Ce Salon des Maires a montré que l’intelligence territoriale n’est pas une abstraction technologique. Elle s’incarne dans des outils concrets, des expérimentations locales et une volonté partagée de transformer la gouvernance. Les territoires deviennent intelligents non pas pour briller, mais pour anticiper, protéger et impliquer leurs citoyens.
Les maires voient dans l’intelligence territoriale une opportunité, mais expriment aussi des inquiétudes fortes : manque de moyens, dépendance technologique et crainte d’un éloignement du citoyen.
Un fil conducteur des échanges
Les acteurs publics ont insisté sur la nécessité de mieux exploiter la donnée pour anticiper les crises et accompagner les transitions. Le projet de jumeau numérique de la France, porté par l’IGN, le Cerema et Inria, illustre cette ambition : il s’agit de donner aux élus des outils de simulation capables de rendre visibles les dynamiques locales, qu’il s’agisse d’urbanisme, de mobilité ou de gestion des risques climatiques.
La transition énergétique et environnementale a également occupé une place centrale. Les collectivités cherchent à réduire leur empreinte carbone, à optimiser leurs réseaux d’eau et d’énergie, et à développer des mobilités plus durables. Dans ce contexte, l’intelligence territoriale devient un levier pour concilier contraintes budgétaires et innovation frugale.
Un autre enjeu fort est celui de la souveraineté numérique. Les débats ont souligné l’importance de ne pas dépendre uniquement des géants technologiques, mais de construire une intelligence artificielle souveraine, adaptée aux besoins des territoires. La question de la sécurité des élus s’est aussi invitée dans les discussions, avec la présentation par la Gendarmerie nationale de dispositifs numériques destinés à renforcer la protection locale.
Enfin, le Salon a mis en lumière la montée en puissance de la participation citoyenne, facilitée par des plateformes numériques qui permettent d’associer les habitants aux décisions. La coopération interterritoriale, quant à elle, apparaît comme une voie incontournable pour mutualiser les données et les infrastructures.
L’intelligence territoriale se dessine comme une alliance entre la donnée, l’écologie et la souveraineté numérique, au service d’une gouvernance plus anticipatrice, plus sécurisée et plus participative.
Territoires intelligents : quand la donnée réinvente la gouvernance locale
Difficile d'échapper aux écrans géants de l’IGN et du Cerema. Sur ces cartes animées, les territoires prennent vie : routes, bâtiments, flux de mobilité, zones à risque. C’est le jumeau numérique de la France, une innovation qui fascine les élus. « Nous pouvons enfin tester nos choix avant de les appliquer », glisse un maire, impressionné par la possibilité de simuler l’impact d’un nouvel aménagement ou d’une crue soudaine.
Un peu plus loin, l’effervescence se concentre autour des stands dédiés à la participation citoyenne augmentée. Les plateformes numériques présentées permettent d’organiser des consultations en ligne, de recueillir des avis en temps réel et même de lancer des budgets participatifs. Les élus y voient un moyen de renouer le dialogue avec des habitants souvent éloignés des instances locales.
Dans l’espace consacré à la transition écologique, les démonstrateurs rivalisent d’ingéniosité. Capteurs intelligents pour surveiller la consommation d’eau, systèmes de pilotage des réseaux électriques, solutions de mobilité douce : les réseaux énergétiques intelligents deviennent la colonne vertébrale de territoires plus sobres et résilients. Les maires, confrontés à des budgets contraints, y trouvent des outils pour conjuguer efficacité et durabilité.
Mais l’innovation ne se limite pas à la technique. Les débats sur la souveraineté numérique ont marqué les esprits. Plusieurs collectivités expérimentent des solutions locales pour sécuriser leurs données et ne plus dépendre uniquement des géants du numérique. La Gendarmerie nationale, de son côté, a présenté des dispositifs numériques destinés à renforcer la protection des élus, un sujet sensible dans le climat actuel.
Enfin, le Salon a révélé une tendance forte : la coopération interterritoriale par la donnée. Mutualiser les infrastructures numériques, partager les informations pour mieux gérer les crises ou coordonner les mobilités, voilà une logique de solidarité qui séduit de plus en plus de communes.
Les maires reconnaissent le potentiel de l’intelligence territoriale pour anticiper les crises, renforcer la sécurité et impliquer les citoyens. Mais ils alertent sur le coût, la dépendance technologique, la complexité réglementaire et le risque d’inégalités territoriales. Leur inquiétude est claire : que l’innovation ne devienne pas un facteur supplémentaire de fracture, mais bien un outil partagé au service de tous.
La première inquiétude des élus locaux reste le financement. Les innovations numériques – jumeaux numériques, plateformes de participation, capteurs énergétiques – nécessitent des investissements lourds. Or, beaucoup de communes, notamment rurales, peinent déjà à maintenir leurs services de base. Les maires redoutent que l’intelligence territoriale devienne un luxe réservé aux grandes villes, accentuant les fractures territoriales
Autre sujet sensible : la dépendance aux géants du numérique. Les élus craignent de confier leurs données stratégiques à des plateformes étrangères, avec le risque de perdre la maîtrise de leur patrimoine informationnel. La Gendarmerie nationale, présente au Salon, a d’ailleurs insisté sur la nécessité de sécuriser les systèmes numériques des collectivités et de protéger les élus contre les cyberattaques.
Si les outils numériques promettent une participation citoyenne accrue, certains maires s’interrogent sur le risque d’un éloignement humain. Les plateformes de consultation peuvent donner l’illusion d’une démocratie directe, mais elles ne remplacent pas la rencontre physique, le dialogue de proximité et la médiation. Les élus craignent que l’intelligence territoriale ne transforme la relation citoyen-mairie en une simple interface digitale
Les maires expriment aussi une inquiétude face à la complexité juridique et réglementaire qui accompagne ces innovations. Protection des données personnelles, conformité aux normes européennes, gestion des responsabilités en cas de défaillance technique : autant de zones grises qui freinent l’adoption des outils numériques.
Enfin, l’intelligence territoriale soulève la question de l’équité entre territoires. Les communes rurales ou périurbaines craignent d’être laissées de côté, faute de moyens humains et techniques pour exploiter ces innovations. Le risque est de voir se creuser un fossé entre territoires « intelligents » et territoires «délaissés ».
L’intelligence territoriale, nouvel horizon des collectivités ?
Si l’intelligence territoriale doit être l’avenir des communes, alors elle ne peut être réservée à quelques-uns : elle doit devenir une garantie démocratique, et non une fracture supplémentaire.

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