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Master Intelligence Stratégique, Analyse des Risques et Territoires - Entretien avec Patrick Cansell et Renaud Eppstein


David Commarmond
Vendredi 2 Mai 2025


Entretien avec Patrick Cansell et Renaud Eppstein, co-responsables du Master Intelligence Stratégique, Analyse des Risques et Territoires (ISART), Université Gustave Eiffel. Ce Master s’adresse aux professionnels, présents et futurs, de l’aide à la décision, de l’analyse stratégique, de la gestion des risques et des crises. A celles et ceux qui souhaitent une formation opérationnelle et professionnalisante, et un contact « terrain ».



DC : Pouvez-vous nous parler de l’histoire et de l’origine du Master ISART ?

Patrick Cansell : Bien sûr. Le Master ISART, réfléchi dès la création de l’Université de Marne-la-Vallée (aujourd’hui Université Gustave Eiffel) en 1991, est en effet la formation universitaire en Intelligence économique la plus ancienne de France, avec une première promotion dès l’année universitaire 1993-1994. Nous avons célébré la sortie de notre 30e promotion en septembre 2024. C’est l’Amiral Lacoste, ancien patron de la DGSE, qui est pour partie à l’initiative de cette formation, avec l’ambition de répondre aux besoins croissants de compétences en intelligence stratégique et gestion des risques au sein des entreprises et des institutions, mais aussi fervent défenseur de l’entretien du lien Armées-Nation, au-delà du transfert croisé de compétences et de connaissances.
 
Depuis, le Master ISART a constamment évolué sous différentes dénominations sous la mention « Intelligence économique » (« Information et Sécurité », « Ingénierie de l’Intelligence économique », « IEAR », « ISART ») pour s’adapter aux transformations du secteur, en s’ouvrant à des dimensions nouvelles comme la Due Diligence, les enjeux du Cyber, le traitement de la « data » ou encore l’apport de l’IA. Toutefois, la vocation première du Master est plus prégnante que jamais : favoriser les échanges et les réflexions entre le monde de la recherche, la communauté du renseignement et le monde de l’entreprise !

DC : Ce Master est proposé en alternance ainsi qu’en formation continue, pourquoi ce choix ?

Renaud Eppstein : L’accès par l’apprentissage et la formation continue est au cœur de la philosophie du Master ISART. Nous voulons former des professionnels pleinement opérationnels, et l’alternance permet à nos étudiants de se confronter directement aux réalités de terrain tout en suivant des cours. Le fait de n’avoir qu’une journée de cours par semaine sur 10 mois permet cette immersion. Ce format permet aussi à des professionnels déjà en poste, y compris dans les institutions de la Défense et la Sécurité civile comme intérieure, de suivre la formation en continuant à travailler.

DC : Justement, quel est le rôle du partenariat avec l’Académie du Renseignement ?

 Patrick Cansell : Ce partenariat est stratégique. L’Académie du Renseignement, sous l’autorité du Premier ministre et de la CNRLT, Coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, permet de proposer nos enseignements à des personnels des services de renseignement. Ce rapprochement est important, car il renforce l’axe initial de la formation au moment de sa fondation par l’Amiral Lacoste il y a plus de 30 ans. Ce lien avec l’Académie du Renseignement nous offre l’opportunité de contribuer activement à la montée en compétences de ces personnels par la formation continue.

Sans parler des synergies au-delà de la formation elle-même, à travers par exemple le retour de plusieurs de nos Anciens en tant qu’intervenants comme en tant que doctorants, car certains de nos élèves professionnels n’hésitent pas à poursuivre en thèse. Il faut noter que Monsieur Jean-François Gayraud, commissaire général de la Police nationale, spécialiste de l’antiterrorisme et de la lutte contre la criminalité organisée, nommé en 2023 directeur de l'Académie du renseignement, est également criminologue, chercheur en sciences sociales et auteur de nombreux ouvrages de référence sur le crime organisé, les mafias et le terrorisme.
Nos intérêts convergent et c’est sans doute l’une des raisons pour laquelle l’Académie a sélectionné notre master 2 pour l’inscrire au sein de l’éventail des formations proposées par celle-ci.

