Communication & Influence

Media Intelligence. Quelles tendances pour le monde d'après : retour à l'anormal ?


Jacqueline Sala


1. 3 tendances majeures
2. 3 tendances remarquées
3. L'impact pour la veille et la recherche d'information



La méthode

On ne sait pas encore  si le monde d’après la pandémie Covid-19 sera très différent de celui d’avant.  Aussi, à l’occasion de sa nouvelle étude “Covid-19 et Monde d'après | Tendances de communication des marques : retour à l’anormal ?” (1), Digimind a imaginé 20 tendances qui pourraient dessiner ce “monde d’après”.
Ce sont des tendances de consommation, d’usages mais aussi de communication, élaborées à partir de milliers de messages, discussions et articles collectés et analysés sur les médias sociaux et le web, à partir aussi des initiatives, besoins et attentes partagés, appréciés ou critiqués par les internautes.
Nous en avons sélectionné six. Trois qui nous paraissent majeures, trois autres qui nous ont interpellées. On évoque ensuite l’impact de ces mutations en cours pour la veille et la recherche d’information

3 tendances majeures

Media Intelligence. Quelles tendances pour le monde d'après : retour à l'anormal  ?

  • #1 Une adoption forte et forcée des outils numériques
En retard, la crise a poussé les Français à se convertir plus vite aux outils numériques que cela soit pour les achats quotidiens, les divertissements, la téléconsultation ou le travail.
 
Entre février à mars, 2,5 millions de nouveaux clients ont fait des achats online, soit 15% de plus par rapport à la même période en 2019 (2). Plus de digital, plus d’e-commerce, c’est aussi plus d’exigences quant à l'expérience d’apprentissage et de navigation sur les interfaces web et les applications. Ainsi, 17% des Français auraient souhaité utiliser les solutions digitales proposées par les grandes enseignes (drive, e-commerce) et n’ont pas obtenu satisfaction.
  • #3 Des parcours d’achat de plus en plus hybrides, le développement du Drive et du Click&collect
57% des français recherchent d’abord en ligne les produits disponibles (3). Les règles de sécurité sanitaire, la distanciation sociale  encouragent les consommateurs à encore davantage mixer leur parcours d'achat entre le online (moteur de recherche, site web, application, réseau social,...) et le magasin-commerce-plateforme physique.
Cela conduira à un développement Click & Collect, Click & Drive, du drive piéton et du drive parking que cela soit pour les grandes surfaces ou les petits détaillants. Pour rassurer et simplifier.
 
Dans certains cas, la transition vers le digital est  plus radicale : Ainsi, à la sortie du confinement, 12% des Français projetaient d’acheter des articles de mode uniquement sur internet (2). En temps normal, c’est 4 fois moins !
 
  • #3 Des réseaux sociaux plus ludiques, plus communautaires et plus rigoureux
     
  • La prime aux réseaux sociaux ludiques de type TikTok centrés sur l’activité de l'individu, le positif et moins sur ses interactions et sur ses “vanity metrics”.
  • La croissance des réseaux sociaux hébergeant des communautés thématiques, des groupes d'intérêts : l'éloignement social a contribué à développer des groupes d'échanges, d'entraides et de discussion sur Facebook, WhatsApp ou encore les bons vieux forums. Un retour aux basiques de l’internet des années 2000 en quelque sorte.
Les nécessaires prises de position et politiques actives des réseaux sociaux sur les Fake News et sur la nature de leur contenu en général. A travers les 2 tendances qui s’opposent (Twitter signalant des tweets propageant des informations fausses ou valorisant la violence et le CEO de Facebook estimant qu’il n’a pas à être l'arbitre de la vérité), les dirigeants des réseaux sociaux, à l'instar de Snapchat, devront trancher, sous peine d’un délitement des opinions sur le monde politique et scientifique.

3 tendances remarquées

Media Intelligence. Quelles tendances pour le monde d'après : retour à l'anormal  ?
#1 Une mutation numérique des petits commerçants aussi
Lors du premier confinement, les Français ont apprécié  la capacité d’adaptation des commerces de proximité face à la situation, avec notamment la création de nombreux services de livraison ou de drive (4). Et des artisans, petits commerçants, restaurateurs s’y sont mis aussi. Mais avec le deuxième confinement, les commerces souffrent et meurent. Les survivants doivent se mettre à marche forcée, à une digitalisation de leur point de vente, dans l’urgence.
 
