Santé

Santé. L’arrêt de travail : un acte de régulation et de prévention au service du capital humain. Par Jan-Cédric Hansen


Jacqueline Sala
Mercredi 26 Novembre 2025


Longtemps perçu comme un indicateur d’absentéisme, l’arrêt de travail demeure encore mal compris. Trop souvent réduit à une perte de productivité pour l’entreprise ou à une charge pour la collectivité, l’arrêt de travail marque une pause indispensable à l’amélioration de la santé du salarié et donc à son efficacité économique.



Santé. L’arrêt de travail : un acte de régulation et de prévention au service du capital humain. Par Jan-Cédric Hansen

Un acte médical à finalité préventive

Du point de vue du médecin traitant, l’arrêt de travail répond d’abord à une obligation éthique et déontologique : protéger la santé du patient et éviter toute aggravation de son état. Cette prescription relève de la prévention primaire (éviter la survenue d’un dommage), secondaire (détecter précocement un trouble), tertiaire (accompagner la réhabilitation) et, plus récemment, quaternaire (prévenir la surmédicalisation ou l’arrêt inapproprié).

Ainsi, il s’inscrit pleinement dans la logique de santé publique définie par l’OMS et la HAS : mieux vaut suspendre temporairement une activité que  laisser s’installer une pathologie chronique ou un risque de désinsertion professionnelle.
 

Un levier de cohérence pour l’organisation

Dans le monde de l’entreprise, l’arrêt de travail n’est pas un accident administratif : c’est un signal d’alerte révélant une tension au sein du système productif. Une charge de travail mal régulée, un environnement psychologique défavorable, défaut d’attention à la santé des employés ou un défaut d’aménagement du poste peuvent se traduire par une altération de la santé des travailleurs.

Le chef d’entreprise, garant de la sécurité et du bien-être de ses salariés, a donc tout intérêt à considérer l’arrêt non comme une défaillance individuelle, mais comme une opportunité d’ajustement organisationnel.

Les études de l’OCDE et de l’INRS montrent que les entreprises qui intègrent cette logique de prévention voient diminuer le nombre d’arrêts prolongés, de rechutes et de départs définitifs. Autrement dit, le coût apparent de l’absence compense largement celui, invisible, d’une présence dégradée. La fatigue, l’erreur, l’accident et la démotivation sont autrement plus coûteux que la mise au repos temporaire d’un collaborateur.
 

Un investissement collectif

Sur le plan macroéconomique, l’arrêt de travail participe au maintien du capital humain national. Un salarié rétabli, soutenu et réinséré rapidement dans des conditions adaptées, retrouve plus vite sa pleine capacité contributive.

Les pays qui disposent d’un dispositif d’arrêt de travail structuré et d’une médecine du travail active enregistrent — selon l’OCDE ou la Banque mondiale —une productivité globale plus stable et des taux d’emploi plus élevés.

En évitant la désinsertion, la dépendance ou le recours aux pensions d’invalidité, l’arrêt agit comme un stabilisateur du PIB. Il ne freine pas la croissance ; il la protège.

Une fonction de santé publique

Pour la santé publique, l’arrêt de travail joue un rôle de coupure sanitaire : il limite la contagion lors d’épidémies, permet de reconstituer les défenses immunitaires et de réduire la transmission de pathologies professionnelles ou psychologiques.

Son encadrement législatif — Code du travail, Code de la sécurité sociale — vise à équilibrer la protection de l’individu et la continuité du service économique. C’est donc un outil de politique sanitaire et sociale, et non une simple commodité individuelle.
 
 

Une lecture cindynique : prévenir la rupture du cadre

Sous l’angle cindynique, l’arrêt de travail apparaît comme un mécanisme de décompression du cadre.

Dans un système où interagissent les dimensions structurelle, organisationnelle, fonctionnelle et communicationnelle, toute tension non régulée peut conduire à la rupture. L’arrêt agit alors comme une valve de sécurité : il protège l’endovolume (le collectif de travail) d’une déformation excessive du cadre (l’organisation).

Autrement dit, il permet à l’ensemble de l’écosystème — salarié, équipe, management, institution — de retrouver une cohérence opérationnelle avant qu’une crise ne devienne une catastrophe. Loin d’affaiblir la dynamique collective, il en préserve la résilience.

Une responsabilité partagée

Pour le législateur, l’arrêt de travail relève du contrat social : garantir que la santé ne soit pas sacrifiée à la performance. Pour l’économiste, c’est un instrument de régulation du capital humain. Pour le sociologue et le psychologue, c’est un espace de réappropriation du temps et de reconstruction du sens du travail.

Et pour le philosophe, il pose une question essentielle : celle du rapport entre l’homme et sa fonction. Accepter qu’un individu ait besoin de repos, c’est reconnaître sa finitude, mais aussi sa valeur.

Conclusion : la régulation avant la rupture

L’arrêt de travail, bien prescrit et bien accompagné, est un acte de prévention, de soin et de cohérence.

Il permet à l’individu de se régénérer, à l’entreprise de s’ajuster et à la société de maintenir sa force productive et son potentiel collectif.

A propos de l'auteur

Dr Jan-Cédric Hansen
Praticien hospitalier, expert en pilotage stratégique de crise, vice-président de GloHSA et de WADEM Europe, Administrateur de StratAdviser Ltd - http://www.stratadviser.com
Lien : https://www.linkedin.com/in/jancedrichansen/?originalSubdomain=fr

En collaboration avec

Jean-Marie Carrara. Docteur en Pharmacie et diplômé de Biologie Humaine.
ll est auditeur en Intelligence Economique et Stratégique à l'Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (IHEDN)
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