Intelligence artificielle

IA : révolution ou mirage ? Un webinaire de Yann Gourvennec


David Commarmond
Lundi 30 Juin 2025


"IA : Révolution ou Mirage ?" Le webinaire de Visionary Marketing, avec Frédéric et Alain, décrypte l'IA générative. Au-delà du hype Vivatech, explorez les limites techniques, le décalage d'adoption et les dangers de l'IA. Comprenez le vrai impact !




La chaîne YouTube "Visionary Marketing " a récemment organisé un webinaire passionnant et essentiel intitulé "IA : révolution ou mirage ?". Ce webinaire, qui a réuni des experts de renom comme Frédéric Cavazza, Alain Lefebvre, et devait initialement compter sur une intervenante supplémentaire. Ce webinaire avait pour ambition d'éclaircir l'un des sujets les plus discutés de notre époque : l'intelligence artificielle, et plus spécifiquement l'IA générative. Dès l'introduction, le ton est donné : la "révolution" de l'IA est-elle aussi instantanée qu'on le prétend, alors que GPT-3 est sorti dès 2020, soit il y a déjà six ans ? La discussion a également rebondi sur le salon Vivatech, salué comme une prouesse marketing et communicationnelle, mais qui soulevait des questions sur la véritable innovation technologique présentée.

Les observations et arguments de Frédéric Cavazza

Frédéric a souligné l'omniprésence des chatbots et agents intelligents sur les stands de Vivatech, au point d'observer non pas une uniformisation des solutions, mais une uniformisation flagrante des discours. Selon lui, cette approche révèle un manque de créativité, les entreprises s'appuyant sur ces termes génériques pour vendre rapidement des solutions complexes et difficiles à expliquer. Il a dressé un parallèle édifiant avec l'adoption généralisée d'Ajax il y a 15 ans, qui, bien qu'apportant un certain confort, a fini par ne plus être un facteur différenciant. Pour Frédéric, nous assistons aujourd'hui à une "chatbotisation" et une "agentisation" de l'existant, un simple repackaging de services "à la sauce IA".
 
Concernant l'adoption de l'IA, Frédéric perçoit un décalage "carrément" important entre l'engouement médiatique et l'adoption concrète sur le terrain. Il a pointé du doigt les statistiques d'adoption de ChatGPT, souvent biaisées, où connaître ou avoir utilisé l'outil une seule fois suffit à répondre "oui". Il estime que le pourcentage d'utilisateurs "avancés" (ceux qui ont une version payante, font des "prompts" structurés ou créent leurs propres agents) serait bien plus faible. Beaucoup d'utilisateurs sont des "observateurs" ou "touristes" qui ne contribuent pas réellement à la conduite du changement.
 
Frédéric insiste sur le fait que l'IA est un concept, et non une technologie ou un outil unique. Il existe différentes approches (logiques, statistiques, génératives), et l'IA générative tend à capter toute l'attention, éclipsant d'autres usages bien maîtrisés et fonctionnels. Il reconnaît que l'IA produit du contenu de qualité, mais souvent "plat" et "lissé", soulevant le risque de perdre la capacité à rédiger du contenu intéressant à force d'avoir trop de contenu standardisé. Cependant, il suggère que les modèles de raisonnement pourraient aider à structurer les connaissances, un processus appelé "distillation" qui permet de transférer des connaissances de grands modèles vers des plus petits, exploitables par tous.
 
Enfin, Frédéric a mis en lumière la résistance au changement face à l'IA. Il a partagé des anecdotes où des employés refusaient littéralement de toucher à l'IA, par peur et stress, illustrant une réticence profonde qui n'est pas mesurée par les chiffres d'adoption superficiels. Néanmoins, il conclut que, qu'on le veuille ou non, l'IA "déferle sur le monde" et qu'il faudra "faire avec", à l'image d'Internet ou de Wikipédia.

Les mises en garde et analyses d'Alain Lefebvre

Alain a amplifié la critique du "hype" autour de l'IA, rappelant une étude du CES 2020 où 40 % des exposants clamaient utiliser l'IA sans en avoir la moindre trace. Il a cité le scandale Wirecard comme exemple de "AI washing", où les prétendues performances par l'IA s'appuyaient en réalité sur de simples feuilles Excel. Pour Alain, la "mode" est ce qui se démode.
 
Il a rectifié la notion d'"hallucination" souvent attribuée aux systèmes d'IA, qualifiant ce terme d'anthropomorphisme. Selon lui, le terme exact est la "confabulation". Les systèmes d'IA, loin de "raisonner" ou de "penser", fonctionnent comme des systèmes statistiques et probabilistes, cherchant l'élément le plus probable à placer après un "prompt", à l'image de l'autocomplétion. Comprendre cela permet de "couper court à tous les délires" autour de l'IA, notamment l'idée d'une AGI (Artificial General Intelligence) imminente avec les LLM actuels, qu'il juge "tout à fait improbable". Pour approfondir, il recommande le livre de Daniel Andler, "Intelligence artificielle, intelligence humaine : la double énigme".
 
