service Public (ex ENA) et de Sciences Po, puis à Madrid ceux de l'Instituto Nacional de Administración Pública et de l'Université Complutense de Madrid. Officiellement, les discussions ont porté sur la gestion urbaine, l'innovation technologique et la durabilité.
Officieusement, il s'agit de développer les compétences internationales des cadres chinois et de consolider des réseaux pouvant influencer à long terme les structures administratives et politiques européennes.
Officieusement, il s'agit de développer les compétences internationales des cadres chinois et de consolider des réseaux pouvant influencer à long terme les structures administratives et politiques européennes.
Formation, idéologie et influence
Sous la direction de Xi Jinping, le PCC a mis l'accent sur la formation de « cadres révolutionnaires à vision globale ». L'objectif est de créer des fonctionnaires capables d'évoluer dans des environnements internationaux complexes et de ramener en Chine un savoir-faire utile à la consolidation de son modèle de gouvernance. Ce type de mission s'inscrit dans une stratégie globale : en 2025, des délégations similaires ont été envoyées en Amérique latine et en Afrique, visant à bâtir un réseau international d'influence institutionnelle parallèle.
Opportunités pour l'Europe, risques sécuritaires
Pour la France et l'Espagne, ces échanges représentent une opportunité de dialogue et de coopération. Mais ils comportent aussi des risques stratégiques. Les services de renseignement français surveillent depuis longtemps les collaborations avec les institutions chinoises, craignant des transferts de savoir-faire sensible et des tentatives d'infiltration. En Espagne, où la Chine investit massivement dans les infrastructures, ces liens pourraient faciliter un accès privilégié à des informations stratégiques.
Soft power et ambition globale
Pour Pékin, ces initiatives servent à affirmer son statut non seulement de puissance économique, mais aussi d'acteur idéologique et culturel. L'objectif est de multiplier les canaux d'influence, en nouant des relations directes avec les futures élites administratives européennes et en ouvrant la voie à des programmes d'échanges. Ce mécanisme peut, à terme, permettre au PCC d'ancrer progressivement sa narration politique dans les cercles décisionnels et académiques occidentaux.
Une stratégie discrète mais efficace
La diplomatie parallèle chinoise est une composante essentielle de sa stratégie pour remodeler l'ordre mondial en sa faveur. Elle ne remplace pas la diplomatie officielle : elle la complète, en agissant de façon discrète et en exploitant des liens institutionnels pour étendre l'influence de Pékin.
Vigilance stratégique européenne
Face à cette dynamique, l'Europe — qui mène déjà des politiques de « dé-risking » pour réduire sa dépendance à la Chine — doit trouver un équilibre entre coopération et protection de ses structures décisionnelles. La diplomatie parallèle du PCC ne doit pas être sous-estimée : elle s'inscrit dans le temps long, agit en silence et cible les lieux de formation des élites occidentales.
A propos de Giuseppe Gagliano
Giuseppe Gagliano a fondé en 2011 le réseau international Cestudec (Centre d'études stratégiques Carlo de Cristoforis), basé à Côme (Italie), dans le but d'étudier, dans une perspective réaliste, les dynamiques conflictuelles des relations internationales. Ce réseau met l'accent sur la dimension de l'intelligence et de la géopolitique, en s'inspirant des réflexions de Christian Harbulot, fondateur et directeur de l'École de Guerre Économique (EGE).
Il collabore avec le Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) (Lien),https://cf2r.org/le-cf2r/gouvernance-du-cf2r/ et avec l'Université de Calabre dans le cadre du Master en Intelligence, et avec l'Iassp de Milan (Lien).https://www.iassp.org/team_master/giuseppe-gagliano/
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