Market Intelligence

Le cahier de tendances Marketing et médias. Septembre 2025 par Catherine Cervoni


Catherine Cervoni
Mardi 30 Septembre 2025


Chaque mois, la presse aborde de nombreux sujets et certains émergent plus que d’autres. En septembre, j’ai été interpellée par ces évolutions dans la société qui forcent les marques à bouleverser leur marketing. Mais je me suis également posé la question de la bataille de l’influence entre médias et réseaux sociaux à travers deux cas concrets #BloquonsTout en France et #NepoKids au Népal – qui a mené à l’élection d’une nouvelle Première ministre - et qui a été conduit par la Génération Z. Et puisque les jeunes sont sur les réseaux sociaux, à travers une étude du CNRS, on se demandera s’ils sont plus poreux aux fake news que leurs aînés.



Le cahier de tendances Marketing et médias. Septembre 2025 par Catherine Cervoni

Un marketing sous la pression de l’évolution des sociétés et des modes de consommation

Est-ce le marketing qui change la société ou la société qui pousse le marketing à évoluer ?

Le marketing est souvent un reflet des évolutions de nos sociétés. Mais qu’est-ce qui peut pousser une marque à bouleverser son marketing ? Médicaments aux États-Unis, baisse de natalité en France ou émergence de nouveaux chefs, dépoussiérage de marques réussi pour certains et flop pour d’autres … zoom sur quelques exemples parfois surprenants.
 

Des médicaments anti-obésité aux USA

Un article paru sur la Réclame nous alerte sur la vague de fond que représentent les nouveaux médicaments anti-obésité et pas uniquement pour l’industrie agroalimentaire. Par exemple, les salles de sports proposent des programmes pour développer les muscles que ces médicaments sont accusés de faire fondre. Ils changent profondément les normes de consommation et celles du corps, on revient à la minceur, voire la maigreur comme idéal de beauté.

Et au-delà de la nécessité de créer de nouveaux produits, la communication et le marketing vont devoir s’adapter et changer de discours, car ces traitements diminuent le désir et l’impulsion pour les produits sucrés, gras et de snacking ou l’alcool. La communication se fera moins sous l’angle du plaisir de manger, de l’abondance et du partage, mais sera davantage basée sur des arguments fonctionnels comme l’utilité, la santé : “ce produit est bon pour votre corps, car riche en protéines”, observe Emmanuel Quéré, creative strategist chez Havas Play  “Les GLP-1 confrontent les marques à un choix : s’aligner sur un discours strictement fonctionnel – protéines, équilibre, transparence – ou développer une approche plus holistique, intégrant d’autres tendances comme le keto, le naturel ou la lutte contre les ultra-transformés. Le body-positivisme se reconfigure, non plus autour de l’acceptation passive, mais de l’autonomie et du choix informé. Le marketing doit passer de l’impulsion au sens, du “toujours plus” au “moins, mais mieux”.
 

Un enjeu de taille

12 % des Américains prennent déjà ces nouveaux médicaments dont le plus connu est l’Ozempic et 35 % se disent intéressés par ceux-ci. La première conséquence est une baisse des achats de produits, gras, sucrés et alcools. PwC estime que la baisse des dépenses alimentaires sera de 11 % et de près de 9 % pour la fréquentation des fast-foods. McDonald’s prévoit 28 millions de clients en moins en 2025, soit une perte de 500 millions de dollars. Goldman Sachs analyse que le PIB américain pourrait augmenter de 0,4 % à 1% grâce à ces médicaments. Quant aux compagnies aériennes, elles s’attendent à économiser 80 millions de dollars par an de kérosène.

Une tendance encore timide en France

En mai 2024, Nestlé avait annoncé commercialiser, aux USA, une gamme de produits destinés aux utilisateurs de GLP-1 comprenant notamment des pâtes et des pizzas. Mais sur le marché français, les industriels de l’agroalimentaire sont encore hésitants. On constate malgré tout une montée en puissance des produits qui mettent en avant leurs bienfaits pour la santé et ceux qui sont riches en protéines – notamment yaourts et barres énergétiques- et le développement de conditionnements proposant de petites quantités de produits comme des yaourts en format shot portion-contrôle.

Aux défis pour les industriels de modifier leurs gammes s’ajoute celui de la communication qui sera encore plus compliquée qu’aux USA, car l’obésité est considérée comme une maladie et on va passer d’une communication food à une communication santé qui est particulièrement encadrée.
 
