La France, bon dernier d'une Europe industrialisée
Le consultant Thierry Aïache, dont les travaux s'inscrivent dans le cadre des auditions du Sénat et de l'École de Guerre Économique (EGE), a exposé un constat implacable concernant la désindustrialisation française. Les chiffres, fondés notamment sur les travaux récents d'Arnaud de Morgny du CR 451, placent la France dans une position précaire : la proportion de produits manufacturés dans le PIB français est estimée à 8 ou 9 %, descendant même sous les 7 % selon les données les plus récentes.
Ce pourcentage positionne la France comme la « bonne dernière de la classe » européenne, talonnant uniquement le Luxembourg (8 % de produits manufacturés) dont l'économie repose avant tout sur les services financiers. La moyenne européenne se maintient pourtant à 15 %, l'Allemagne à 25 % et même la Suisse à 23 %.
L'aspect le plus frappant de cette récession stratégique est l'absence d'une planification officielle pour compenser cette perte. Contrairement à la Grande-Bretagne qui, il y a quarante ans, a annoncé un programme brutal de désindustrialisation en proposant une alternative claire d'économie de services, la France semble avoir subi cette régression sans stratégie déclarée ni offre de substitution. Cette absence de direction soulève des questions fondamentales sur le pilotage du pays.
Ce pourcentage positionne la France comme la « bonne dernière de la classe » européenne, talonnant uniquement le Luxembourg (8 % de produits manufacturés) dont l'économie repose avant tout sur les services financiers. La moyenne européenne se maintient pourtant à 15 %, l'Allemagne à 25 % et même la Suisse à 23 %.
L'aspect le plus frappant de cette récession stratégique est l'absence d'une planification officielle pour compenser cette perte. Contrairement à la Grande-Bretagne qui, il y a quarante ans, a annoncé un programme brutal de désindustrialisation en proposant une alternative claire d'économie de services, la France semble avoir subi cette régression sans stratégie déclarée ni offre de substitution. Cette absence de direction soulève des questions fondamentales sur le pilotage du pays.
L’indissociabilité des souverainetés
Pour Thierry Aïache, cette perte de substance ne s'arrête pas à l'industrie. La France enregistre également un recul en matière de souveraineté agroalimentaire et commerciale. Les chiffres des terres cultivables non exploitées sont jugés « astronomiques », marquant ce que l'on pourrait nommer la « désagrupérisation ». Ce déclin est exacerbé par la difficulté à attirer et retenir les talents dans l'agriculture, conduisant à une concentration des terres.
Face à ces vulnérabilités structurelles, Thierry Aïache insiste sur une thèse centrale : la souveraineté économique et la souveraineté politique sont indissociables. Il est un préalable absolu de rétablir une souveraineté politique pour espérer retrouver une souveraineté économique. Il y a même un impératif de « superposition exacte » de l'espace géographique sur lequel ces deux souverainetés s'appliquent.
Face à ces vulnérabilités structurelles, Thierry Aïache insiste sur une thèse centrale : la souveraineté économique et la souveraineté politique sont indissociables. Il est un préalable absolu de rétablir une souveraineté politique pour espérer retrouver une souveraineté économique. Il y a même un impératif de « superposition exacte » de l'espace géographique sur lequel ces deux souverainetés s'appliquent.
L'Intelligence Économique : dernier rempart du capitalisme patrimonial
L'Intelligence Économique est mobilisée pour contrer ces menaces. Le Groupe ADIT, désormais renforcé par le rachat de DCI, a réaffirmé son rôle dans l’accompagnement de ses clients sur les enjeux de souveraineté, agissant en lien direct avec les intérêts de l'État français. Ses activités s'étendent au renseignement d’affaires, à l’influence, et aux services de conseil et de formation en défense et sécurité.
De son côté, la Française des Jeux (FDJ), bien que transformée par sa privatisation partielle et ses acquisitions à l'étranger, demeure liée à l’État (qui détient 20 % de son capital). En tant que monopole historique confronté à une concurrence accrue, la FDJ utilise l'IE comme un « outil puissant de défense et de conquête ». Oliviero Capone (FDJ United) a notamment signalé que les menaces proviennent de multinationales du jeu, souvent établies dans des paradis fiscaux exotiques, pratiquant le jeu illégal ou gris, ce qui menace la souveraineté de la FDJ et les intérêts français. L'entreprise cherche à atteindre une "taille critique intellectuelle" en s'ouvrant aux professionnels de l'intelligence et à l'État.
De son côté, la Française des Jeux (FDJ), bien que transformée par sa privatisation partielle et ses acquisitions à l'étranger, demeure liée à l’État (qui détient 20 % de son capital). En tant que monopole historique confronté à une concurrence accrue, la FDJ utilise l'IE comme un « outil puissant de défense et de conquête ». Oliviero Capone (FDJ United) a notamment signalé que les menaces proviennent de multinationales du jeu, souvent établies dans des paradis fiscaux exotiques, pratiquant le jeu illégal ou gris, ce qui menace la souveraineté de la FDJ et les intérêts français. L'entreprise cherche à atteindre une "taille critique intellectuelle" en s'ouvrant aux professionnels de l'intelligence et à l'État.
