revue de presse

Piège en eaux troubles pour noyer le poisson !


Jacqueline Sala


Soyons clairs : un chat est un chat, l'intelligence économique n'est ni du renseignement ni de l'espionnage.

Evidemment le reportage de France 5 nous amène à rappeler quelques définitions simples, qui recouvrent des pratiques, des méthodes et des réalités totalement différentes.
Cette "plongée en eaux troubles" cherche visiblement à "noyer le poisson" ? Reste à savoir qui a intérêt encore aujourd'hui à cultiver ces amalgames malsains et inefficaces ?
L'intervention de Philippe Caduc (ADIT) est à saluer pour la clarté et la précision du message et de l'argumentation : "Nous vivons dans un monde de cristal" !

Nous vous invitons à lire le billet de Jonathan Schelcher, limpide ...



Piège en eaux troubles pour noyer le poisson !
Extrait par Jonathan Schelcher

"Voici un article que j’aurais dû écrire il y a bien longtemps déjà. Récemment diplôme de l’École de Guerre économique avec un MBA en stratégie d’intelligence économique, j’ai souvent lors de repas, soirées, rencontres été présenté comme “le mec qui a fait une école d’espion” ou parfois aussi comme “le hacker qui va pirater des serveurs”. Que Nenni ! Je ne travaille pas pour les services secrets*, ni pour des gouvernements aux noms exotiques, ou pour des pirates informatiques. Je vous propose de remettre un peu d’ordre dans tout ce vocabulaire, souvent plein d’amalgames, d’inexactitudes et parfois d’anachronismes, chez les non-initiés, ainsi que certains médias,  qui mélangent parfois un peu tous ces termes.

Dans un premier temps, il convient de rappeler pour la n°ième fois ce qu’est l’intelligence économique. L’intelligence économique se définit comme la recherche et la collecte d’informations de sources ouvertes (c’est a dire accessible facilement au public) et l’exploitation de ces informations par une phase d’analyse, mais aussi comme la protection du patrimoine informationnel de l’entreprise, et une action d’influence. Il existe plusieurs autres définitions, les plus connues sont celles de Christian Harbulot (Directeur de l’Ecole de Guerre Economique)1, Henri Martre, Bernard Carayon.

Contrairement aux services de renseignements (et non services secrets), l’intelligence économique se base sur de l’information dite “blanche” ou de “sources ouvertes” acquise par des logiciels de veille, et des stratégies d’élicitation et qui représente environ 80% de l’information totale."
Source  et lire l'article





1.Posté par LLINARES le 13/04/2013 10:06 | Alerter
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Soyons précis ! Ce n'est pas tant le discours tenu par les interviewés qui est à "condamner" dans ce reportage mais bien la mise en scène et les commentaires du journaliste sur ces interviewés !!!

Parler de l'IE c'est aussi montrer son utilité pour les entreprises avant de dire ce qu'elle n'est pas ! N'entretenons pas les amalgames par des propos défensifs.

2.Posté par Nicolas Moinet le 13/04/2013 13:08 | Alerter
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D’accord avec vous sur l’espionnage mais pas sur le renseignement.

L’IE est une culture du renseignement ouvert. Croire que les services ne travaillent pas sur l’information ouverte est une méconnaissance de la réalité. On ne développera pas l’IE contre ses racines mais en promouvant une culture du renseignement seule capable de discerner les subtilités de cet univers mal compris et donc de repérer les frontières.

Par contre rien à voir avec l’espionnage bien sûr mais là il faut faire en sorte que l’IE ne soit pas un faux nez d’officines. De ce point de vue, beaucoup reste à faire. Toutes les professions ont leurs brebis galeuses. Voyez donc du côté des avocats, médecins, experts-comptables et communicants... Donc ne confondons pas les "barbouzes", souvent plus proches des pieds nickelés de l'univers du renseignement au centre duquel se trouve la question de l'analyse, trop souvent délaissée au profit de la seule acquisition de l'information.

Quant à ce reportage, il présente peu d'intérêt. C'est un long générique qui annonce des révélations qui n'arrivent finalement pas. Il abuse de la forme (ralentis, gros plans, musique) à défaut d'avoir du fond. Dommage. Les enjeux sont pourtant si importants !

