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Le cahier de tendances Marketing et médias. Octobre 2025 par Catherine Cervoni


Jacqueline Sala
Jeudi 30 Octobre 2025


La confiance s’effondre partout, sauf dans les entreprises. Les institutions vacillent, les médias peinent à convaincre, mais les PME restent un repère. Pourtant, ce capital fragile se mérite : transparence, cohérence et utilité sont devenues des impératifs. Dans un monde saturé d’informations et miné par le scepticisme, les marques n’ont plus le choix : elles doivent prouver qu’elles incarnent une autorité éclairée, capable de réconcilier promesses et réalités.



Le cahier de tendances Marketing et médias. Octobre 2025 par Catherine Cervoni
Ce mois-ci, j’ai été marquée par la publication du 13ème baromètre IPSOS qui entérine un effondrement de la confiance des Français dans leurs institutions … mais son maintien envers les acteurs économiques, notamment les PME. Les entreprises, et par voie de conséquence les marques, sont-elles le dernier bastion de confiance des Français ?

On verra que ce n’est pas si simple… Côté médias, dans un paysage où IA et réseaux sociaux fracturent de plus en plus l’accès à une information souvent biaisée, on se posera la question de l’indigestion médiatique et de savoir si ces médias représentent vraiment l’opinion des Français.

On n’oubliera pas les médias sociaux, mais aussi les autres moyens de communication comme les messageries et opérateurs télécoms. Ils font l’objet d’un projet de règlement européen et d’un décret français risquant d’accroître leur rôle de mouchards involontaires, ce qui pose l’éternelle question de l’équilibre de la protection du citoyen et celle de la vie privée

Les marques ont-elles un rôle à jouer dans la confiance des Français ?

Les entreprises, dernier bastion de la confiance des Français ?

La confiance des Français s’est lentement érodée pour finir par s’effondrer. Aucun domaine n’est épargné et les institutions sont en première ligne. Selon le 13ème baromètre IPSOS CEVIPOF 2025 réalisé du 1er au 9 octobre 2025, la chute la plus importante du taux de confiance se constate vis-à-vis de l’Assemblée Nationale (moins 6 points à 20 %).
On note moins 4 points pour la présidence de la République (22 %) et les partis politiques (10 %), et moins 3 points pour les syndicats (36 %) et les réseaux sociaux (17%). Contrairement à ces derniers, il est intéressant de constater que les médias gagnent 2 points (34 %).

En revanche, dans ce marasme général, les Français accordent leur confiance aux acteurs économiques : elle est très forte vis-à-vis des Petites et Moyennes Entreprises (82 %), plus faible vis-à-vis des grandes entreprises (47 %, perte d’un point). Ces entreprises sont-elles devenues le dernier refuge des citoyens ? Peuvent-elles agir et sont-elles légitimes à le faire dans cette période de défiance et d’instabilité générale ? Vont-elles pouvoir s’adapter à cet environnement et s’adapter aux attentes de leurs clients ou prospects ?

Comment les marques peuvent-elles être utiles dans cette période ?

Le panel Métaskope Kantar réalisé pour THE BRAND IMMERSION du Club des Annonceurs révèle que seulement 40% des personnes estiment que les marques sont légitimes pour agir en temps de crise. Et même si le pourcentage grimpe à 50 pour les plus jeunes, on constate que l’adhésion est loin d’être majoritaire. Comment peuvent-elles faire pour naviguer à travers les crises et gagner et conforter la confiance de leur public ?
 
Le rapport mondial Ipsos Global Trends, identifie trois grandes façons pour les marques de se comporter dans cette époque troublée. En premier lieu, il s’agit de démontrer une valeur locale dans un « penser global ». Ensuite, être cohérent, transparent et crédible pour arriver à bâtir la confiance dans un climat dominé par le scepticisme. Et enfin, donner des garanties, des repères et des solutions concrètes aux citoyens.

Plus spécifiquement, en France, le rapport conseille aux marques de doser finement entre l’identité nationale et le local – les Français étant les plus opposés à la mondialisation – les valeurs sociétales, une technologie accessible – seulement 36 % estiment qu’elle peut résoudre les problèmes du futur contre 2/3 au niveau mondial- et un engagement crédible.

Parmi les meilleures stratégies que les marques peuvent mettre en œuvre pour naviguer dans cette période perturbée, Quentin Carré – expert des marques chez Kantar – cite « des actions de solidarité, de soutien, mais les attentes principales convergent vers la défense du pouvoir d’achat et la protection de l’emploi sur le territoire (la pandémie a laissé des traces). » Pour Karine Tisserand, Directrice Générale du Club des Annonceurs, elles « doivent incarner une forme d’autorité éclairée, de résistance constructive, de puissance régénératrice. » Elle fait également le constat, qu’aujourd’hui, plus que jamais, les marques sont scrutées et sont obligées de rendre des comptes.