DC : Comment le Master ISART prépare-t-il les étudiants aux défis actuels de l’intelligence stratégique ?

Patrick Cansell : notre formation couvre un éventail large de compétences : veille stratégique, analyse des risques, gestion de crise, sécurité de l’information, ainsi que la maîtrise des dispositifs d’influence et de contre-influence. Nous tenons à ce que le contenu soit à jour et en adéquation avec les évolutions rapides des enjeux technologiques, comme le traitement des données et la cybersécurité, ce qui est essentiel pour nos étudiants, qu’ils viennent d’un cursus classique ou qu’ils soient déjà en poste dans le secteur.
Par ailleurs, nous insistons sur le choix par les étudiants d’une alternance qui correspondant au mieux à leur projet professionnel, car la présence au sein de l’entreprise ou de l’institution d’accueil va représenter pas loin de 75% de leur temps de Master 2 : c’est là qu’ils vont mettre en œuvre méthodologies et compétences, mais aussi apprendre énormément. Le choix de leur alternance est éminemment stratégique dans le cadre de leur projet professionnel.

DC : Quels sont les principaux axes pédagogiques et professionnels du programme ?

Renaud Eppstein : Le programme est structuré autour de plusieurs « unités d'enseignement » (UE) : veille et information stratégique, intelligence économique, gestion des risques et gestion de crise, ainsi qu’un volet « intelligence territoriale ». Nous encourageons également une approche de recherche appliquée, grâce à des séminaires et des simulations de crise animée pour certaines par mon collègue ici présent, dont c’est le métier par ailleurs.
Ces mises en situation plongent les étudiants dans des environnements complexes et réalistes, où ils peuvent s’entraîner aux décisions stratégiques sous pression. Les élèves qui auraient suivi préalablement notre Master 1 ont par ailleurs été initié à la recherche (publication d’articles, posters scientifiques), ce qui leur de donne de très bonnes bases méthodologiques.

DC : Pouvez-vous nous en dire plus sur les simulations de crise ?

Patrick Cansell : Les simulations de crise sont en effet l’un des axes de la formation, et notre méthode est pionnière en France – plus de 20 ans d’antériorité ici, à « Marne-la-Vallée » ! J’organise chaque année plusieurs exercices et simulations pour nos étudiants, avec des scénarios variés qui vont de la communication de crise à des exercices immersifs sur le terrain, ambiance « nuit blanche ». Le dernier, organisé dans les ruines d’une caserne de la ligne Maginot, a permis aux participants, étudiants comme professionnels, de travailler en « coopétition » autour d’une crise fictive en Asie centrale.

Cela développe non seulement leurs compétences techniques, leur analyse stratégique et leur endurance, mais renforce aussi la cohésion et l’esprit d’équipe. D’autres intervenants utilisent désormais ce type d’outil pédagogique, ainsi que le serious gaming, qui s’avère très pertinent pour des matières qui nécessitent avant tout une compréhension de ce qu’implique leur mise en œuvre.

DC : Comment se déroule l’insertion professionnelle des diplômés du Master ISART ?

Renaud Eppstein : Notre formation est reconnue dans le secteur pour sa rigueur et son ancrage dans le monde professionnel, ce qui facilite grandement l’insertion des diplômés. Une large part des cours est assurée par des praticiens des matières enseignées, dont beaucoup sont des anciens élèves devenus des professionnels chevronnés. Cela leur permet de transmettre aux étudiants les dernières pratiques et de favoriser leur intégration dans des postes de veille, d’analyse, de due diligence, de gestion des risques, de sécurité ou encore de continuité d’activité, souvent dans de grands groupes ou au sein de cabinets de conseil de premier plan comme Amarante.

