
La taxonomie de l'ignorance : du ridicule au sublime
Tout part de cette fameuse déclaration de 2002 : "Il y a des choses que nous savons savoir, des choses que nous savons ignorer, et des choses que nous ignorons ignorer." Moquée à l'époque, cette phrase cache en réalité une sagesse millénaire que Confucius formulait déjà il y a 2500 ans. Mon travail ? Transformer ce "charabia" en boîte à outils opérationnelle pour le renseignement en anticipation et en gestion de crise.
L'idée est simple : si nous cartographions systématiquement nos connaissances sur un sujet plutôt que rester au stade primaire émotionnel, à l’impression de savoir ou voir selon le prisme de la croyance, et à l’aune de ce que nous avons déjà oublié, nous pourrions mieux anticiper l'imprévisible. J'ai donc assemblé un arsenal conceptuel combinant les "signaux faibles" d'Igor Ansoff, les "cygnes noirs" de Nassim Taleb, et la méthode hypothético-déductive d'Isaac Ben-Israel, que j’applique scrupuleusement depuis 5 ans.
L'idée est simple : si nous cartographions systématiquement nos connaissances sur un sujet plutôt que rester au stade primaire émotionnel, à l’impression de savoir ou voir selon le prisme de la croyance, et à l’aune de ce que nous avons déjà oublié, nous pourrions mieux anticiper l'imprévisible. J'ai donc assemblé un arsenal conceptuel combinant les "signaux faibles" d'Igor Ansoff, les "cygnes noirs" de Nassim Taleb, et la méthode hypothético-déductive d'Isaac Ben-Israel, que j’applique scrupuleusement depuis 5 ans.
Quand la réalité rattrape la théorie
Les événements récents donnent une résonance particulière à ces travaux. La pandémie de COVID-19, qualifiée de "cygne noir" par beaucoup, avait pourtant été anticipée par de nombreux experts. Comme le souligne le Belfer Center, "les événements comme la pandémie de COVID-19 sont appelés 'cygnes noirs' mais sont en réalité prévisibles."
L'attaque du Hamas du 7 octobre 2023 illustre parfaitement les "unknown unknowns" : malgré les capacités de renseignement israéliennes, l'ampleur et la coordination de l'offensive ont surpris. Même constat pour l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, où les signaux étaient visibles mais leur interprétation à failli.
Ces "surprises stratégiques" auraient-elles pu être anticipées avec une application rigoureuse de ma taxonomie ? L'exercice relève non de la spéculation, mais l'approche hypothético-déductive de Ben-Israel, testée sur la guerre du Kippour, suggère qu'une classification méthodique des informations selon leur potentiel réfutatif aurait pu éviter certaines erreurs d'appréciation.
L'attaque du Hamas du 7 octobre 2023 illustre parfaitement les "unknown unknowns" : malgré les capacités de renseignement israéliennes, l'ampleur et la coordination de l'offensive ont surpris. Même constat pour l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, où les signaux étaient visibles mais leur interprétation à failli.
Ces "surprises stratégiques" auraient-elles pu être anticipées avec une application rigoureuse de ma taxonomie ? L'exercice relève non de la spéculation, mais l'approche hypothético-déductive de Ben-Israel, testée sur la guerre du Kippour, suggère qu'une classification méthodique des informations selon leur potentiel réfutatif aurait pu éviter certaines erreurs d'appréciation.
L'humilité de l'anticipation
Cette approche ne prétend pas prédire l'avenir - ce serait contradictoire avec la théorie des cygnes noirs. Elle vise plutôt à développer une "résilience cognitive" face à l'imprévisible. Comme l'illustre l'exemple de la RATP investissant 6 millions d'euros pour s'adapter au changement climatique, l'anticipation intelligente combine détection des signaux faibles, préparation aux chocs connus et développement de capacités d'adaptation. Mais comme on dit sur le terrain une fois la crise survenue et qu’elle est passée : « on avait beau avoir fait tout notre possible pour s’y préparer, tout ce que nous avions fait s’est avéré insuffisant »
Vers une ingénierie de l'incertitude
Si cette démarche était systématiquement appliquée et validée empiriquement, elle pourrait révolutionner notre rapport à l'incertitude. Au-delà du renseignement et du monitoring en temps de crise, elle offrirait aux organisations un cadre pour naviguer dans la complexité croissante de notre monde.
L'ironie ? En théorisant sur l'imprévisible, vous avez peut-être désormais, l'outil le plus prévisible qui soit : une méthodologie pour accepter que nous ne savons pas tout, mais nous savons au moins pourquoi. Comme dirait Socrate, "je sais que je ne sais rien" - mais maintenant, j'ai une méthode pour le prouver
L'ironie ? En théorisant sur l'imprévisible, vous avez peut-être désormais, l'outil le plus prévisible qui soit : une méthodologie pour accepter que nous ne savons pas tout, mais nous savons au moins pourquoi. Comme dirait Socrate, "je sais que je ne sais rien" - mais maintenant, j'ai une méthode pour le prouver
Pour aller plus loin : « La cartographie opérationnelle du connu, du méconnu et de l’inconnu par temps d’brin »
A propos de l'auteur
Auteur Thierry Lafon Dr PhD 博士 Chercheur associé au laboratoire CeReGe (UR 13564) axe Intelligence Stratégique Internationale chez Université de Poitiers.
Après avoir navigué dans les rapides des PME et d'ETI, Thierry Lafon a jeté l'ancre à La Poste en 1996 où il déploie depuis 15 ans des compétences en Intelligence Économique et Stratégique acquises à l'EGE, puis comme thésard. Comme tout facteur aimé et respecté par ses usagers, il anticipe les crises avant qu'elles n'aient posté leur lettre de cachet. En effet, quelles que soient les conditions climatiques ou de perturbation des chaines logistiques, le courriers, les services et les colis doivent passer.
Chercheur associé à l'Université de Poitiers, conférencier à HEC Montréal et ailleurs, ce membre fondateur du Cercle K2 et administrateur du Collège enseignant-chercheur au SYNFIE, est aussi le promotteur du SMIst, Système de Management de l'Information Stratégique, - ou l'IE enseignée comme une science de gestion parmi d'autres -, et d'AReS, une méthodologie d'achats responsables qui, comme tout bon vin de Bordeaux, s'est bonifiée avec le temps et qui continue d'être savourée par l'Ademe et l'Afnor 15 ans après sa création ; preuve qu'on peut être un précurseur sans avoir à plonger son regard dans un Palantir.