La guerre de l’attention devient une guerre d’influence

À l’automne 2025, la désinformation ne se contente plus de parasiter les flux médiatiques : elle redéfinit les rapports entre opinion, souveraineté et technologie. Tandis que les plateformes sociales modulent leurs politiques de modération, les États affûtent leurs stratégies de riposte, et les usages générationnels fragmentent les repères de crédibilité. La guerre de l’attention devient une guerre d’influence, où chaque récit peut être une arme.
Cette dynamique dépasse le cadre électoral et irrigue les sphères sociale, économique et sécuritaire, avec des effets concrets sur la cohésion, la réputation et la conflictualité. Le constat est clair : la manipulation de l’information devient une capacité stratégique, autant pour des États que pour des réseaux transnationaux et des acteurs opportunistes
Campagnes ciblant l’enseignement supérieur en France
Le 11 septembre 2025, l’Association Française de Science Politique (AFSP) a dénoncé une vague coordonnée de désinformation et d’intimidation visant Sciences Po Lille. L’établissement avait accueilli une étudiante palestinienne, rapidement désinscrite après la découverte de propos antisémites publiés sur X. Des réseaux d’extrême droite ont instrumentalisé l’affaire pour attaquer l’école, allant jusqu’à menacer son directeur et remettre en cause le programme d’accueil des chercheurs en exil. Ici, un fait isolé a été amplifié et déformé pour fragiliser une institution académique et semer la suspicion.
Désinformation scientifique aux États-Unis
Un rapport des National Academies of Sciences (NASEM), publié le 10 septembre 2025, met en lumière la prolifération de fausses informations scientifiques, notamment autour du climat et de la santé. Le rapport insiste sur la difficulté à distinguer entre incertitude scientifique légitime, communication simplifiée et désinformation volontaire. Il alerte sur l’usage stratégique de ces zones grises pour influencer l’opinion publique et miner la confiance dans la recherche.
Retour de chaînes bannies pour désinformation sur YouTube
Le 23 septembre 2025, YouTube a annoncé la réintégration de créateurs de contenus précédemment exclus pour diffusion de fausses informations, notamment autour des élections américaines. Cette décision, saluée par certains acteurs politiques, illustre la tension entre liberté d’expression et lutte contre la manipulation. Elle soulève aussi la question de la responsabilité des plateformes dans la régulation des récits toxiques.
Glissement vers des formats courts, émotionnels et viraux
En septembre 2025, le paysage de la désinformation s’est densifié, complexifié, et radicalisé. Les réseaux sociaux, devenus des vecteurs dominants d’accès à l’actualité, jouent désormais un rôle ambivalent : à la fois relais d’information et catalyseurs de manipulation. Facebook et YouTube conservent leur position dominante, mais c’est TikTok qui attire l’attention des analystes, avec une progression fulgurante dans les usages informationnels des jeunes adultes.
Ce glissement vers des formats courts, émotionnels et viraux modifie en profondeur les dynamiques de crédibilité et d’autorité, rendant la vérification plus difficile et la polarisation plus rapide.
Ce glissement vers des formats courts, émotionnels et viraux modifie en profondeur les dynamiques de crédibilité et d’autorité, rendant la vérification plus difficile et la polarisation plus rapide.
Vers de campagnes de contre-désinformation
Dans ce contexte, les États ne restent pas passifs. En France, la prise de conscience s’est accélérée, portée par une opinion publique qui considère désormais la guerre informationnelle comme une menace réelle. Selon une étude du cabinet Verian, près de trois quarts des citoyens estiment que des puissances étrangères influencent activement l’opinion publique, et une majorité approuve même l’idée que la France puisse riposter par des campagnes de contre-désinformation.
Responsabilisation des communautés comme rempart contre la manipulation
Les plateformes, quant à elles, oscillent entre retrait et repositionnement.
Meta, après avoir annoncé un relâchement de sa politique de modération, revient partiellement sur sa décision, notamment via les “notes communautaires” qui permettent aux utilisateurs de signaler et contextualiser les contenus douteux.
Ce mécanisme, inspiré de Twitter/X, illustre une tendance plus large : la responsabilisation des communautés comme rempart contre la manipulation, dans un contexte où les algorithmes seuls ne suffisent plus à contenir la propagation des récits toxiques.
Meta, après avoir annoncé un relâchement de sa politique de modération, revient partiellement sur sa décision, notamment via les “notes communautaires” qui permettent aux utilisateurs de signaler et contextualiser les contenus douteux.
Ce mécanisme, inspiré de Twitter/X, illustre une tendance plus large : la responsabilisation des communautés comme rempart contre la manipulation, dans un contexte où les algorithmes seuls ne suffisent plus à contenir la propagation des récits toxiques.
Porosité générationnelle face à la désinformation
Enfin, les experts s’interrogent sur la porosité générationnelle face à la désinformation. Une étude du CNRS évoquée dans le cahier de tendances de Catherine Cervoni suggère que les jeunes, bien que plus exposés, ne sont pas nécessairement plus vulnérables. Leur rapport à l’information est plus fluide, plus critique, mais aussi plus fragmenté, ce qui rend les effets de la désinformation plus difficiles à mesurer et à anticiper.
La désinformation n’est plus un phénomène périphérique
En somme, septembre 2025 marque une inflexion : la désinformation n’est plus un phénomène périphérique, mais un enjeu central de l’écosystème médiatique, politique et technologique. Elle redéfinit les frontières entre information, influence et ingérence, et impose aux professionnels de l’information une vigilance renouvelée, à la fois stratégique et éthique.
Sources