Pizzas, pâtes... Nestlé lance des produits pour les utilisateurs de médicaments contre l'obésité
Les médicaments anti-obésité vont-ils mettre l’agroalimentaire au régime ? – La Réclame
 

Baisse de natalité en France

La baisse de la natalité a une conséquence logique : moins de bébés, moins de vente de jouets. L’érosion du marché du jouet en France est continue, oscillant entre -1 % et -5 % depuis 3 ans. Mais heureusement, les adolescents et jeunes adultes retombent en enfance. C’est le constat qu’a fait King Jouet. Pour satisfaire ces Kidultes, qui n’osent pas entrer dans un magasin de jouets, l’enseigne a créé des points de vente éphémères qui leur proposent 2 700 références spécialement sélectionnées pour eux dont beaucoup sous licence : pokémon, Star Wars, Légo, Goldorak… de quoi retrouver les univers de leur enfance.

Et pour recréer du lien et vivre des expériences – grande tendance qui revient sur le devant de la scène – King Jouets enrichit ses corners de bars à jeux, baby foot et autres animations chaque semaine. Stratégie gagnante puisque les Kidultes correspondent à 23 % du CA, avec une progression de 30 % depuis janvier 2025.

King Jouet part à la conquête des adultes avec l'ouverture des "King'Dultes"
 

Dépoussiérage de marques, attention au flop

Rajeunir sa marque : réussite pour Ricorée et Rougier, flop pour Jaguar.

Rougié - leader mondial du canard- a été très chahutée par des évènements comme la grippe aviaire ou encore le covid qui ont eu de forts impacts sur la restauration, mais également par l’émergence de nouveaux chefs qui n’ont pas un parcours hôtelier classique (40 %). L’enjeu a été de mettre en place différents mécanismes de communication pour mieux attirer ces chefs de 35-49 ans et fidéliser leurs clients habituels. En parallèle, Rougié a lancé une nouvelle gamme de produits de la mer (saumons fumés, coquilles St Jacques…) qui devraient lui apporter 10 % de son CA d’ici 3 ans.

Quant à Ricorée, tout en ayant la volonté de garder sa clientèle de plus de 50 ans, elle a rajeuni sa communication pour toucher les 25-35 ans. Pour ce faire, la marque va mettre en avant les bienfaits santé de son produit et l’impact positif sur l’environnement, arguments auxquels cette tranche d’âge est particulièrement sensible. Mais si Ricorée a su garder des éléments propres à son identité – comme la musique – elle a su garder son identité.

Ce qui n’est pas le cas de Jaguar qui a totalement rompu avec son ADN. Son objectif était de séduire une cible plus jeune, urbaine et très à l’aise financièrement.
Nouveau design pour une nouvelle voiture, deux fois plus chère et promue par un film déconcertant avec des acteurs au physique très particulier et habillés de couleurs flashy. L’échec a été complet provoquant le renvoi du CEO de la marque, mais surtout un effondrement de ses ventes de près de 70 % sur les 5 premiers mois de l’année…
 
Ricoré rompt avec 25 ans de petits déjeuners champêtres, mais pas touche à la musique !
Audrey Estival : "Rougié prend un virage stratégique pour ses 150 ans"
Rebranding de Jaguar : le cas d’école de tout ce qu’il ne faut pas faire en design et en marketing – Influencia


 

Médias versus réseaux sociaux, le match de l’influence

Qui détient la capacité d’influencer aujourd’hui ?
Pendant longtemps, pour s’informer, on ne disposait que des médias et pour s’exprimer, « le courrier des lecteurs ». Les réseaux sociaux ont changé la donne, que ce soit dans la circulation et le partage de l’information, des idées et opinions, mais également dans cette faculté à mobiliser.
J’en veux pour exemple deux évènements en cette rentrée qui ont démontré le pouvoir de ces derniers. Il s’agit du mouvement Bloquons tout et la Révolution au Népal.

#BloquonsTout, le formidable pouvoir de mobilisation via les réseaux sociaux

Alors que la France était en vacances, début juillet, deux hashtags montaient sur les réseaux sociaux,  #CestNicolasQuiPaie et #GiletJaunes. S’ils vont se maintenir jusqu’au 10 septembre – jour de la manifestation- dès le 20 juillet, ils laisseront la place à #BloquonsTout. Derrière ces hashtags se cache la frustration de Français face à la politique économique dénoncée comme néfaste au pouvoir d’achat et à un sentiment d’injustice.

