Un répit dicté par la nécessité
Après des années de tensions tarifaires, d'accusations croisées et de menaces voilées, Washington et Pékin ont décidé d'interrompre — provisoirement — la spirale de confrontation économique. Donald Trump et Xi Jinping, réunis à Busan, ont annoncé une réduction partielle des droits de douane américains et un engagement chinois à coopérer dans la lutte contre le fentanyl, tout en garantissant la stabilité des exportations de terres rares. Ce geste mutuel ne relève pas de l'idéalisme diplomatique, mais d'un calcul pragmatique.
Trump cherche à consolider le soutien électoral du Midwest agricole et à montrer qu'il peut maîtriser l'inflation importée. Xi, pour sa part, tente de freiner la fuite des capitaux et de redonner confiance à une économie ralentie par la contraction mondiale et les sanctions occidentales.
Trump cherche à consolider le soutien électoral du Midwest agricole et à montrer qu'il peut maîtriser l'inflation importée. Xi, pour sa part, tente de freiner la fuite des capitaux et de redonner confiance à une économie ralentie par la contraction mondiale et les sanctions occidentales.
Les minerais stratégiques, cœur de la rivalité
L'élément central de cette trêve réside dans le contrôle des terres rares. Pékin détient plus de 70 % de la production mondiale de ces minerais essentiels à l'électronique, à la défense et à l'automobile électrique. Depuis deux ans, la Chine brandit la menace de restreindre ses exportations, arme redoutable face à un Occident dépendant. En acceptant de maintenir un flux régulier, Xi achète du temps ; Trump, lui, gagne une respiration pour ses industries.
Mais derrière la façade d'apaisement, la stratégie américaine vise à se libérer de cette dépendance : Washington finance de nouveaux partenariats avec le Japon, l'Australie et l'Asie du Sud-Est afin de diversifier les chaînes d'approvisionnement. Cette "diplomatie minérale" préfigure une reconfiguration mondiale des ressources technologiques.
Mais derrière la façade d'apaisement, la stratégie américaine vise à se libérer de cette dépendance : Washington finance de nouveaux partenariats avec le Japon, l'Australie et l'Asie du Sud-Est afin de diversifier les chaînes d'approvisionnement. Cette "diplomatie minérale" préfigure une reconfiguration mondiale des ressources technologiques.
Commerce, santé, agriculture : un troc géopolitique
La trêve s'articule autour d'un troc précis : coopération chinoise contre les précurseurs du fentanyl, reprise des importations de soja et assouplissement partiel des taxes américaines. Trump joue sur plusieurs tableaux : soutenir les fermiers de l'intérieur, réduire la dépendance pharmaceutique aux flux illégaux chinois et présenter à l'opinion une victoire à la fois morale et économique.
Pour Xi, cet accord permet de restaurer la crédibilité d'une puissance mise sous pression, tout en gardant la main sur les technologies critiques. C'est une détente calculée : Pékin donne des gages limités sans céder sur les enjeux de souveraineté industrielle.
Pour Xi, cet accord permet de restaurer la crédibilité d'une puissance mise sous pression, tout en gardant la main sur les technologies critiques. C'est une détente calculée : Pékin donne des gages limités sans céder sur les enjeux de souveraineté industrielle.
Les marchés entre euphorie et scepticisme
Les réactions financières n'ont pas tardé : en Asie, la bourse de Shanghai a reculé malgré l'annonce, tandis que les indices américains se sont stabilisés. Les investisseurs ont compris que la trêve est temporaire : un apaisement tactique dans une guerre structurelle. Même le prix de la soya, après une brève hausse, s'est affaibli, signe que les engagements chinois demeurent symboliques.
Dans ce climat de méfiance, chaque concession est interprétée comme un signal de faiblesse. Les États-Unis cherchent à regagner la maîtrise des chaînes industrielles, la Chine à préserver son rôle de fournisseur incontournable : deux logiques opposées qui ne peuvent coexister que sous tension.
