
Plus significative encore est la restriction sur les semi-conducteurs :
En 2022, Washington a instauré des contrôles à l'exportation interdisant à la Chine l'achat des puces les plus avancées et des machines nécessaires à leur production, impliquant également des alliés clés (Japon, Pays-Bas) dans ce blocus technologique.
En réponse, Pékin a accéléré ses plans pour la souveraineté technologique et a commencé à utiliser ses leviers sur les chaînes d'approvisionnement mondiales de matières premières critiques.
Par exemple, la Chine domine la production et le raffinage des terres rares (environ 70 % de l'extraction mondiale et 85-90 % du raffinage) et, en 2023, a imposé des restrictions à l'exportation d'éléments comme le gallium et le germanium, essentiels aux semi-conducteurs et aux fibres optiques, officiellement pour des motifs de sécurité. Cette mesure a été interprétée comme une représaille aux sanctions américaines, signalant la volonté de Pékin d'« armer » les chaînes d'approvisionnement dans les secteurs où elle occupe une position dominante.
La compétition sino-américaine est désormais décrite par de nombreux analystes comme une nouvelle « guerre froide technologique », où chaque superpuissance cherche à sécuriser le contrôle des technologies du futur (intelligence artificielle, informatique quantique, batteries, espace) tout en limitant la capacité de l'autre à combler ses faiblesses.
En réponse, Pékin a accéléré ses plans pour la souveraineté technologique et a commencé à utiliser ses leviers sur les chaînes d'approvisionnement mondiales de matières premières critiques.
Par exemple, la Chine domine la production et le raffinage des terres rares (environ 70 % de l'extraction mondiale et 85-90 % du raffinage) et, en 2023, a imposé des restrictions à l'exportation d'éléments comme le gallium et le germanium, essentiels aux semi-conducteurs et aux fibres optiques, officiellement pour des motifs de sécurité. Cette mesure a été interprétée comme une représaille aux sanctions américaines, signalant la volonté de Pékin d'« armer » les chaînes d'approvisionnement dans les secteurs où elle occupe une position dominante.
La compétition sino-américaine est désormais décrite par de nombreux analystes comme une nouvelle « guerre froide technologique », où chaque superpuissance cherche à sécuriser le contrôle des technologies du futur (intelligence artificielle, informatique quantique, batteries, espace) tout en limitant la capacité de l'autre à combler ses faiblesses.
Diversifier les marchés pour les entreprises chinoises
Parallèlement, le nationalisme économique chinois a poussé la Chine à réduire son isolement en tissant des liens alternatifs.
Pékin a renforcé la coopération et les accords commerciaux en Asie (par exemple via le RCEP, la vaste zone de libre-échange Asie-Pacifique dont elle fait partie avec 14 pays) et investi dans l'Initiative des Nouvelles Routes de la Soie (Belt and Road Initiative) pour étendre son influence économique en Eurasie, en Afrique et en Amérique latine.
Ces initiatives, bien qu'elles ne soient pas exemptes de revers, visent à diversifier les marchés pour les entreprises chinoises et à garantir l'accès aux ressources et matières premières, atténuant ainsi l'impact des restrictions occidentales.
Pékin a renforcé la coopération et les accords commerciaux en Asie (par exemple via le RCEP, la vaste zone de libre-échange Asie-Pacifique dont elle fait partie avec 14 pays) et investi dans l'Initiative des Nouvelles Routes de la Soie (Belt and Road Initiative) pour étendre son influence économique en Eurasie, en Afrique et en Amérique latine.
Ces initiatives, bien qu'elles ne soient pas exemptes de revers, visent à diversifier les marchés pour les entreprises chinoises et à garantir l'accès aux ressources et matières premières, atténuant ainsi l'impact des restrictions occidentales.
Relations Chine-Union Européenne

La relation avec l'UE est plus nuancée, mais également marquée par une attention croissante de l'Europe à la question de la sécurité économique face à la Chine. Pour l'Europe, la Chine est à la fois un partenaire commercial de premier plan, un concurrent économique et un rival systémique en termes de modèle de développement.