De la difficulté d’être transparent même quand on est observé 

Si depuis plusieurs années les marques ont incontestablement fait des efforts pour être plus éthiques, plus impliquées dans des actions de RSE et qu’elles sont pleines de bonnes intentions, elles sont effectivement sous le feu des projecteurs et on découvre qu’elles peuvent être mêlées, volontairement ou non, à des scandales.
À titre d’exemple, cet été, médias et réseaux sociaux se sont fait l’écho de la contamination des eaux de Nestlé (600 articles et 80 000 posts réseaux sociaux), de la vente controversée d’Alstom à General Electric, du dieselgate de Renault avec un troisième procès pour fraude aggravée et le rappel de 155 000 véhicules pour défaut de boîtes de vitesse, de la hausse des factures d’électricité d’EDF et des accusations de manque de transparence financière de BNP Paribas …

Plus récemment, c’est Totalenergies qui a été condamné pour green washing pour un discours environnemental qui "étaient susceptibles d'altérer le comportement d'achat du consommateur" et de "l'induire en erreur" en lui faisant croire qu'elle pouvait atteindre la neutralité carbone en 2050 tout en augmentant la production de pétrole et de gaz ».

Transparence, crédibilité, confiance, ont été fortement mises à mal… et peuvent heurter de plein fouet l’image et les valeurs sociétales que ces entreprises ont mises en avant via leur communication.

Faire coïncider les aspirations des consommateurs et le réel

Il peut y avoir une dichotomie entre les attentes des Français et leurs moyens.
Quand le rapport Ipsos Global Trends souligne l’attachement des Français au local, il est dans le vrai. Mais dans cette période où de nombreux Français sont confrontés à des arbitrages financiers, malgré leur attachement aux produits locaux (86 %), une grande majorité les trouve trop chers (69 %). L’enjeu, pour les entreprises, est d’arriver à répondre aux aspirations des consommateurs et d’arriver à maîtriser leurs prix et/ou de prouver un bénéfice pouvant les amener à changer leurs priorités budgétaires. Les produits bio qui avaient connu une forte croissance pendant le confinement du au Covid – les Français ne pouvant dépenser en loisirs, sorties et restaurant- s’est effondré par la suite.
 
Il faut également compter avec une fracture générationnelle parmi les Z, ceux nés entre 1995 et 2012. Une étude démontre que les 23-29 ans restent une tranche d’âge communautaire et engagée plébiscitant des marques utiles et responsables alors que les 13-22 ans expriment une méfiance de plus en plus grande envers les institutions, les médias et même les algorithmes, remettant en cause systématiquement les discours de ces derniers et des marques. 

Un manque de confiance dans la technologie

On a vu que les valeurs sociétales pouvaient être fortement chahutées via les actions, volontaires ou non, des marques, un autre point peut être délicat : le recours à la technologie. Plusieurs enquêtes pointent du doigt que, si les consommateurs sont de plus en plus nombreux à utiliser l’intelligence artificielle (IA) au quotidien (55 % en France), 69 % sont inquiets pour la sécurité de leurs données personnelles.
« La confiance des consommateurs envers les marques se détériore dans le monde entier », déclare Darryl Jones, Vice-president of Consumer Segment Strategy chez Ping Identity.

« L’IA et l’essor des agents aggravent le problème, car ils deviennent plus autonomes, plus persuasifs et plus difficiles à détecter, ce qui augmente les enjeux en matière de vérification et de protection de l’identité. »

Phishing, deepfake, usurpation de nom de domaine qui conduisent l’internaute vers un site internet qui n’est pas celui de la marque, piratage … les craintes sont grandes pour les Français. Quant à l’utilisation de l’IA dans le service client, près d’un consommateur sur cinq déclare n’en tirer aucun bénéfice. L’enjeu pour les marques est de proposer un service client de qualité et de doser entre technologie et humain. L’autre défi est de pouvoir collecter les données personnelles pour mieux cibler afin de ne pas « matraquer » le consommateur alors que ces derniers n’ont pas suffisamment confiance dans les marques pour leur fournir.

Références


Indigestion médiatique ?

