L'Irak suspend les paiements : l'état de force majeure à West Qurna-2
C'est en Irak que le choc se fait le plus sentir.
Lukoil y exploite le gigantesque gisement pétrolier de West Qurna-2, situé à 65 kilomètres au nord-ouest de Bassora. Avec une production d'environ 480 000 barils par jour — soit près de 9 % de la production nationale irakienne — ce site constitue la ressource étrangère la plus précieuse du groupe russe.
Lukoil y exploite le gigantesque gisement pétrolier de West Qurna-2, situé à 65 kilomètres au nord-ouest de Bassora. Avec une production d'environ 480 000 barils par jour — soit près de 9 % de la production nationale irakienne — ce site constitue la ressource étrangère la plus précieuse du groupe russe.
Mais sous la pression des sanctions américaines, Bagdad a gelé tous les paiements en espèces et en pétrole dus à la société, forçant Lukoil à déclarer le 11 novembre l'état de "force majeure". Si la situation n'est pas résolue dans les six mois, la compagnie cessera ses activités et se retirera totalement du projet. En novembre, quelque quatre millions de barils destinés aux paiements en nature ont déjà été annulés, et la compagnie publique SOMO a suspendu tout contrat de fourniture.
Washington ferme la porte à Gunvor : un isolement financier sans précédent
Le projet de Lukoil de vendre ses actifs étrangers à Gunvor s'est heurté à l'opposition catégorique de Washington, qui redoute que l'opération ne permette à Moscou de contourner les sanctions.
Lukoil est pourtant la société russe la plus exposée aux marchés internationaux, produisant un demi-million de barils par jour hors de Russie et participant à de grands projets en Azerbaïdjan et au Kazakhstan.
Le blocage américain équivaut à une mise à l'écart complète du système énergétique mondial.
Lukoil est pourtant la société russe la plus exposée aux marchés internationaux, produisant un demi-million de barils par jour hors de Russie et participant à de grands projets en Azerbaïdjan et au Kazakhstan.
Le blocage américain équivaut à une mise à l'écart complète du système énergétique mondial.
L'Europe de l'Est se tourne vers la "dérussification" énergétique
En parallèle, la Bulgarie a engagé un bras de fer avec le groupe russe.
Le Premier ministre Rosen Zhelyazkov a annoncé que son gouvernement préparait la nationalisation de la raffinerie Neftohim Burgas, la plus grande des Balkans, d'une capacité de 190 000 barils par jour. Sofia a adopté une loi autorisant la prise de contrôle de l'installation et sa revente à un opérateur non russe.
C'est un tournant majeur dans la stratégie énergétique bulgare, qui vise à réduire sa dépendance vis-à-vis de Moscou et à renforcer sa sécurité énergétique dans le cadre de l'Union européenne.
Le Premier ministre Rosen Zhelyazkov a annoncé que son gouvernement préparait la nationalisation de la raffinerie Neftohim Burgas, la plus grande des Balkans, d'une capacité de 190 000 barils par jour. Sofia a adopté une loi autorisant la prise de contrôle de l'installation et sa revente à un opérateur non russe.
C'est un tournant majeur dans la stratégie énergétique bulgare, qui vise à réduire sa dépendance vis-à-vis de Moscou et à renforcer sa sécurité énergétique dans le cadre de l'Union européenne.
Un instrument de guerre économique
Les mesures américaines s'inscrivent dans la stratégie du président Donald Trump pour affaiblir les ressources financières du Kremlin et accélérer la fin de la guerre en Ukraine.
En ciblant Lukoil et Rosneft, Washington envoie un message clair : les entreprises énergétiques russes ne pourront plus compter sur les marchés mondiaux pour financer leurs activités.
L'objectif est d'isoler la Russie, d'assécher ses revenus pétroliers et de forcer ses partenaires à se repositionner.
Un tournant géopolitique
L'affaire Lukoil illustre les effets concrets de la guerre économique dans l'ordre mondial post-ukrainien.
Pour Moscou, la perte de ses actifs étrangers signifie la fin de son influence dans les circuits énergétiques globaux. Pour les pays du Moyen-Orient et d'Europe de l'Est, c'est le début d'une redéfinition stratégique : diversifier les partenaires, sécuriser les approvisionnements, et se prémunir contre la volatilité géopolitique.
Pour Moscou, la perte de ses actifs étrangers signifie la fin de son influence dans les circuits énergétiques globaux. Pour les pays du Moyen-Orient et d'Europe de l'Est, c'est le début d'une redéfinition stratégique : diversifier les partenaires, sécuriser les approvisionnements, et se prémunir contre la volatilité géopolitique.
Mais cette reconfiguration comporte aussi un risque : celui de remplacer une dépendance russe par une dépendance envers d'autres puissances énergétiques. Lukoil, jadis symbole de la mondialisation russe, devient aujourd'hui le miroir d'un empire énergétique en déclin — et le signe avant-coureur d'un nouvel équilibre mondial fondé non plus sur le pétrole, mais sur la géopolitique de la vulnérabilité.
A propos de ...
Giuseppe Gagliano a fondé en 2011 le réseau international Cestudec (Centre d'études stratégiques Carlo de Cristoforis), basé à Côme (Italie), dans le but d'étudier, dans une perspective réaliste, les dynamiques conflictuelles des relations internationales. Ce réseau met l'accent sur la dimension de l'intelligence et de la géopolitique, en s'inspirant des réflexions de Christian Harbulot, fondateur et directeur de l'École de Guerre Économique (EGE).
Il collabore avec le Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) (Lien),https://cf2r.org/le-cf2r/gouvernance-du-cf2r/ et avec l'Université de Calabre dans le cadre du Master en Intelligence, et avec l'Iassp de Milan (Lien).https://www.iassp.org/team_master/giuseppe-gagliano/
La responsabilité de la publication incombe exclusivement aux auteurs individuels.

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