1- Global Risks Report 2025 du World Economic Forum
Global Risks Report 2025 du World Economic Forum
2 - Communiqué de l’AFSP « Les campagnes d’intimidation et de désinformation visant les IEP et les universités ne doivent pas rester sans réponse »
https://www.afsp.info/communique-11-septembre-2025-les-campagnes-d-intimidation-et-de-desinformation/
3 - Source : La désinformation scientifique : la vision américaine 2025 d’après un rapport NASEM (National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine)
https://www.redactionmedicale.fr/2025/09/28799307
4 - Sur YouTube, des créateurs de contenu bannis pour désinformation vont réintégrer la plateforme
https://www.liberation.fr/international/amerique/sur-youtube-des-createurs-de-contenu-bannis-pour-desinformation-vont-reintegrer-la-plateforme-20250924_JHFD7OI6IRDHJNF7DVIIPCXZYY/
5 - Source : Sur quelles plateformes les internautes s’informent-ils en 2025 ? Une étude dévoile le classement
https://siecledigital.fr/2025/09/29/sur-quelles-plateformes-les-internautes-sinforment-ils-en-2025-une-etude-devoile-le-classement/
6 - Source : Désinformation en ligne, les Français ont compris le danger
https://www.lepoint.fr/societe/desinformation-en-ligne-les-francais-ont-compris-le-danger-18-09-2025-2598947_23.php
7 - Le cahier de tendances Marketing et médias. Septembre 2025 par Catherine Cervoni
https://www.veillemag.com/Le-cahier-de-tendances-Marketing-et-medias-Septembre-2025-par-Catherine-Cervoni_a6408.html /
Global Risks Report 2025 du World Economic Forum
2 - Communiqué de l’AFSP « Les campagnes d’intimidation et de désinformation visant les IEP et les universités ne doivent pas rester sans réponse »
https://www.afsp.info/communique-11-septembre-2025-les-campagnes-d-intimidation-et-de-desinformation/
3 - Source : La désinformation scientifique : la vision américaine 2025 d’après un rapport NASEM (National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine)
https://www.redactionmedicale.fr/2025/09/28799307
4 - Sur YouTube, des créateurs de contenu bannis pour désinformation vont réintégrer la plateforme
https://www.liberation.fr/international/amerique/sur-youtube-des-createurs-de-contenu-bannis-pour-desinformation-vont-reintegrer-la-plateforme-20250924_JHFD7OI6IRDHJNF7DVIIPCXZYY/
5 - Source : Sur quelles plateformes les internautes s’informent-ils en 2025 ? Une étude dévoile le classement
https://siecledigital.fr/2025/09/29/sur-quelles-plateformes-les-internautes-sinforment-ils-en-2025-une-etude-devoile-le-classement/
6 - Source : Désinformation en ligne, les Français ont compris le danger
https://www.lepoint.fr/societe/desinformation-en-ligne-les-francais-ont-compris-le-danger-18-09-2025-2598947_23.php
7 - Le cahier de tendances Marketing et médias. Septembre 2025 par Catherine Cervoni
https://www.veillemag.com/Le-cahier-de-tendances-Marketing-et-medias-Septembre-2025-par-Catherine-Cervoni_a6408.html /
Ecoutez : DÉSINFORMATION & RÉSEAUX SOCIAUX Avec Cyril DI PALMA / Génération Numérique 🎧 CyberPrev #podcast

C'est ici
Cyril di Palma est délégué général de Génération Numérique. Il analyse des mécanismes de désinformation sur les réseaux sociaux, avec un focus sur les adolescents, les algorithmes et les enjeux éducatifs.
Disponible en format vidéo sur YouTube et en podcast sur la plateforme CyberPrev
Lisez : Diplomatie GD n°87 : Géopolitique de la désinformation - Août/Septembre 2025 Géoéconomie : Vers une nouvelle guerre des monnaies ?
Dans son numéro 87, Diplomatie Grandes Dossiers plonge au cœur des nouvelles conflictualités mondiales.
La revue décrypte la désinformation comme arme stratégique, capable de fragiliser les démocraties et de remodeler les équilibres géopolitiques.
En parallèle, elle interroge les tensions monétaires internationales et esquisse les contours d’une possible « nouvelle guerre des monnaies », où dollar, yuan et euro deviennent autant d’outils de puissance que de vulnérabilité.
En articulant manipulation de l’information et rivalités financières, ce dossier met en lumière une même bataille pour le contrôle des imaginaires et des leviers de souveraineté. Un numéro dense et prospectif, qui éclaire les zones grises d’un monde en recomposition.