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Les observatoires : une base indispensable mais figée
Depuis vingt ans, les territoires se sont dotés d’observatoires multiples : mobilité, logement, environnement, données socio-économiques. Ces outils fournissent des indicateurs fiables et structurent la veille stratégique. Ils sont essentiels pour suivre les évolutions et rendre des diagnostics précis. Mais ils restent des photographies statiques, incapables de saisir la rapidité des transformations actuelles.
Or, dans un environnement politique et social instable, une décision ne produit jamais un effet isolé. Elle déclenche des réactions en chaîne, souvent imprévisibles, qui peuvent modifier le cours d’un projet bien plus que les indicateurs initiaux. C’est là que la veille traditionnelle atteint ses limites : elle décrit, mais elle ne projette pas.
Or, dans un environnement politique et social instable, une décision ne produit jamais un effet isolé. Elle déclenche des réactions en chaîne, souvent imprévisibles, qui peuvent modifier le cours d’un projet bien plus que les indicateurs initiaux. C’est là que la veille traditionnelle atteint ses limites : elle décrit, mais elle ne projette pas.
Les effets boule de neige : le défi de la complexité sociale
Un citoyen n’est jamais uniquement un électeur ou un usager. Il cumule des rôles – salarié dépendant de sa voiture, parent attentif aux contraintes scolaires, contribuable soucieux de ses impôts, consommateur attaché à son pouvoir d’achat, ou encore militant associatif.
Une même décision peut donc susciter des réactions multiples et parfois contradictoires. Prenons l’exemple d’une zone à faibles émissions : elle sera saluée par l’habitant soucieux de la qualité de l’air, rejetée par le salarié contraint de parcourir plusieurs kilomètres en voiture, redoutée par le parent obligé de réorganiser ses trajets quotidiens. Ces contradictions expliquent pourquoi tant de projets publics connaissent retards, blocages ou surcoûts.
Anticiper ces réactions en chaîne devient désormais indispensable. La veille doit évoluer : elle ne peut plus se limiter à collecter des données ou à analyser des tendances, mais doit intégrer les comportements, les rôles et les alliances des parties prenantes.
Une même décision peut donc susciter des réactions multiples et parfois contradictoires. Prenons l’exemple d’une zone à faibles émissions : elle sera saluée par l’habitant soucieux de la qualité de l’air, rejetée par le salarié contraint de parcourir plusieurs kilomètres en voiture, redoutée par le parent obligé de réorganiser ses trajets quotidiens. Ces contradictions expliquent pourquoi tant de projets publics connaissent retards, blocages ou surcoûts.
Anticiper ces réactions en chaîne devient désormais indispensable. La veille doit évoluer : elle ne peut plus se limiter à collecter des données ou à analyser des tendances, mais doit intégrer les comportements, les rôles et les alliances des parties prenantes.
Des observatoires aux jumeaux numériques
La réponse passe par une nouvelle génération d’outils : les jumeaux numériques territoriaux. Déjà utilisés dans l’industrie pour simuler le fonctionnement d’une machine ou d’un réseau, ils peuvent désormais modéliser la dimension sociale et politique des territoires.
Concrètement, il s’agit de créer des « doubles virtuels » des parties prenantes, capables de simuler leurs réactions, leurs coalitions et leurs points de rupture face à une décision. Cette approche ouvre la voie à une veille dynamique et prédictive, permettant d’anticiper les scénarios de contestation ou de coopération.
Un programme de recherche que je conduis actuellement, NexTerra, s’inscrit dans cette logique. Il explore la manière dont les parties prenantes d’un territoire peuvent être modélisées et leurs interactions simulées, afin de rendre visibles ces effets boule de neige. Ce travail prolonge d’ailleurs une réflexion scientifique publiée récemment dans Management Prospective, autour d’un prototype low-tech d’intelligence artificielle territoriale éthique et équitable.
L’enjeu n’est pas de remplacer la décision humaine, mais de l’éclairer, en rendant ses conséquences plus intelligibles et discutables en amont.