Dans ce climat de méfiance, chaque concession est interprétée comme un signal de faiblesse. Les États-Unis cherchent à regagner la maîtrise des chaînes industrielles, la Chine à préserver son rôle de fournisseur incontournable : deux logiques opposées qui ne peuvent coexister que sous tension.
L'ombre de la guerre technologique
Curieusement, ni Trump ni Xi n'ont abordé la question des semi-conducteurs avancés, notamment la puce Blackwell de Nvidia, véritable pivot de la révolution de l'intelligence artificielle. Les restrictions américaines sur les exportations demeurent inchangées, preuve que la confrontation essentielle ne porte plus sur les tarifs, mais sur la suprématie numérique.
Depuis 2018, la guerre commerciale s'est muée en guerre technologique : contrôle des brevets, domination des plateformes, maîtrise de l'IA. Les taxes ne sont que l'écran d'un affrontement bien plus profond, où chaque innovation devient une arme de souveraineté.
Depuis 2018, la guerre commerciale s'est muée en guerre technologique : contrôle des brevets, domination des plateformes, maîtrise de l'IA. Les taxes ne sont que l'écran d'un affrontement bien plus profond, où chaque innovation devient une arme de souveraineté.
Une trêve stratégique, non une réconciliation
L'accord de Busan n'est donc pas une paix économique, mais une suspension utile avant de nouveaux orages. Les deux dirigeants ont échangé des gestes symboliques pour répondre à leurs besoins internes, tout en poursuivant la compétition mondiale.
Trump veut prouver que l'Amérique peut négocier en position de force ; Xi entend démontrer que la Chine reste incontournable dans l'ordre mondial. Cette coexistence prudente annonce un nouveau type de bipolarité : ni guerre ouverte, ni véritable coopération, mais une rivalité stabilisée par l'interdépendance.
Trump veut prouver que l'Amérique peut négocier en position de force ; Xi entend démontrer que la Chine reste incontournable dans l'ordre mondial. Cette coexistence prudente annonce un nouveau type de bipolarité : ni guerre ouverte, ni véritable coopération, mais une rivalité stabilisée par l'interdépendance.
Vers un nouvel équilibre mondial
L'épisode illustre un phénomène plus vaste : la fin du rêve d'une mondialisation apolitique. Les flux commerciaux sont désormais dictés par la géostratégie, non par le marché. Les ressources naturelles, les technologies et la santé publique deviennent les leviers d'un pouvoir global où chaque accord dissimule une manœuvre d'influence.
Cette trêve sino-américaine, fragile et circonstancielle, révèle l'état du monde : un équilibre instable, où l'économie n'apaise plus les conflits, mais les redéfinit. Derrière les sourires de Busan, c'est la compétition pour l'hégémonie du XXIᵉ siècle qui continue, méthodique et implacable.
Cette trêve sino-américaine, fragile et circonstancielle, révèle l'état du monde : un équilibre instable, où l'économie n'apaise plus les conflits, mais les redéfinit. Derrière les sourires de Busan, c'est la compétition pour l'hégémonie du XXIᵉ siècle qui continue, méthodique et implacable.
A propos de ...
Giuseppe Gagliano a fondé en 2011 le réseau international Cestudec (Centre d'études stratégiques Carlo de Cristoforis), basé à Côme (Italie), dans le but d'étudier, dans une perspective réaliste, les dynamiques conflictuelles des relations internationales. Ce réseau met l'accent sur la dimension de l'intelligence et de la géopolitique, en s'inspirant des réflexions de Christian Harbulot, fondateur et directeur de l'École de Guerre Économique (EGE).
Il collabore avec le Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) (Lien),https://cf2r.org/le-cf2r/gouvernance-du-cf2r/ et avec l'Université de Calabre dans le cadre du Master en Intelligence, et avec l'Iassp de Milan (Lien).https://www.iassp.org/team_master/giuseppe-gagliano/
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