Nos intervenants sont issus de la Sécurité civile, du Groupe Carrefour, de BNP PARIBAS, de ONEY BANK, du CEA, des forces armées, de Seine Grands Lacs, de la Banque de France, de l’UNESCO, du SDIS 77 ou du Ministère des Affaires étrangères, ou encore, évidemment, de l’Académie du Renseignement et des Services de Renseignement. Monsieur Jean-François Gayraud nous a ainsi fait l’honneur de venir présenter à notre nouvelle promotion les missions et l’organisation des services de renseignement en ce tout début d’année universitaire.

DC : Quelle place occupe la recherche dans votre formation ?

Renaud Eppstein : La recherche a une place essentielle dans le Master ISART. Notre réseau d’enseignants comprend des chercheurs et des professionnels qui abordent des problématiques de gestion de l’information stratégique, d’intelligence territoriale et de sécurité des données.
 
Les étudiants sont encouragés à mener des mémoires de recherche appliquée sur des terrains d’entreprise, et chaque promotion produit des travaux de grande qualité, qui sont parfois publiés et servent de référence pour le secteur. Tous les ans, des élèves nous font part de leur intention de poursuivre en thèse, au sein de notre laboratoire, le DICEN-IdF, et comme évoqué précédemment, il s’agit tant d’étudiants que de professionnels en formation continue.


DC : Quels sont vos objectifs pour l’avenir du Master ISART ?

Patrick Cansell : Nous souhaitons pérenniser notre position de pionnier en intelligence économique en France, et nous adapter constamment aux évolutions du secteur. Notez que notre formation est également pionnière en matière d’alternance (dès son origine !).
 
Le partenariat avec l’Académie du Renseignement est une illustration de notre ambition, et nous cherchons constamment de nouvelles synergies avec d’autres institutions et entreprises. Il est vrai que notre communication demeure discrète, sans doute pour des raisons génétiques ! (rires) Nous n’avons pas besoin de faire de communication : celles et ceux qui connaissent un tant soit peu le domaine de l’intelligence économique, connaissent très bien notre formation – nos premiers élèves issus de « Marne-la-Vallée » sont à des postes à hautes responsabilités – ou la trouvent aisément en quelques clics. Nous ne répondons pas aux sollicitations des entreprises privées qui réalisent des classements annuels et évitons les salons généralistes de façon à ne toucher que des candidats qui ont déjà une appétence pour le domaine. On nous trouvera plus facilement à Eurosatory, Milipol, la Fabrique Défense ou au Salon du Bourget que sur un salon « étudiants » !
 
Nous avons également signé un partenariat avec le SDIS77, grâce au Contrôleur général Bruno Maestracci, pour créer un « DU », le DU « Intelligence des Crises » dont nous sommes également co-responsables, Renaud et moi, avec notre alter ego, le Commandant Bruno Tricotet, cheville ouvrière du projet. Ce DU, éligible au CPF, accueille un public large, avec naturellement un noyau dur de Sapeurs-Pompiers, qui souhaitent acquérir des connaissances opérationnelles sur les thèmes de l’anticipation, de la planification, de l’approche systémique des risques et des crises, de la réponse et de la communication de crise. Le DU permet aussi à certains, dans une perspective de formation tout au long de la vie, de reprendre des études et de poursuivre au sein du Master ISART. Il confère en effet, par équivalence, un bloc de compétences du Master,

DC : En conclusion, que diriez-vous aux futurs candidats intéressés par le Master ISART ?

Patrick Cansell : Ce Master s’adresse aux professionnels, présents et futurs, de l’aide à la décision, de l’analyse stratégique, de la gestion des risques et des crises. A celles et ceux qui souhaitent une formation opérationnelle et professionnalisante, et un contact « terrain ».
 
Renaud Eppstein : Avec 30 ans d’expertise, un réseau solide de partenaires institutionnels, un format en alternance qui plonge nos étudiants directement dans le monde professionnel, et un effectif « à taille humaine » d‘environ 25 étudiants y compris les professionnels, le Master 2 ISART offre une expérience unique en intelligence stratégique en France.


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