Le Front Informationnel : capitulation face au populisme
Si la souveraineté économique est menacée par la désindustrialisation, la souveraineté démocratique est minée par la crise de la modération de contenu. L'actualité récente, marquée par la décision de Meta, rend le combat pour l'IE plus essentiel encore.
Le 7 janvier 2025, Mark Zuckerberg avait annoncé la fin du programme de vérification des faits de Meta aux États-Unis, remplacé par un système de « notes communautaires ». Zuckerberg a justifié cette décision en affirmant que les vérificateurs étaient « trop orientés politiquement » et qu'ils avaient « plus participé à réduire la confiance qu'ils ne l'ont améliorée ». Cette capitulation, saluée par Elon Musk et Donald Trump, est perçue comme un alignement sur le « populisme informatif ».
Cette décision externalise le coût du fact-checking. En Europe, où les ingérences informationnelles étrangères (Russie ou Chine) prolifèrent, la suppression éventuelle de ces programmes menacerait l'intégrité du débat public. La Commission européenne et les États membres devront activement défendre le Digital Service Act (DSA), un rempart jugé « fragile », d'autant plus que les médias traditionnels n’auraient pas les moyens financiers de reprendre ce travail.
Le 7 janvier 2025, Mark Zuckerberg avait annoncé la fin du programme de vérification des faits de Meta aux États-Unis, remplacé par un système de « notes communautaires ». Zuckerberg a justifié cette décision en affirmant que les vérificateurs étaient « trop orientés politiquement » et qu'ils avaient « plus participé à réduire la confiance qu'ils ne l'ont améliorée ». Cette capitulation, saluée par Elon Musk et Donald Trump, est perçue comme un alignement sur le « populisme informatif ».
Cette décision externalise le coût du fact-checking. En Europe, où les ingérences informationnelles étrangères (Russie ou Chine) prolifèrent, la suppression éventuelle de ces programmes menacerait l'intégrité du débat public. La Commission européenne et les États membres devront activement défendre le Digital Service Act (DSA), un rempart jugé « fragile », d'autant plus que les médias traditionnels n’auraient pas les moyens financiers de reprendre ce travail.
Fédérer pour la résilience
Face à ces menaces multidimensionnelles, le SYNFIE s’engage à fédérer les différentes chapelles (universitaires, écoles, professionnels), un rôle considéré comme essentiel pour donner une nouvelle dimension à l'IE. La feuille de route est ambitieuse : le syndicat prévoit d'accueillir Arnaud Montebourg, figure politique engagée sur les sujets de souveraineté et de réindustrialisation, ainsi que le lancement d'un séminaire sur les méthodes et outils de l’IE (dirigé par Emmanuelle Michalet) et de nouvelles « Rencontres du SYNFIE » pour créer des synergies entre adhérents.
Ce que l'on peut retenir...
L'Intelligence Économique n'a pas encore atteint son potentiel maximal.
Elle est, au-delà d'un simple outil de veille, la condition nécessaire pour défendre le capitalisme patrimonial et regagner la souveraineté politique, économique et informationnelle perdue dans un environnement mondial où l’absence de règles et d'éthique est la norme pour certains compétiteurs.
Elle est, au-delà d'un simple outil de veille, la condition nécessaire pour défendre le capitalisme patrimonial et regagner la souveraineté politique, économique et informationnelle perdue dans un environnement mondial où l’absence de règles et d'éthique est la norme pour certains compétiteurs.
A propose de François JEANNE-BEYLOT
François JEANNE-BEYLOT est Président du Syndicat Français de l'Intelligence Économique (SYNFIE). Spécialiste reconnu de la recherche d’information (OSINT), l’intelligence économique, la veille et l’influence depuis près de 25 ans, il a créé en 2000 la société Troover dont il est toujours gérant qui accompagne des clients privés et institutionnels sur ces problématiques. Il a également créé en 2007 une filiale spécialisée dans l’influence et la guerre de l’information digitale, InMediatic. Professeur associé à l’École de Guerre Économique de Paris et Rabat, professeur fondateur de l’École Panafricaine d’Intelligence Économique et stratégique de Dakar, il intervient régulièrement à l’Institut des Hautes Études de la Défense Nationale (IHEDN). Habitué du continent africain, il est l’initiateur et le coordinateur des Assises Africaines et Francophones de l’Intelligence Économique qui se sont imposées comme le rendez-vous incontournable de la communauté francophone de la sécurité économique en Afrique. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont le dernier l’Atlas de l’Intelligence Economique en Afrique, publié en novembre 2021 chez VA Editions.