En 2024, les échanges entre l'UE et la Chine ont atteint un record de 780 milliards de dollars, confirmant des liens économiques étroits (la Chine est le premier partenaire de l'UE pour les importations et le deuxième pour les exportations). Cependant, cet échange commercial déséquilibré (avec un surplus substantiel en faveur de Pékin) a suscité des inquiétudes en Europe concernant des dépendances critiques – pensons à la fourniture de terres rares, de composants électroniques, de médicaments de base ou au rôle chinois dans les infrastructures 5G. La pandémie de Covid-19, suivie de la guerre en Ukraine, a accru la prise de conscience européenne de la nécessité d'un de-risking : réduire les risques liés à une dépendance excessive envers des pays jugés peu fiables, dont la Chine.
En 2024, les échanges entre l'UE et la Chine ont atteint un record de 780 milliards de dollars, confirmant des liens économiques étroits (la Chine est le premier partenaire de l'UE pour les importations et le deuxième pour les exportations). Cependant, cet échange commercial déséquilibré (avec un surplus substantiel en faveur de Pékin) a suscité des inquiétudes en Europe concernant des dépendances critiques – pensons à la fourniture de terres rares, de composants électroniques, de médicaments de base ou au rôle chinois dans les infrastructures 5G. La pandémie de Covid-19, suivie de la guerre en Ukraine, a accru la prise de conscience européenne de la nécessité d'un de-risking : réduire les risques liés à une dépendance excessive envers des pays jugés peu fiables, dont la Chine.
Bruxelles a adopté ces dernières années une posture plus affirmée envers Pékin.
En 2019, la Commission européenne a qualifié la Chine de « partenaire, concurrent et rival systémique », inaugurant une ère d'instruments de défense commerciale et de contrôle des investissements étrangers. Par exemple, l'UE a mis en place un mécanisme de filtrage des investissements extra-européens pour bloquer les acquisitions chinoises dans des secteurs sensibles (technologie, énergie) susceptibles de menacer la sécurité ou l'ordre public européen.
En 2023, la Commission a lancé une enquête sur les véhicules électriques chinois subventionnés, témoignant de sa volonté de contrer les pratiques déstabilisantes et de protéger l'industrie européenne émergente des véhicules électriques.
De plus, des mesures comme le Règlement anti-coercition (adopté fin 2022) visent à doter l'UE d'outils pour répondre à d'éventuelles représailles économiques chinoises contre des États membres – une hypothèse non théorique, comme l'a montré le blocus commercial chinois contre la Lituanie en 2021 en réaction à ses relations avec Taïwan.
En 2019, la Commission européenne a qualifié la Chine de « partenaire, concurrent et rival systémique », inaugurant une ère d'instruments de défense commerciale et de contrôle des investissements étrangers. Par exemple, l'UE a mis en place un mécanisme de filtrage des investissements extra-européens pour bloquer les acquisitions chinoises dans des secteurs sensibles (technologie, énergie) susceptibles de menacer la sécurité ou l'ordre public européen.
En 2023, la Commission a lancé une enquête sur les véhicules électriques chinois subventionnés, témoignant de sa volonté de contrer les pratiques déstabilisantes et de protéger l'industrie européenne émergente des véhicules électriques.
De plus, des mesures comme le Règlement anti-coercition (adopté fin 2022) visent à doter l'UE d'outils pour répondre à d'éventuelles représailles économiques chinoises contre des États membres – une hypothèse non théorique, comme l'a montré le blocus commercial chinois contre la Lituanie en 2021 en réaction à ses relations avec Taïwan.
Malgré ces tensions, l'UE cherche un équilibre : diversifier et sécuriser ses chaînes d'approvisionnement sans renoncer au marché chinois.
Le mot d'ordre européen est « de-risking, not decoupling » (réduction des risques, pas découplage), comme l'a souligné la présidente Ursula von der Leyen. En pratique, cela signifie maintenir des relations économiques avec la Chine tout en réduisant les risques stratégiques (par exemple, en évitant que la Chine ne monopolise des intrants essentiels ou des infrastructures critiques européennes).
Certains grands pays, comme l'Allemagne, adoptent une approche prudente : Berlin, tout en élaborant une stratégie nationale envers la Chine plus attentive à la sécurité, a freiné des mesures trop sévères (par exemple, elle s'est initialement opposée aux droits de l'UE sur les voitures électriques chinoises) pour ne pas compromettre les intérêts industriels allemands fortement exposés au marché chinois.