 Les appels à une mobilisation le 10 septembre se multiplient, et ce dans toute la France. C’est un des pouvoirs des réseaux sociaux : permettre un dialogue entre de multiples personnes, indépendamment des contraintes physiques et sociologiques. Le mouvement, qui veut raviver l’esprit des Gilets Jaunes agrège des groupes disparates comprenant aussi bien des citoyens lambda que des agriculteurs ou encore des syndicats.
Rapidement, dès le 23 juillet, les craintes montent que ce mouvement centré sur des problématiques liées au pouvoir d’achat devienne politique en étant détourné par certains partis extrémistes.

Alors que l’on compte des millions de conversations sur les réseaux sociaux, il passe totalement sous les radars de la presse dite traditionnelle qui commence lentement à se réveiller seulement mi-août (le 17). C’est le 25 août qu’elle prendra pleinement conscience de l’ampleur d’une mobilisation née sur les réseaux sociaux. Elle s’emparera du sujet jusqu’au 10 septembre, mais il ne sera jamais majoritaire dans le traitement médiatique alors qu’il le sera sur les réseaux sociaux. Il représentera près de 51 % des conversations le 10 juillet contre à peine 5 % dans la presse traditionnelle révélant un décalage des centres d’intérêt entre les Français et leurs médias.
 
Comprendre #Bloquons tout : analyse d’un mouvement dans les médias traditionnels et les médias sociaux
 

Manifestation en France, révolte au Népal avec le hashtag #NepoKids

Alors qu’en France, la question se pose d’interdire l’usage des réseaux sociaux aux moins de 15 ans, au Népal, une interdiction générale a conduit à une révolte et à la nomination d’une nouvelle Première ministre choisie sur Discorde… Sushila Karki - 73 ans, ancienne présidente de la Cour suprême - a prêté serment vendredi 12 septembre au soir devant le président du pays, Ramchandra Paudel.

Alors qu’un couvre-feu était décrété, La Génération Z s’est mobilisée sur la plateforme sociale – une des rares à rester accessible avec Bitchat - pour dénoncer cette suppression des réseaux sociaux, jugée comme une atteinte grave à la liberté d’expression. 100 000 citoyens se sont réunis avec le hashtag #NepoKids, contraction de “népotisme” et Kids et ont incité tout un chacun à descendre dans la rue où des ministères et le parlement ont été incendiés, faisant plus de 70 morts et 2000 blessés en 4 jours. La communauté sur Discord a rapidement atteint les 200 000 personnes où débats et sondages ont mené à l’élection de bien réelle de Sushila Karki.

En comparaison à #BloquonsTout, la nature des revendications était d’une nature politique différente puisqu’elles demandaient la fin de la corruption. Néanmoins, comme pour le mouvement français, un sentiment d’injustice a sous-tendu la révolte #NepoKids. Ce hastag est né de la frustration des citoyens ordinaires de voir le train de vie que les enfants de leurs dirigeants politiques affichaient sur Instagram.
Si on peut s’interroger sur la légitimité d’une telle élection, il faut bien reconnaître qu’une manifestation initiée sur les réseaux sociaux peut renverser un gouvernement.
 
Comment les réseaux sociaux ont déclenché et façonné la révolution au Népal – BFM Tech & Co
 

Entre fake news et algorithmes biaisés, les dangers des réseaux sociaux pour les adolescents

Si une étude récente indique qu’en France, la consommation médiatique se fait d’abord via la télévision (11,8 %), la totalité de celles qui concerne les réseaux sociaux est bien supérieure. Même si on ne prend en compte que ceux qui performent le plus dans ce domaine :  YouTuble (10,6 %), Whatsapp (10,5 %), Facebook (9,8 %) et Instagram (9,8 %), on atteint quasiment 41 %.
Si la télévision obtient le plus haut score de confiance (6,7 sur 10), la prédominance des réseaux sociaux est peut-être une des raisons pour laquelle près de 77 % des Français estiment avoir été exposés à de fausses informations ces six derniers mois.

