Communication & Influence

Regardez ! Penser la valeur de l’incommunication. Entretien avec Dominique Wolton par Jean-Philippe Denis. Cairn Info


Jacqueline Sala
Samedi 27 Septembre 2025


Cette rencontre propose de croiser chercheurs en communication et acteurs du management pour penser la communication non comme un outil de régulation, mais comme une épreuve, une négociation permanente, un espace de reconnaissance et de dissensus. Nous n’avons jamais autant communiqué… et jamais aussi peu compris. Pour Dominique Wolton, l’« incommunication » n’est pas une panne, mais la règle du jeu : le malentendu, l’écart, la divergence sont inévitables. La vraie question n’est pas comment tout dire, mais comment vivre avec ce qu’on ne comprend pas.



Voir la vidéo - 24 septembre 2025 | 90 minutes - En collaboration avec IQSOG
 

"L'information, c'est le message. La communication, c'est la relation."

À rebours de la fascination contemporaine pour les flux, les interfaces et la maîtrise technique, Dominique Wolton défend une approche de la communication qui se veut d’abord politique, anthropologique et relationnelle. Une approche qui refuse de dissocier les individus de leurs contextes et qui voit dans l’incommunication non pas un échec, mais une donnée constitutive, fertile même, de la vie sociale.

Les organisations modernes ne sont pas épargnées par cette tension. Elles oscillent entre l’exigence de clarté, de coordination et d’alignement, et l’expérience quotidienne de l’ambiguïté, des décalages entre intentions et résultats, entre décisions et pratiques, entre discours et action. Dans ce jeu d’écarts, la communication prend souvent une dimension paradoxale. Reconnaître la valeur de l’incommunication, c’est redonner toute sa place aux médiations, aux lenteurs, aux malentendus qui façonnent le lien collectif. C’est aussi interroger la portée stratégique du non-dit, de l’imperfection, de l’écart assumé. En ce sens, les analyses de Dominique Wolton esquissent une autre manière d’envisager le pouvoir, la parole et la responsabilité.


Cette rencontre  entend justement faire dialoguer deux mondes trop souvent cloisonnés : celui des chercheurs en sciences de la communication et celui des spécialistes du management. Elle invite à penser la communication non comme un simple outil de régulation, mais comme une épreuve, une négociation permanente, un espace de reconnaissance et de dissensus. Pour Dominique Wolton, "l'incommunication" ne désigne pas une absence de communication, mais plutôt une forme paradoxale de saturation. Dans nos sociétés hyperconnectées, où les flux d'information circulent en continu, il observe que la multiplication des échanges ne garantit ni la compréhension ni le dialogue. Au contraire, elle peut engendrer une fragmentation des discours, une surabondance de messages qui se croisent sans se rencontrer, et une illusion de transparence qui masque les véritables enjeux de la relation humaine.
L'incommunication, chez Dominique Wolton, traduit cette tension entre le désir de communiquer et l'impossibilité de se comprendre pleinement. Elle révèle les limites de la technique face à la complexité du langage, des cultures, des identités. Ce n’est pas un échec de la communication en soi, mais une condition inhérente à toute interaction humaine : le malentendu, le décalage, la pluralité des interprétations. En somme, il nous invite à penser la communication non comme une évidence, mais comme un effort, une négociation permanente entre des subjectivités qui ne coïncident jamais tout à fait.

Dominique Wolton est directeur de recherche émérite du CNRS, fondateur et directeur de la revue Hermès (CNRS Éditions), consacrée aux enjeux culturels, politiques et scientifiques de la communication. Il a mené une œuvre pionnière sur la distinction entre information et communication, sur la place du malentendu dans les échanges humains, et sur les médiations nécessaires au dialogue dans les sociétés complexes. Il est notamment l’auteur de Penser la communication (Flammarion, 1997) et Informer n’est pas communiquer (CNRS Éditions, 2021). Il a aussi dirigé de nombreuses publications sur les relations entre science, politique et médias