D'un autre côté, des thèmes comme la souveraineté technologique européenne (par exemple dans les microprocesseurs, avec l'adoption de l'European Chips Act) ont émergé également en réponse à la concurrence avec la Chine et les États-Unis, qui investissent des sommes colossales dans des subventions technologiques.
En ce sens, le nationalisme économique chinois a indirectement poussé l'Europe à se doter de sa propre agenda d'«autonomie stratégique », afin de ne pas être écrasée dans la rivalité entre superpuissances et de préserver le contrôle de son destin technologique et économique. Question : les objectifs sont-ils atteints ?
Certains grands pays, comme l'Allemagne, adoptent une approche prudente : Berlin, tout en élaborant une stratégie nationale envers la Chine plus attentive à la sécurité, a freiné des mesures trop sévères (par exemple, elle s'est initialement opposée aux droits de l'UE sur les voitures électriques chinoises) pour ne pas compromettre les intérêts industriels allemands fortement exposés au marché chinois.
D'un autre côté, des thèmes comme la souveraineté technologique européenne (par exemple dans les microprocesseurs, avec l'adoption de l'European Chips Act) ont émergé également en réponse à la concurrence avec la Chine et les États-Unis, qui investissent des sommes colossales dans des subventions technologiques.
En ce sens, le nationalisme économique chinois a indirectement poussé l'Europe à se doter de sa propre agenda d'«autonomie stratégique », afin de ne pas être écrasée dans la rivalité entre superpuissances et de préserver le contrôle de son destin technologique et économique. Question : les objectifs sont-ils atteints ?
Sur le plan géopolitique plus large, les politiques économiques nationalistes de Pékin ont également des implications pour les alliances.
La Chine et la Russie, par exemple, ont renforcé leur entente économique (échanges pétroliers en yuans, projets d'infrastructures communs) dans une optique anti-occidentale. De nombreux pays en développement considèrent le modèle chinois d'intervention étatique et de protection industrielle comme une alternative au modèle libéral occidental – ce qui accroît l'influence chinoise dans des forums comme les BRICS ou le G77.
Cependant, l'insistance de la Chine sur la primauté de ses entreprises et de ses intérêts peut également susciter des méfiances, même parmi les nations qui apprécient ses investissements : par exemple, certaines économies asiatiques ou africaines craignent l'invasion de produits chinois bon marché qui étouffent leurs industries locales.
Ainsi, l'impact international du nationalisme économique chinois est un mélange d'attraction et de friction : d'un côté, Pékin offre des opportunités et un modèle de développement ; de l'autre, son ascension agressive provoque des contre-mesures et des réalignements stratégiques.
Cependant, l'insistance de la Chine sur la primauté de ses entreprises et de ses intérêts peut également susciter des méfiances, même parmi les nations qui apprécient ses investissements : par exemple, certaines économies asiatiques ou africaines craignent l'invasion de produits chinois bon marché qui étouffent leurs industries locales.
Ainsi, l'impact international du nationalisme économique chinois est un mélange d'attraction et de friction : d'un côté, Pékin offre des opportunités et un modèle de développement ; de l'autre, son ascension agressive provoque des contre-mesures et des réalignements stratégiques.
Prochain article : #4 - Sécurité économique et souveraineté technologique : l'enjeu majeur.
A propos de l'auteur
Giuseppe Gagliano a fondé en 2011 le réseau international Cestudec (Centre d'études stratégiques Carlo de Cristoforis), basé à Côme (Italie), dans le but d'étudier, dans une perspective réaliste, les dynamiques conflictuelles des relations internationales. Ce réseau met l'accent sur la dimension de l'intelligence et de la géopolitique, en s'inspirant des réflexions de Christian Harbulot, fondateur et directeur de l'École de Guerre Économique (EGE)
Il collabore avec le Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) (Lien),https://cf2r.org/le-cf2r/gouvernance-du-cf2r/ et avec l'Université de Calabre dans le cadre du Master en Intelligence, et avec l'Iassp de Milan (Lien).https://www.iassp.org/team_master/giuseppe-gagliano/