3.Posté par Jean-Jacques Cambay le 14/04/2013 19:59 | Alerter
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Étant ancien OR de l'Armée de l'air, je ne peux que rebondir sur la contribution de Nicolas Moinet. Il existe, chez les médias, et, plus grave encore, dans le monde de l'intelligence économique une méconnaissance des activités du monde du renseignement. Un amalgame malsain est, trop rapidement, fait entre "officier de renseignement" et "barbouze". Cet amalgame est, je le reconnais, facilité par la confidentialité des activités de renseignement, confidentialité qui incite à parler sans connaître.

L'immense majorité des OR est, en réalité, composée d'analystes qui exploitent des informations et mettent en œuvre une méthodologie qui , par ailleurs, à contribué fortement aux méthodes employées par les professionnels de l'IE et enseignées dans les formations à cette discipline. Ces mêmes OR sont habitués à respecter une éthique qui leur est indispensable en raison de leur implication dans le processus décisionnel des opérations militaires. Certes, ils exploitent des informations qui seraient qualifiées de "noires" selon la terminologie de l'IE, mais ce n'est pas pour cela qu'ils auront forcé un coffre ou posé un micro pour les obtenir. Au final, un OR n'aura aucune difficulté à transposer son expérience à l'IE tout en respectant les codes de la profession.

Si je peux comprendre que les médias, dans leur quête du sensationnel, trouvent qu'il "vendeur" de laisser un certain flou entre barbouzes et IE, j'ai beaucoup plus de difficultés à comprendre que certains professionnels de l'IE n'arrivent pas à faire la différence entre renseignement et "barbouzerie".

4.Posté par Jonathan S le 14/04/2013 21:25 | Alerter
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Bonjour,

Je suis entièrement d'accord avec Jean-Jacques Cambay, les médias préfèreront un sujet sensationnel avec des barbouzes et des espions, plutot que de parler sérieusement (et de manière noble) du renseignement.
Nous sommes bien d'accord que les OR peuvent rejoindre le monde de l'IE sans problèmes, cependant il y aura toujours des brebis galeuses à dépasser les limites et le soucis majeur est là. L'IE est encore en phase de montée en puissance, la France n'est pas encore habitué à ces nouveaux métiers, et quelques personnes enfreignant les codes de l'IE (très explicite dans la charte du syndicat de l'IE) peuvent mettre à mal une profession (et des jeunes qui essaient de percer dans cette voir, je pense aux étudiants de l'EGE mais aussi à ceux de Nicolas Moinet).
Merci pour ces précisions Monsieur Moinet, effectivement vous avez raison de préciser qu'il manque certains développement dans mon article (écrit un soir tard), mais l'objectif était d'expliquer au grand public les grandes lignes d'où la simplicité volontaire de l'article. Mais je rejoint vos propos, pour avoir pu discuter avec des officiers du renseignement, il est clair qu'ils travaillent également avec des sources ouvertes. C'est également vrai que la France n'a pas la culture du renseignement, contrairement à l'Angleterre, donc c'est un grand OUI pour la promotion du renseignement en France, mais je vous souhaite bien du courage, pas sur que les mentalités changent.
Pour le reportage, j'ai trouvé qu'il était plutôt bien fait, c'est sur que pour les pro de l'IE, c'est un reportage "bateau", mais je pense que pour le grand public il était plutôt intéressant, des cas pratiques, des acteurs clés de la professions, des explications claires. Pour quelqu'un qui n'est pas du métier c'est une bonne entrée en matière.

5.Posté par Nicolas Moinet le 15/04/2013 12:29 | Alerter
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Bonjour,

certains extraits du reportage sont intéressants mais c'est le positionnement qui est criticable et ce qui n'est pas présenté, par exemple l'IE dans les entreprises. C'est plus une juxtaposition de points de vue avec une vision négative (eaux troubles) très franco-française. Quid de la réalité des affrontements internationaux évoqués certes mais pas suffisammet intégrés. Et avec une vision très défensive proche de la ligne Maginot dont on a vu l'afficacitépar le passé.

Sinon, pour la culture du renseignement, je conseille l’ouvrage excellent de Franck Bulinge sorti récemment : De l’espionnage au renseignement : la France à l’âge de l’information (Vuibert). Le titre est explicite et voilà le chemin que nous devons prendre.

