STRATEGIES

Trump, le G20 et la guerre économique : Miami comme vitrine du patriotisme économique américain

Tribune libre Par Giuseppe Gagliano, Cestudec


Jacqueline Sala
Mardi 9 Septembre 2025


En installant le G20 2026 sur son propre green, Donald Trump abat ses cartes : transformer un sommet mondial en vitrine personnelle et en démonstration de force économique. Miami ne sera pas qu’un décor tropical, mais un champ de bataille où se joueront normes, capitaux et influence. Dans cette guerre économique à ciel ouvert, le terrain appartient à Trump — et quiconque veut y entrer devra accepter ses règles.



Trump, le G20 et la guerre économique : Miami comme vitrine du patriotisme économique américain

Un sommet dans un décor privé

En annonçant que le sommet du G20 de décembre 2026 se tiendra dans son complexe de golf Trump National Doral à Miami, Donald Trump a une fois de plus démontré son style politique singulier : confondre intérêts publics et intérêts privés, tout en assumant un patriotisme économique sans complexe.
Ce choix, loin d'être anecdotique, illustre la manière dont l'actuel président des États-Unis transforme chaque événement international en instrument de puissance économique, et parfois en levier personnel.

L'Amérique d'abord, jusque dans la diplomatie

Trump s'était déjà illustré durant son premier mandat en tentant d'imposer un agenda résolument « America First ».
Mais aujourd'hui, son approche va plus loin : le lieu même du sommet devient un outil de communication et de domination symbolique.
Le message est clair : si les grandes puissances du monde veulent discuter de commerce, de climat ou de sécurité, elles devront le faire sur un terrain appartenant à la famille Trump. Derrière l'apparence de provocation, il y a une cohérence stratégique : incarner le patriotisme économique en donnant à voir une Amérique qui ne s'excuse plus de défendre ses propres intérêts.

La grille de lecture de la guerre économique

Selon l'École de guerre économique de Paris, la mondialisation n'a jamais supprimé la conflictualité économique ; elle l'a simplement transformée. Les États ne se contentent plus d'affrontements militaires, ils s'affrontent par les normes, les marchés, les infrastructures, les ressources.
Le G20 de Miami, placé dans l'ombre du logo Trump, devient ainsi un théâtre de guerre économique. Les États-Unis y affirmeront leur rôle de puissance normative, imposant leurs règles en matière de commerce, d'énergie ou de numérique, tout en rappelant aux alliés comme aux adversaires que Washington reste la place centrale où se décide l'ordre économique mondial.

Patriotisme économique et soft power

Le patriotisme économique, tel que défini par les stratèges français, consiste à protéger et promouvoir les intérêts nationaux face à la concurrence étrangère.
Trump le pratique de façon radicale : rapatrier des investissements, réduire la dépendance aux importations, utiliser les sanctions comme arme économique, et transformer chaque négociation commerciale en rapport de force.
Le G20 de Miami sera donc l'occasion de mettre en scène cette logique, en rappelant que, dans sa vision, la prospérité des États-Unis doit primer sur toute autre considération.

Un G20 sous tension géopolitique

La présence potentielle de Vladimir Poutine et Xi Jinping, évoquée par Trump, ajoute une dimension explosive.
Le sommet ne sera pas seulement une réunion technique de coordination macroéconomique, mais un espace où s'affrontent trois visions du monde : l'Amérique du « patriotisme économique », la Chine du « socialisme de marché » et la Russie du nationalisme énergétique.
Chacun utilisera la scène pour défendre ses intérêts vitaux : chaînes d'approvisionnement, technologies stratégiques, accès aux matières premières.

Les paradoxes d'une stratégie

En accueillant le G20 dans une propriété privée, Trump cherche à montrer que l'économie américaine est indivisible de sa puissance politique. Mais ce geste révèle aussi un paradoxe : le patriotisme économique américain repose sur l'affirmation de l'hégémonie, mais cette hégémonie est fragilisée par la montée des puissances émergentes, les contestations des alliés européens et les incertitudes des marchés financiers.
L'affichage d'un patriotisme économique offensif masque mal les vulnérabilités d'une Amérique qui doit encore convaincre de sa capacité à diriger l'ordre mondial.

Le symbole de Miami

Miami n'est pas seulement un décor ensoleillé. Ville-carrefour entre les Amériques, vitrine d'une économie mondialisée mais dominée par les capitaux nord-américains, elle incarne parfaitement le message trumpien : les États-Unis restent le cœur battant de l'économie mondiale, et quiconque veut y avoir accès doit se plier à leurs règles.
Ce choix révèle l'essence même de la guerre économique : l'espace n'est jamais neutre, il est toujours instrumentalisé pour affirmer une domination.

Conclusion : le G20 comme champ de bataille invisible

En apparence, le G20 de 2026 sera une rencontre diplomatique de haut niveau. En réalité, il sera un champ de bataille invisible, où s'exerceront les logiques de la guerre économique.
À travers son choix de Miami, Trump affirme une vision qui correspond en tous points aux analyses de la guerre économique française : celle d'un monde où les intérêts nationaux se défendent non seulement par les armées, mais par les capitaux, les normes, les alliances et les symboles. Le patriotisme économique devient alors l'arme centrale d'une Amérique déterminée à rester au sommet de la hiérarchie mondiale.

A propos de l'auteur

Giuseppe Gagliano a fondé en 2011 le réseau international Cestudec (Centre d'études stratégiques Carlo de Cristoforis), basé à Côme (Italie), dans le but d'étudier, dans une perspective réaliste, les dynamiques conflictuelles des relations internationales. Ce réseau met l'accent sur la dimension de l'intelligence et de la géopolitique, en s'inspirant des réflexions de Christian Harbulot, fondateur et directeur de l'École de Guerre Économique (EGE).
Il collabore avec le Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) (Lien),https://cf2r.org/le-cf2r/gouvernance-du-cf2r/ et avec l'Université de Calabre dans le cadre du Master en Intelligence, et avec l'Iassp de Milan (Lien).https://www.iassp.org/team_master/giuseppe-gagliano/
La responsabilité de la publication incombe exclusivement aux auteurs individuels.

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