Concrètement, il s’agit de créer des « doubles virtuels » des parties prenantes, capables de simuler leurs réactions, leurs coalitions et leurs points de rupture face à une décision. Cette approche ouvre la voie à une veille dynamique et prédictive, permettant d’anticiper les scénarios de contestation ou de coopération.
Un programme de recherche que je conduis actuellement, NexTerra, s’inscrit dans cette logique. Il explore la manière dont les parties prenantes d’un territoire peuvent être modélisées et leurs interactions simulées, afin de rendre visibles ces effets boule de neige. Ce travail prolonge d’ailleurs une réflexion scientifique publiée récemment dans Management Prospective, autour d’un prototype low-tech d’intelligence artificielle territoriale éthique et équitable.
L’enjeu n’est pas de remplacer la décision humaine, mais de l’éclairer, en rendant ses conséquences plus intelligibles et discutables en amont.
Une veille prédictive au service de la décision
En passant des observatoires aux jumeaux numériques, la veille territoriale change de paradigme. Elle devient un outil d’aide à la décision, orienté vers l’anticipation plutôt que la simple observation :
- Pour les collectivités, elle permet de tester l’acceptabilité d’une réforme, d’identifier les zones de blocage potentielles et de préparer des compromis.
- Pour les entreprises, l’intérêt est tout aussi évident. Une implantation industrielle, par exemple, ne se joue pas uniquement sur la fiscalité ou le foncier disponible. Elle doit aussi prendre en compte les réactions des habitants voisins, les attentes des associations locales, les effets sur la mobilité ou l’environnement. Simuler ces interactions en amont permet de réduire les risques de contestation, de négocier plus sereinement et d’asseoir une légitimité durable.
- Pour les professionnels de la veille, cette approche enrichit leurs observatoires par une lecture prospective et multi-acteurs, ouvrant la voie à des analyses stratégiques plus complètes et plus utiles.
Conclusion : gouverner avec lucidité
La veille territoriale ne peut plus se contenter d’observer : elle doit anticiper et simuler. Les jumeaux numériques des parties prenantes, en prolongeant les observatoires traditionnels, offrent une boussole nouvelle pour gérer la complexité des territoires. Ils permettent de transformer la veille en véritable simulateur stratégique, et de donner aux décideurs publics comme privés une capacité précieuse : gouverner non pas dans l’urgence de la réaction, mais avec lucidité, constance et anticipation.
A propos de Patrice Schoch
Patrice Schoch est enseignant-chercheur en sciences de gestion, spécialisé en intelligence économique territoriale, gouvernance des écosystèmes et parties prenantes. Il conduit ses travaux au sein de l’OCRE Research Lab (EDC Paris Business School) et s’intéresse particulièrement aux méthodes de veille et d’anticipation appliquées aux territoires.
Auteur de plusieurs publications sur l’intelligence stratégique publique, il pilote aujourd’hui NexTerra, un projet de recherche et développement consacré à la modélisation des parties prenantes territoriales et aux effets « boule de neige » des décisions collectives.
Pour aller plus loin :
- Patrice Schoch, Karine Le Rudulier, François Baron, Mohamed Karim Kefi (2025). « Vers une IZ territoriale éthique et équitable : un prototype low-tech pour une gouvernance augmentée », Revue Management & Avenir, août 2025
- Karine Le Rudulier, Dietrich Arthur Randrianantenaina, Patrice Schoch (2024). « L’analyse de l’écosystème entrepreneurial de la e-santé sur le territoire de la région Bretagne : réalisation d’une cartographie », Revue Management & Avenir Santé 2024/1 (N°11).
- Patrice Schoch et Viviane du Castel (2022). « Conceptualisation théorique d’une intelligence stratégique intégrée aux processus décisionnels opérationnels et non économiques du secteur public : proposition d’un agenda de recherche d’applicabilité aux collectivités territoriales », Revue Politique et Management Public