6.Posté par Franck Bulinge le 15/04/2013 17:54 | Alerter
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Cette émission a le mérite de donner la parole à un spectre assez large d’acteurs se réclamant de l’intelligence économique et stratégique. Alain Juillet (ex-HRIE) et Philippe Caduc (ADIT) représentent le versant institutionnel d’une IES au service des grandes entreprises. A noter que dans cette vision politiquement correcte, on ne croit pas un instant à la séquence du délégué interministériel visitant une PME, fut-elle high-tech (visiblement, le dirigeant n’a besoin de personne pour être intelligent).
Face à ces discours officiels essentiellement normatifs et parfois, il faut bien le dire, hypocrites, d’autres acteurs sont confrontés à un quotidien plus terre à terre, le plus souvent au service des PME, ou sous-traitants des grosses boîtes d’IE. Ils sont les soutiers, les obscurs qui doivent boucler les fins de mois. Pour eux, les discours sont du temps perdu. Ils n’ont pas le temps de lire ou de gloser, ils doivent gagner leur croûte. Alors, quand une proposition juteuse se présente, certains n’hésitent pas à écorner quelques lignes d’une déontologie qui prend parfois des allures de faux nez. D’ailleurs, où s’arrête la déontologie et où commence l’illégalité ? Bien malin qui, en dehors des juges, saurait le dire !
Une fois dressé cette fresque sociale, on peut toujours s’offusquer de ce que les pratiques ne soient pas conformes aux beaux discours. Pourtant, quoi de plus naturel que les « dérives » quand ces mêmes discours dénoncent à longueur de temps les affres d’une guerre économique où l’adversaire ne nous épargne rien. C’est du moins ce que semble dire le policier de la DCRI à quelques rares universitaires réunis dans l’amphi d’une fac ! Le député Carayon, qui ne fut pas en reste pour dénoncer cette guerre, a même écrit « à armes égales », comme pour encourager une loi du talion dont on dénoncerait après coup l’application. Tu m’espionnes, je t’espionnes, quoi de plus normal ? C’est malheureusement ce discours que je dénonce depuis des années. Mais si la guerre économique est une réalité, comme tout le monde semble l’affirmer, peut-on rester les bras croisés derrière la ligne Maginot de la sécurité économique ?
Il faut se rendre à l’évidence, l’IES a sa part d’ombre. De fait, elle est pour une grande part pratiquée par d’anciens professionnels du renseignement dans un contexte où les chefs d’entreprises se disent en guerre économique. Loin des discours prescriptifs ou normatifs, l’IES est ce qu’on en fait. Et si le paradigme de la guerre économique domine, alors il faut accepter l’espionnage comme un moyen de sauver des emplois. On atteint ici la limite du romantisme métaphorique de nos brillants essayistes ! On atteint la limite des discours aseptisés et de l’éthique de salon. La guerre, c’est sale, et quand on la fait, ce n’est pas par plaisir (j'en sais quelque chose). Le reste c’est de la littérature ! Si vis pacem para bellum… D’une manière ou d’une autre, il faudra bien que chacun assume ce discours. Etant l’un des rares à le dénoncer, il est vrai dans une sorte de pacifisme militant, je m’étonne à chaque fois des cris d’orfraie qu’occasionne ce genre d’émission.
Reste, comme le dit très bien Nicolas Moinet, à porter un regard sur les pratiques issues du renseignement qui, en France, souffre historiquement d’un tropisme privilégiant l’acquisition d’informations secrètes aux dépens de la production de connaissances stratégiques. Un constat : la majorité des affaires judiciaires sont le fait d’anciens agents des services spéciaux (qui ne sont donc pas des analystes). Culture de l’espionnage et des coups tordus versus intelligence stratégique, les choses n’évolueront que si les dirigeants acquièrent eux-mêmes cette culture enviée aux Britanniques. Préférant dès lors une connaissance construite aux secrets volés, ils feront de la moindre information un avantage compétitif. Mais là encore, le discours est prescriptif. « Facile à dire ! », répondront les dirigeants. Et ils auront raison. Car il faut du temps pour faire bouger les lignes, ce à quoi contribue finalement ce documentaire.

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