Les “gagnants” sont ceux qui avaient ou ont mis en place des points de contact via un site web, un compte Facebook ou une application, avec, au-delà de la visibilité, la possibilité de payer sinon commander et réserver en ligne.
Cette crise révèle malheureusement de nouveau le retard des PME et commerces en France en termes de transformation numérique.
 
#2 La montée de la SVOD, un cinéma à réinventer
Dans l’étude Digimind, Netflix est la marque, tous secteurs confondus, la plus citée par les internautes. 40% : c'est la croissance du marché de la VOD en France en avril.
 
En France, 49% des internautes sont déjà abonné à un service de VOD payant contre 36% en mai 2019 (5). Disney+,  lancé en avril, est déjà la troisième plateforme de vidéo à la demande la plus populaire. Les plateformes de VOD comme Netflix et Amazon Prime ont été massivement utilisées pendant le confinement et surtout, ont capté de nouveaux utilisateurs.
 
Dans ce contexte, certains spécialistes estiment que Hollywood pourrait réserver les sorties en salles aux films ayant un potentiel de plus de 1 milliard de $ dans le monde et à certaines œuvres de "prestige" . Les autres films seraient directement disponibles en VOD et streaming (6).  Cette mutation de la consommation des divertissements est l’un des symboles les plus forts de la transformation durable des habitudes, enclenchée en mars.
 
#3  Le développement du télétravail et d’organisations hybrides
Toutes les entreprises et organisations ne vont (ou ne peuvent) généraliser le télétravail comme Facebook ou encore Twitter (ce dernier souhaite mettre en place le télétravail "à vie"). Mais en France, près d'un tiers des actifs ont testé le télétravail au cours des deux mois de confinement et 40 % souhaitaient, dès le mois de mai, renouveler cette expérience de façon ponctuelle (7).
 
Ce sera certainement une des grandes révolutions des organisations à venir, avec des modèles hybrides à penser entre présence au bureau  et travail à distance. Et toutes les procédures de sécurité associées. Dans ce contexte, les usages de la vidéoconférence et d’outils collaboratifs continueront d’exploser tout comme le hardware, le matériel et les infrastructures nécessaires (Cloud). Sans parler de l'impact sur le logement et le transport.

Quels impacts pour la veille et la recherche d'information

On pourrait schématiser les impacts de la crise et des mutations sur les métiers de la veille et de la recherche d’informations en 3 points.
  • Les tendances :
Si la surveillance des tendances est un des objectifs les plus courants des veilleurs, juste derrière la veille stratégique et concurrentielle, la crise, qui nécessite la gestion permanente de l’incertitude, implique de renforcer encore davantage la recherche de signaux, de références auprès d’experts, de concurrents, d’autres pays afin de pouvoir s’adapter et réagir au mieux. Dans un environnement incertain, impliquant de multiples parties prenantes, l’analyse de tendances et la prospective sont un exercice périlleux. Ainsi, si tout le monde s’est accordé à dire que le télétravail allait bouleverser les habitudes, sa mise en œuvre effective et généralisée est complexe car liée à la résolution d’implications légales, sociales, organisationnelles ou encore sanitaires.
  • L’adaptation :
Dans cet environnement changeant, le veilleur et chercheur d’information doit s’adapter : adapter et enrichir ses mots et expressions clés, compléter ses sources dans de nombreux domaines : scientifique, R&D, législatif, sociétal, santé ou encore “leader d'opinions".  Pour dégager des modèles, il faut, plus que jamais, s’ouvrir à de nouvelles perspectives de veille puisées dans les sujets de l’innovation, dans l’écoute internationale par exemple.
  • La sélection : 
La crise du coronavirus a généré une infodémie sans précédent. Cette surabondance, dont la partie la plus visible est constituée par les fake news crée aussi de nombreuses informations déformées, de bonne ou mauvaise foi, et fait naître des experts, non reconnus ou s’exprimant en dehors de leur domaine de compétence.
Aussi, Le veilleur, afin de garantir un contenu fiable à son organisation, doit être encore plus vigilant sur la vérification des informations et des sources à travers ses auteurs et les faits rapportés.
 
Nul doute que les professionnels de l’information verront leurs bonnes pratiques et professionnalisme renforcés par les contraintes créées par cette crise inédite.
 
 

Auteur : Christophe Asselin