Le cahier de tendances Marketing et médias. Octobre 2025 par Catherine Cervoni
Infobésité anxiogène
 
Nous sommes surexposés à l’information à tel point que Méta Média qui se fait le relais du Festival de l’info locale parle d’indigestion. Une journaliste souligne que nous ne sommes pas câblés pour recevoir autant d’information. Et il est vrai qu’une information chasse l’autre, ne nous laissant pas le temps de la réflexion. On a oublié le soir, ce que l’on a vu lu ou entendu, le matin. Certains évènements, comme les attentats du Bataclan, marquent tristement l’actualité, mais, après le battage médiatique, on les oublie jusqu’à leur date anniversaire.

Une inadéquation entre lecteurs et médias

Une autre question sur laquelle les participants ont échangé est de savoir si les médias traditionnels parlent vraiment aux gens ? Un ancien journaliste politique de Libération, Rachid Laïreche, a écrit un livre sur ses huit ans dans la bulle des journalistes politiques. Il dresse le portrait d’un milieu recroquevillé sur lui-même, loin du réel :
« Dans la bulle, on oublie les gens. On est entre nous et cela nous va très bien. On ne voit pas ce qu’il y a dehors. Quand on écrit, on écrit pour les collègues, les politiques. On se marre. Il y a du off. On est content. Jamais on ne s’intéresse à l’extérieur ».
Il est vrai que certains plateaux TV ressemblent plus à des réunions au café du coin où tout un chacun assène ses arguments et que cela manque cruellement d’analyses ou de mises en perspectives. Les pistes pour sortir de ce phénomène sont évoquées, comme enseigner l’écoute dans les écoles de journalisme, assurer une éducation aux médias dès le CE2 et jusqu’à la Terminale, et limiter les alertes anxiogènes.

Même constat lors de The Audiencers Festival ou Max Leroy, audience et Product Strategist ex New York Time explique que plus d’un tiers des personnes se détourne de l’actualité synonyme d’info-anxiété et d’infobésité. Pour lui, les médias sont responsables et ils devraient retourner parler à leurs lecteurs,
« comprendre leurs douleurs, leurs besoins, et réinventer notre proposition de valeur. Comment en est-on arrivé à ce que notre produit ne réponde plus à un besoin essentiel de son audience ? ».

Et il est vrai que dans n’importe quel autre secteur d’activité, quand le produit ne correspond plus à ce qu’en attendent les consommateurs, on le change ou on prend le risque de faire faillite. Et si vous vous posez la question de savoir si les médias reflètent vraiment l’opinion des Français, Hexagone, pour l’hebdomadaire Marianne a analysé la présence politique dans les 7 principales émissions matinales et radio et de télévision en septembre : à consulter ici .

Une fragmentation de l’accès à l’information


Un autre écueil pour les médias traditionnels est qu’ils font face à une fragmentation de l’accès à l’information.
Le Pew Research Center annonce que 53 % des adultes américains s’informent régulièrement via les réseaux sociaux, notamment via Facebook et YouTube qui sont ceux les plus consultés devant TikTok et Instagram, alors que X est en déclin. La première conséquence est une nécessaire adaptation des médias quant au format. Par exemple, The Washington Post a créé un compte TikTok avec des vidéos de 15 à 30 secondes pour capter l’attention des jeunes générations.

La deuxième conséquence est plus problématique, car les algorithmes sont biaisés et présentent aux utilisateurs les contenus qui correspondent à ceux qu’ils apprécient. Vous pourriez rétorquer que si vous êtes abonnés à l’Humanité ou au Figaro, vous risquez également de vous enfermer dans une bulle informationnelle… Mais vous avez au moins la possibilité de lire, écouter, regarder d’autres médias une fois votre journal posé, alors que les algorithmes des réseaux sociaux sont pensés pour vous faire rester sur leur plateforme et à scroller sans fin… pour trouver toujours plus de contenus qui vous confirment dans vos opinions et choix.

L’IA nouvelle menace pour l’information ?

Si les réseaux sociaux sont une porte d’entrée vers l’information, il faut également compter avec les nouveaux assistants IA comme ChatGPT qui rencontrent un grand succès auprès des moins de 25 ans qui sont 15 % à les utiliser pour s’informer. Or, avec ces assistants, le problème n’est plus les algorithmes, mais leur taux d’erreur.

Une étude, coordonnée par l’Union européenne de radiotélévision (UER) et menée par la BBC, a démontré que ces assistants déforment les contenus produits par 22 radiodiffuseurs publics dans 18 pays européens. Elle relève que "45 % de toutes les réponses d’IA présentaient au moins une faille significative", 31% des retours des assistants "présentaient de sérieux problèmes de sourcing – attributions manquantes, trompeuses ou incorrectes" et 20% des réponses contenaient des problèmes d’exactitude majeurs - information obsolète ou détails hallucinés -.