Alain a critiqué l'excès de simplifications et de raccourcis, citant une étude d'Apple montrant l'incapacité de ces systèmes à faire preuve de raisonnement, même pour des problèmes simples comme les Tours de Hanoï. Il a appuyé les déclarations de Yann LeCun (patron de la R&D chez Meta) selon lesquelles les modèles de langage actuels ont déjà "fait le tour" de l'Internet et ne pourront plus progresser significativement en raison d'un manque de nouveaux contenus d'entraînement. Il soutient cependant la vision de LeCun de développer des "modèles du monde", où les robots pourraient collecter leurs propres données pour développer une compréhension globale de leur environnement, ce qui rendrait les robots plus utiles.
 
Un point crucial soulevé par Alain est le risque d'"autopollution" d'Internet par l'IA. Les modèles, d'une "gloutonnerie invraisemblable", recrachent du contenu qui, bien que de qualité, est "plat" et "lissé", et qui finira par polluer les futures données d'entraînement, menant à un "garbage in, garbage out".
 
Alain ne voit pas dans l'IA un impact révolutionnaire en la comparant à un "accessoire" comme le correcteur orthographique, utile mais non indispensable. La véritable percée de ChatGPT n'était pas tant le GPT que le "chat", l'interface d'accès immédiate et facile. Il a souligné que l'évolution des coûts des systèmes d'IA est sujette aux "retours décroissants", et a remis en question l'impact économique réel du web, souvent très concentré, et le bilan "pas bon du tout" des médias sociaux sur le plan social et politique.
 
Il a dénoncé le "hiring slop", où l'utilisation de l'IA pour trier les CV mène à une course à l'armement absurde entre recruteurs et candidats, rendant le processus plus long et moins efficace qu'à la main il y a 40 ans. Alain a mis en garde contre la "propagande nocive, massive, solutionniste" des promoteurs de l'IA, citant les prédictions farfelues de Sam Altman (OpenAI) ou Dario Amodei (Anthropic) sur la disparition des métiers (notamment les développeurs et radiologues) alors qu'ils continuent d'en recruter. Il a rappelé le flop de Watson d'IBM dans le domaine médical par manque de données d'entraînement annotées.
 
Enfin, il a illustré les dangers de l'utilisation non critique de l'IA en citant des centaines de cas où des avocats ont été sanctionnés pour avoir utilisé de l'IA générative pour leurs plaidoiries, incluant de faux témoignages et des références juridiques inexistantes. Il conclut que la maturation technologique prend du temps, et qu'il est absurde de comparer l'IA générative à l'iPhone, qui n'avait aucune "contre-indication" et était hautement désirable.

Synthèse et perspectives

La conférence "IA : révolution ou mirage ?" a mis en lumière une dichotomie fondamentale. D'un côté, une effervescence médiatique considérable, alimentée par des démonstrations "bluffantes" et des promesses de gains de productivité (comme l'exemple d'un spot publicitaire créé pour 2000 dollars au lieu de 80 000, illustrant un glissement de la créativité vers l'itération et la sélection). De l'autre, une réalité plus nuancée, marquée par des questions fondamentales sur la nature même de l'IA (systèmes statistiques vs. intelligence), des limites techniques (manque de nouveaux contenus pour les LLM actuels, risque d'autopollution), et des défis humains (résistance au changement, besoin de nouvelles compétences, impact social et éthique).
 
Si l'IA générative est perçue par certains comme une brique technologique fondamentale ou un "accessoire" utile, elle est loin d'être une solution universelle. Les experts s'accordent à dire que l'IA ne remplacera pas les humains qui l'utilisent, mais plutôt ceux qui ne l'utiliseront pas. Cependant, les exemples de surutilisation idiote, comme celle des avocats ou du "hiring slop", prouvent que l'intégration de l'IA exige discernement, sens critique et une compréhension approfondie de ses mécanismes, de ses avantages et de ses limites.

 
 
Le débat est loin d'être clos, et la "décanter" de la situation prendra probablement encore 4 à 5 ans. En attendant, il est crucial de "prendre du recul" et de "retrouver le sens critique".
 
Pour approfondir ces réflexions et prendre part à ce débat crucial pour l'avenir, nous vous encourageons vivement à visionner l'intégralité de la conférence "IA : révolution ou mirage ?" sur la chaîne YouTube "Visionary Marketing". La richesse des échanges et la pertinence des arguments vous offriront une perspective éclairée sur l'impact réel et futur de l'intelligence artificielle.