Or, un enjeu de taille est l’exposition des adolescents – très friands de ces plateformes sociales- aux fake news. L’ARCOM estime même que 44% des enfants utilisent les réseaux sociaux avant 13 ans. Sachant que leur développement cérébral ne s’achève qu’entre 20 et 25 ans, sont-ils capables de distinguer une fake news ou y sont-ils plus poreux ? Une chercheuse du CNRS s’est penchée sur la question en étudiant 5 groupes d’âge (11, 12 13, 14 ans et des adultes). Elle leur a présenté des posts sur des réseaux sociaux dont la moitié contenait des fake news.

Elle et son équipe ont constaté que les capacités de discernement de la vérité dans les médias s’amélioraient linéairement entre l’âge de 11 ans et l’âge adulte, et que la capacité de faire la distinction entre les fausses nouvelles et les vraies nouvelles émergeait à l’âge de 12 ans. Néanmoins si les jeunes adolescents font preuve d’un moins bon discernement, cela n’implique pas qu’ils partagent davantage de fausses nouvelles via les médias sociaux. Les personnes âgées en partagent sept fois  plus via les médias sociaux que les jeunes adultes. Par ailleurs, plus un enfant a une réflexion cognitive élevée et plus il est capable de juger et de vérifier des déclarations sur la science, indépendamment de l’âge.

En revanche, la récurrence de l’exposition à une nouvelle conduit à la percevoir comme plus exacte indépendamment de l’âge : plus on la voit et plus on croit qu’elle est vraie (effet de vérité illusoire).
Autre enseignement : plus une fake news est outrancière, plus elle fait réagir sous le coup de l’émotion et plus elle bénéficie d’une large diffusion sur les réseaux sociaux.

Autre motif d’inquiétude, même des réseaux sociaux très professionnels comme LinkedIn sont touchés par la désinformation avec des signalements qui ont progressé de 25 % sur le premier semestre 2025. Les entreprises ne sont effectivement pas à l’abri de ce phénomène. Une étude révèle que près de la moitié des organisations qu’elle a sondées ont déclaré avoir été confrontées à une deepfake.

Pour lutter contre la désinformation, et comme le souligne l’équipe de recherche du CNRS, l’éducation aux médias et développer le « doute raisonnable » quand une information semble trop sensationnelle sont de premiers remparts. Et cette lutte concerne chacun d’entre nous, à commencer par les communicants quand il s’agit de protéger leur entreprise que ce soit leur réputation ou leurs finances avec ces cas de deepfakes destinées à leur extorquer de l’argent.
 

Whatsapp, Youtube et la télévision: médias incontournables pour l'accès à l'information en 2025, dans un monde frappé par les fake news – BFM Tech & Co
Les enfants et adolescents face aux fake news – Next
L’ARCOM alerte sur la présence des enfants de moins de 13 ans sur les réseaux sociaux
LinkedIn : +14 % d’utilisateurs en Europe, mais des dérives inquiétantes en parallèle – Siècle Digital
Les deepfakes sont un danger mortel pour les entreprises : cette étude le prouve
Communicants : de relais à remparts face aux fake news  - The Good
 

Pour conclure...

Je voudrais terminer avec un clin d’œil sur deux études qui ont été réalisées sur l’utilisation de l’IA dans les voyages.
Dans la première, on apprend que 38% des sondés ont déjà utilisé une intelligence artificielle générative pour organiser leurs voyages. Dans la seconde, qu’un tiers des Français (34 %) s’appuie sur leurs proches pour trouver des idées de destination, l’usage des outils d’IA générative restant marginal, passant de 7 % à 8 % seulement en un an.
Un seul point commun dans ces deux enquêtes : les Français qui l’ont utilisé trouvent que cela est positif.

Plus d'un tiers des Français utilisent l'IA pour planifier leurs voyages selon une étude OpinionWay pour Trainline
Étude Amadeus : les Français privilégient leurs proches pour préparer leurs voyages

A propos de Catherine Cervoni

Catherine Cervoni est spécialisée en communication d’influence et de visibilité.

Ses domaines d’expertise couvrent les relations presse, le content marketing et le social media.

Après de nombreuses années chez l’annonceur en tant que responsable marketing, communication et relation presse, elle crée sa propre structure en 2010.

Ses domaines de prédilection sont en B2B, l’IT, les nouvelles technologies (IA, blockchain, IoT), le marketing et et l’e-commerce et en B2C, le tourisme.