Cela peut s’expliquer par le fait que les assistants sont entraînés à répondre même s’ils n’ont pas les données suffisantes pour le faire, mais également par leur difficulté à comprendre la dérision ou l’humour. Une émission satirique peut ainsi être prise au premier degré et ses éléments pour argent comptant. Accéder à une information fiable et de qualité va devenir le parcours du combattant …
 
Comment éviter l’indigestion médiatique ?
« Les 5 obsessions toxiques des médias » – S’épuiser à critiquer les plateformes (1/5)
Étude : comment les réseaux sociaux sont-ils utilisés pour consommer de l’actualité ?
"Une distorsion systémique de l'information": comment l’IA "déforme" l’information, qui présente une "faille significative" dans 45% de ses réponses
 

Messagerie, médias sociaux, est-ce la fin de la vie privée en Europe ?

Chat Control protecteur ou liberticide ?

Une proposition de règlement européen et un décret français ont soulevé une levée de boucliers de la part des défenseurs de la vie privée. Le premier intitulé chat control part d’une bonne intention : empêcher la circulation de contenus pédocriminels. Pour cela, le scan automatique des messages et fichiers échangés via l’ensemble des messageries, que ce soit celles comme WhatsApp, ou celles qui sont chiffrées comme Signal deviendrait obligatoire. Pour cela, les applications et fabricants d’appareils seraient forcés d’intégrer des systèmes capables de scanner en temps réel tous les messages, photos et vidéos.

L’examen de ce texte qui devait avoir lieu mi-octobre a été repoussé sous la pression de ces détracteurs qui y voient la fin du secret des correspondances et la porte ouverte à une surveillance de masse généralisée.

En France, le collectif StopChatControl s’inquiète de la fin de la vie privée et alerte sur la fin du vrai chiffrement : le contenu scanné serait comparé, via un algorithme, à des bases mondiales et un « faux positif » suffirait à être signalé aux autorités. Serait-on à nouveau dans le même contexte que l’affaire du tableau de l’origine du monde de Courbet et Facebook ? Pour rappel, un enseignant avait partagé sur le réseau social une photo de ce célèbre nu et son compte s’était vu censuré par la plateforme comme contrevenant à ses règles sur la nudité.

Le collectif s’inquiète également de la violation du secret professionnel pour les médecins, avocats ou encore journalistes. La présidente de la fondation Signal estime également que ce serait la fin du chiffrement et menace de quitter l’Europe si le projet aboutit. Aux voix du collectif et de Signal se sont jointes celles de nombreuses ONG, experts en cybersécurité et élus européens qui qualifient ce texte de « liberticide » et « inefficace ». Ce règlement est une parfaite illustration de l’éternel débat entre protection des individus et celle de la liberté et de la vie privée…

Réseaux sociaux et opérateurs télécom mouchards involontaires ?

Autre illustration parfaite de ce débat, le décret signé le 15 octobre. Il renouvelle l’obligation pour les grandes plateformes comme X, TikTok, Instagram, mais également les opérateurs téléphoniques, Orange, Free, Bouygues, SFR de conserver certaines catégories de données de connexion durant 12 mois. L’objectif affiché est de pouvoir faire face à une « menace grave et actuelle » contre la sécurité nationale.
Bien que le contenu des messages ne soit pas concerné – tout comme les mails -, les réseaux sociaux devront stocker les métadonnées liées aux publications comme l’identifiant, l’heure et le type d’action (commentaire, post, réaction…).

Les opérateurs devront archiver les adresses IP utilisées, les horaires de connexion, les caractéristiques techniques des communications et la localisation approximative des utilisateurs sur mobile, calculée à partir des antennes relais.

Ces métadonnées permettent de dresser un profil précis puisque l’on peut avoir connaissance des personnes avec qui vous échanger et à quelle fréquence, vos déplacements quotidiens, les services en ligne consultés…
Ce décret est pris tous les ans pour contourner la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne qui estime que cette conservation est contraire à son droit sauf en cas de menace grave, réelle, actuelle et prévisible, précise et temporaire.
 
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A propos de Caterine Cervoni

Catherine Cervoni est spécialisée en communication d’influence et de visibilité.

Ses domaines d’expertise couvrent les relations presse, le content marketing et le social media.

Après de nombreuses années chez l’annonceur en tant que responsable marketing, communication et relation presse, elle crée sa propre structure en 2010.

Ses domaines de prédilection sont en B2B, l’IT, les nouvelles technologies (IA, blockchain, IoT), le marketing et et l’e-commerce et en B2C, le tourisme.